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Université d'été du NPA - Combattre la répression

[Vidéo] Interventions de Daniela Cobet et Gaëtan Demay sur la répression

Correspondants Dans le cadre de la 7ème université d'été du NPA, et dans un contexte politique marqué par une montée de la répression des mouvements sociaux et syndicaux, se tenait un atelier sur la répression intitulée « Répression d’État, répression patronale : de quoi ces politiques sont-elles l’expression ? Comment les combattre ? ». Dans ce débat, intervenait Daniela Cobet, Roseline Vachetta, Cathy Billard, ainsi que Yann Le Merrer, militant à Sud PTT et Gaetan Demay, militant NPA à Toulouse dans le secteur jeune, tous deux cibles de la répression. Nous retranscrivons synthétiquement pour Revolution Permanente les interventions de Daniela Cobet et de Gaétan Demay.

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Interventions de Daniéla Cobet et Gaëtan sur la répression - Université d'été du NPA 2015 - YouTube

Intervention de Daniela Cobet, membre du Comité Exécutif du NPA

Si nous avons décidé d’organiser cette année un atelier sur la question de la répression, des attaques liberticides, des reculs sur le plan de la démocratie formelle en France aujourd’hui, c’est que nous pensons que cette question à une certaine actualité. Si on essaye de passer en revue cette dernière année, on peut voir un certain nombre d’éléments qui justifient d’avoir une réflexion et une discussion spécifique sur cette question.

Nous partions déjà d’un cadre répressif préexistant, en particulier contre les secteurs des classes populaires. On connaît le niveau de violence policière qui peut exister en France et depuis plusieurs années à l’égard des habitants des quartiers, de la population d’origine immigréé. Cette année nous avons eu au moins un cas très emblématique, autour du jugement des assassins de Zied et Bouna, qui montre à quel point cette répression est d’actualité et à quel point nous vivons dans un pays où il y a une justice de classe et où l’on peut tuer impunément. Cela a été mis d’actualité à l’échelle internationale, notamment avec les violences contre la population noire aux États-Unis. « Les vies des noirs compte aussi » est devenu le mot d’ordre des manifestants. En France aussi on pourrait dire que la vie des populations d’origines immigrées compte moins aussi pour certains.

Mais cette question des violences policières a été mise à nu cette année avec la mort d’un militant, Rémi Fraysse, dans une mobilisation à Sivens. Cela a suscité par la suite une série de mobilisations dénonçant le fait que, dans la France d’aujourd’hui, on peut mourir pour avoir participé à une mobilisation. Les policiers coupables de cette action restent évidemment impunis.

Nous avons aussi des attaques extrêmement importantes contre le droit de manifestation : ça a commencé avec la question de la Palestine l’été dernier et ça s’est poursuivi avec les mobilisations suite à la mort de Rémi Fraysse, avec toute une série de manifestation interdites, à Toulouse en particulier, ou notre camarade Gaëtan a été arrêté, mais pas seulement.

Cela se combine avec la répression au mouvement syndical, à l’intérieur des entreprises, avec l’exemple de notre camarade Yann, qui est cible de ce type répression.

Pour continuer ce panorama et cette longue liste, nous avons pu constater à quel point les attentats du mois de janvier ont pu être utilisés par le gouvernement pour renforcer toute une série de mesures liberticides, sous prétexte de lutte anti-terroriste.

Et si on sort un petit peu du cadre de la répression, on peut penser aussi que la façon dont le gouvernement a pu faire passer la loi Macron, en utilisant des prérogatives extrêmement anti-démocratiques de la cinquième république française - un régime, par lui-même, anti-démocratique - sans passer par un vote au parlement, au travers du 49.3.

Dernier aspect, et pour ne pas rester cantonnés aux frontières de l’hexagone, nous voyons depuis le début du gouvernement Hollande un énorme déploiement militaire de l’impérialisme français dans toute une série de pays. Il y a une nouvelle intervention militaire par an depuis 2012 avec des scandales tels que le viol d’enfants par des soldats et des officiers français en Afrique.

Tous ces éléments donnent un cadre un peu général du problème. De plus, en tant que parti, nous avons été particulièrement touchés par cette question cette année. Nous avons eu au moins trois cas importants de répression, dont deux sont ici à la tribune (Yann et Gaëtan) mais ils ne sont pas les seuls. Dans le mouvement syndical, toute une série de copains du parti, à la Poste et dans d’autres entreprises, sont eux aussi des victimes de la répression syndicale.

