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Résistances face aux réductions budgétaires

Victoire de la mobilisation lycéenne au Lycée Max Linder à Libourne

Après trois jours de blocage du Lycée Max Linder à Libourne pour cause de suppression du financement des options non linguistiques, nous avons contacté deux élèves qui ont participé au mouvement victorieux de résistance à cette mesure arbitraire, qui s'inscrit dans la politique générale du gouvernement de réduction du budget destiné à l'éducation. Voici leur témoignage.

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Comment avez-vous appris la suppression des heures, et comment ont réagi l’ensemble des élèves et des professeurs à cette nouvelle ?

Alors, j’ai appris la nouvelle le 21janvier lors d’une sortie au FIPA (Festival International de  Programmes Audiovisuels) de Biarritz. J’ai entendu ma prof de cinéma en parler, forcément intriguée, je lui ai demandé plus de détails. J’ai donc compris que le recteur arrêtait le financement des options facultatives non linguistiques (cinéma, sport, arts plastiques, théâtre, musique...), mais l’information m’a été confirmée au CVL (Conseil de Vie Lycéenne) du lycée auquel j’ai été élue. Les élèves au début n’ont pas trop mesuré l’ampleur de cette réforme mais en s’expliquant un petit peu mieux certains se sont montrés très motivés et investis. Quant aux profs, bien sûr qu’ils étaient en colère, une décision pareille ça ne passe jamais inaperçu...

Est-ce que la totalité des élèves ont pris part dans le mouvement ? Ou s’agissait-il seulement des élèves affectés par la suppression ?

Je ne peux pas dire que la totalité des élèves aient pris part au mouvement, mais on peut dire qu’une bonne partie des élèves qui se sont motivés étaient ceux qui étaient membres des options ou au moins impliqués dans une discipline artistique. Même si, pour la plupart, cette suppression ne les concernaient pas, les trois quarts des gens actifs au sein du soulèvement terminent leur scolarité dans un ou deux ans, et n’auraient donc pas été forcément atteints par cette suppression.

Comment se sont déroulés les trois jours de blocage ? Avez-vous eu le soutien de la population en général ?

Alors : premier jour, lundi 1er février, réunion discrète à 12h avec des élèves motivés pour faire bouger les choses, on parle du blocus à environ une petite trentaine de personnes, certains s’affirment plus que d’autres et on décide alors que le lendemain, mardi 2 février, on se reverrait au même endroit à la même heure pour une dernière mise au point.

2ème jour : mardi 2 février, le matin, opération « lycée mort » lancée par les profs. Une action qui vise à inciter les élèves et professeurs à ne pas aller/faire cours de la journée. S’en est suivie en deuxième partie de matinée une marche manifestante dans Libourne au départ de Max Linder, en passant par la mairie, la sous-préfecture et la gendarmerie. A midi, on fait les comptes lors de notre deuxième réunion et nous avons le chiffre final : nous serons finalement 14 à occuper le lycée le soir même. 17h : on se rejoint, on fait les dernières mises au point et on se cache. C’est alors que l’on apprend que l’information a fuité et que l’administration du lycée est au courant. On a donc dû trouver une autre solution sur Libourne pour dormir.

3ème jour : mercredi 3 février, rendez-vous 5h devant le lycée avec le groupe de 14. On passe par-dessus les grilles, on prend les chaînes et on ferme tout, vers 5h30, un groupe de renfort arrive pour consolider notre fermeture à base de scotch et de cellophane (élèves d’arts plastiques jusqu’au bout). Tout était bouclé pour 7h, on passe par-dessus le portail pour sortir et on se rejoint tous devant le lycée. Distribution de pancartes avec les slogans, les banderoles, tout ça, et les voix s’échauffent, les élèves ne comprennent pas tous et à 8h avec l’Ovni (mon grand frère pour l’occasion), on s’élève depuis l’intérieur du lycée au-dessus des grilles et on annonce à la foule que le lycée est bloqué, qu’il n’y aura pas de cours ce mercredi et que nous n’ouvrirons pas. Vous imaginez ? 1500 élèves bloqués devant leur bahut... Au cours de la matinée, quelques débordements ont eu lieu, mais bon, comme dans toutes manif’ y’a des fouteurs de merde, ici par exemple, c’était une bande de guignols qui s’amusaient à jeter des œufs dans la foule. Mais bon, grâce à deux/trois personnes qui étaient à l’extérieur on a réussi à calmer le jeu. On apprend un peu plus tard dans la matinée que le soir sont reçus à l’académie de Bordeaux des membres de l’équipe pédagogique ainsi que des parents d’élèves pour décider de tout ça. Je demande donc à pouvoir m’y rendre avec une autre représentante des élèves élue au CVL pour que les quelques 2000 élèves du lycée Max Linder soient représentés. Ma demande est acceptée mais on me demande d’ouvrir le portail en échange, il est 11h30. Une heure après, les professeurs se sont collectés pour aller faire quelques courses pour nourrir les manifestants (et oui, lycée fermé, cantine inaccessible) et nous ravitailler en café, je remonte alors sur mon estrade avec l’Ovni et je demande à la petite centaine d’élèves qui ont eu le courage et l’envie de rester leurs avis sur la situation. Est-ce qu’on ouvre ou est-ce qu’on n’ouvre pas ? La réponse est unanime, ils ne veulent pas ouvrir... C’est alors que l’équipe de maintenance du lycée arrive et ouvre de force le petit portail du lycée. Exténuée par la fatigue, les nerfs commencent à me lâcher et je m’absente pour aller dormir une petite heure. Et à mon retour, surprise, les manifestants avaient cartonné toute la devanture du lycée à base des slogans et des signatures (