Plus récemment, dans le contexte de la lutte des migrants qui a dû faire face à un déploiement policier extrêmement important, un camarade du NPA a été tabassé par la police et a failli perdre une œil. Alors on voit très bien que cette question devient importante. En général, pour saisir les coordonnées de la situation et penser nos réponses politiques, mais y compris du point de vue de notre propre parti, pour réfléchir à comment on réagit lorsqu’on a des camarades de chez nous qui sont ciblés par la répression.

Dans le cadre de l’analyse de cette situation, nous avons été un certain nombre à évoquer le concept de bonapartisme. Cela a suscité un débat, des critiques. Est-ce qu’on peut ou pas parler de bonapartisme aujourd’hui ? De quoi on parle quand on parle de bonapartisme ? C’est un vieux concept qui a beaucoup été repris par les marxistes, en particulier au début du XXe siècle, pour décrire des formes du pouvoir de la bourgeoisie qui peuvent être intermédiaires entre la démocratie bourgeoise normale et un régime semi-fasciste. Trotski, dans le cadre d’une discussion où certains de ses interlocuteurs disaient que le concept de bonapartisme était beaucoup trop large et décrivait des situations extrêmement différentes, explique de la façon suivante ce qu’est pour lui le bonapartisme : 

« Par bonapartisme, nous entendons un régime où la classe économiquement dominante, apte aux méthodes démocratiques de gouvernement, se trouve contrainte, afin de sauvegarder ce qu’elle possède, de tolérer au-dessus d’elle le commandement incontrôlé d’un appareil militaire et policier, d’un sauveur couronné. Une semblable situation se créée dans les périodes où les contradictions des classes sont devenues particulièrement aiguës. Le bonapartisme a pour but d’empêcher l’explosion. »

Il y a donc deux volets du concept : l’idée que l’appareil militaire commence à jouer un rôle extrêmement important et sort à un moment donné du contrôle de la bourgeoisie. Pour ne pas rentrer dans une fausse polémique, je pense qu’on n’en est pas là en France aujourd’hui, qu’il y a un contrôle de la part des classes dominantes aujourd’hui en France sur l’appareil répressif. Mais, en même temps, il y a de plus en plus de mécanismes qui mènent à un pouvoir très concentré sur une seule personne, ou sur un petit groupe de personnes, appuyé sur l’appareil militaire.

De ce point de vue, on peut dire que le régime de la cinquième république, qui permet au président de la république de prendre toute une série de décisions sur le plan militaire sans passer par le parlement est un régime qui a naturellement un certain degré de bonapartisme. Mais il reste démocratique-bourgeois, et ce serait faux de dire qu’on serait déjà dans un régime totalement bonapartiste. Ce que nous disons ce qu’il y a des traits bonapartistes qui s’approfondissent. Ces traits ne sont pas encore décisifs, y compris parce que la dynamique qui est celle de la lutte de classe, ne le justifie pas pour l’instant.

Nous ne sommes pas dans une situation de poussée du mouvement de masse où il y aurait des mouvements sociaux d’une telle importance qui puissent justifier le niveau de répression qu’on a connu à certains moments de l’histoire récente. Pour ce qui est de la jeunesse, on peut penser notamment à la grande vague d’arrestations d’étudiants qu’il y a eu après le CPE. C’est précisément pour cela que la question paraît importante aujourd’hui. La répression et les traits bonapartistes du régime actuel ont un certain caractère préventif. Aujourd’hui, on ne s’attaque pas aux mouvements sociaux en général mais on essaye de cibler des militants syndicaux et politiques. On cherche à ce que dans une situation où il y aurait des mouvements sociaux plus importants, ceux-ci soient dépourvus d’animateurs et de dirigeants. On essaye de terroriser ceux qui pourraient jouer un rôle d’avant-garde dans les mouvements futurs.

Tout ça ne peut se comprendre que dans le contexte de la crise capitaliste et des attaques menées contre les travailleurs et les classes populaires. Du point de vue du gouvernement, le plus gros des attaques est encore devant nous, il s’agit donc de préparer les conditions et le rapport de force pour pouvoir les déclencher avec la résistance la moins importante possible.

Il ne faut donc surtout pas minimiser cette question de la répression, parce que si celle-ci est le résultat d’un rapport de force dégradé pour le mouvement ouvrier et le mouvement social en général, elle est en même temps aussi un élément qui intervient sur le rapport de force.

C’est pour cela qu’il me semble que c’est une tâche extrêmement importante pour l’extrême gauche de combattre ces mesures répressives telles qu’elles existent aujourd’hui et de lutter pour garder chaque droit démocratique qui puisse nous permettre de continuer à intervenir dans les meilleures conditions possibles dans des mouvements sociaux qui, nous espéreront, s’accentueront face à l’importance des attaques déclenchées contre notre classe.

Cela pose le problème de notre rapport à la démocratie, celui des révolutionnaires, car nous ne défendons pas cette démocratie des riches dans laquelle nous vivons. Nous défendons un autre régime social. On se retrouve dans une sorte de paradoxe, à défendre ce qui peut exister en terme de droits et acquis démocratiques dans un régime qui est par nature extrêmement anti-démocratique. Et en même temps nous faisons une critique radicale de ce régime et essayons de montrer qu’il y aurait une autre démocratie possible, celle des exploités, de ceux qui s’organisent déjà dans le cadre des luttes sociales et qui peuvent diriger la société.

Dans la discussion, il faut éviter deux écueils différents : le premier serait de dire que, puisque nous luttons pour le socialisme, peu importe si nous nous battons dans un régime semi-fasciste, bonapartiste ou dans un régime démocratique avec un maximum d’acquis. Ce serait complètement erroné. Il faut se battre pour avoir les meilleures conditions pour lutter, pour abattre ce système. L’autre écueil serait de penser que nous allons pouvoir créer un autre régime social seulement par un élargissement de la démocratie telle qu’elle existe aujourd’hui et en faisant économie d’un affrontement violent avec l’État.

Toute la question pour nous c’est, à la fois, comment avoir une politique pour défendre nos droits démocratiques et chaque brèche laissée par le régime actuel, et en même temps montrer ses contradictions. Dénoncer le fait que la justice est une justice de classe et nous battre pour notre justice à nous, pour que chaque juge soit élu. Dénoncer des institutions profondément réactionnaires comme le Sénat, qui devraient tout simplement être supprimées. Dénoncer les privilèges d’une caste politicienne qui défend les intérêts de la classe dominante et reprendre l’expérience de la Commune de Paris autour du plafonnement du salaire des élus et de leur révocabilité de façon à poser en positif, à partir des contradictions et des limites de la démocratie bourgeoise elle-même, notre projet qui est le bouleversement de l’ensemble de la société capitaliste.

Intervention de Gaétan, militant NPA à Toulouse dans le secteur jeune.

Je vais parler un peu de ce qu’il s’est passé à Toulouse, qui est un cas un peu particulier car nous avons subi pas mal de répression de la part de l’État.

A Toulouse, il y a eu un mouvement au Mirail où la jeunesse commençait à se mobiliser sur certains plans. Tout d’abord, à la fac de sciences humaines, autour du budget des filières, qui est une politique globale de l’État en matière d’éducation qui vise à la privatisation des facs et à faire des facs d’élites. D’un autre côté, il y avait le rapport à la ZAD de Sivens, un mouvement écologiste qui était très important dans la mobilisation. C’était assez hybride, le mouvement s’inscrivait aussi contre la répression, et la fac a rejoint aussi le mouvement zadiste après la mort de Rémi Fraysse. C’était un mouvement assez radical car, dans les votes d’AG où il y avait parfois plus de 1700 personnes, il y avait plus largement la dénonciation des grands projets inutiles, du capitalisme et du système dans son ensemble.

On s’est mis en relation avec d’autres secteurs en lutte de Toulouse, car il n’y avait pas que les étudiants qui étaient mobilisés mais aussi le personnel. Par exemple à Bellefontaine, il y a eu aussi une mobilisation des professeurs, qui a aussi été réprimée, et ils ont essayé de les muter. Vous avez surement vu les grèves de la faim de plusieurs de ces professeurs.

Dans la continuité de la répression et des interdictions de manifestions pour la Palestine, celles de Toulouse ont été systématiquement interdites et réprimées de manière particulièrement féroce. Toulouse, c’était comme un laboratoire de la répression du mouvement social avec un déploiement des forces de l’ordre très conséquent, avec des hélicoptères qui survolaient les manifestations en permanence. Ils ont enfermé à ciel ouvert pendant plus de deux heures des manifestants pendant la manifestation.

Cette répression a donné lieu à 54 interpellations et 54 condamnations. Cela montre bien la politique globale du gouvernement, du système et de la justice de classe. A propos de ces 54 condamnations, nous, avec le NPA, on a essayé d’organiser les gens qui ont été condamnés et de les rassembler pour organiser une défense commune, une défense qui serait politique. Mais cela a été assez problématique, car les visions des choses étaient différentes. J’étais le seul militant arrêté qui était organisé réellement dans un parti, et les autres ont choisi une défense individuelle et non-politique. C’est à cela que l’on voit la nécessité d’être dans une organisation et dans un parti. On profite de l’expérience des camarades et de leur soutien au quotidien, mais aussi des conseils juridiques. Ceux qui n’ont pas eu cette chance comme moi d’être au NPA ont eu des avocats commis d’offices, qui voulaient juste se débarrasser de l’affaire en les conseillant de passer en comparution immédiate et qui se sont fait condamner par la justice directement. Dans un autre cas, un jeune manifestant qui avait cassé une vitrine d’une banque a avoué qu’il l’avait fait, que c’était peut-être lui. Ce n’est pas un truc à faire, mais c’est ce qui arrive quand on n’est pas organisé, que l’on est tout seul et qu’il y a personne autour de nous et du coup on se fait allumer par la justice. Il a pris 6 mois de prison ferme et 45.000€ d’amende, c’est une condamnation conséquente pour un jeune travailleur de 21 ans.

Alors que, quand on m’a attaqué, en tant que jeune militant syndicaliste et politique, cela n’a pas eu la même importance car, immédiatement, tout le milieu syndical et politique de Toulouse a réagi et cela nous a permis de monter une campagne autour de ça, avec des inter-orga, une campagne internationale de selfies de soutien à tous les manifestants condamnés cibles de la répression. Il y a eu une pétition aussi, traduite en plusieurs langues, qui a été signée près de 12.000 fois. Un collectif anti-répression s’est créé sur Toulouse, qui avait pour but de rassembler tous les gens qui sont cibles de la répression de l’État.

Cette campagne internationale, dont le NPA est à l’initiative, a permis de nous mettre en relation avec d’autres cas de répression et de nous solidariser, notamment, avec un camarade de l’Etat espagnol, Alfon, qui a pris quatre ans de prison pour avoir manifesté en 2012, ainsi qu’avec les camarades de l’OKDE Spartakos qui ont été arrêtés lors de manifestations par la police du gouvernement de Syriza. Cela montre que c’est notre classe sociale qui est attaquée par la bourgeoisie, que c’est un phénomène mondial et qu’il faut une solidarité de classe, car c’est bien notre classe qui est attaquée.

Que ce soit des militants qui soient ciblés par la répression, c’est une politique tout à fait réfléchie par le gouvernement qui a conscience de la nécessité de désagréger le milieu militant pour pouvoir poursuivre leur offensive ultra-libérale et leurs attaques contre notre classe sociale. Cela leur permet aussi de laisser la jeunesse et les travailleurs désorganisés dans leur combat futur contre le système capitaliste et contre la bourgeoisie.

Notre parti, et tout le milieu militant, est là pour s’organiser autour de ça, prendre en charge la question de la répression, en soutien à tous les camarades qui sont cibles de la répression, c’est très important parce que l’on montre que c’est notre classe qui est attaquée, mais surtout que c’est notre classe qui répond. Et c’est à nous, en tant que parti révolutionnaire, de faire échouer la politique du gouvernement et de la bourgeoisie qui visent à détruire toutes les organisations politiques et syndicales. Il faut leur montrer que, nous, on a conscience qu’il faut lutter et que la répression ne va pas nous arrêter. Il faut leur montrer que la colère qui s’exprime dans la rue va pousser à dénoncer le capitalisme en tant que fléau de l’humanité, qu’on ne se laissera pas faire !


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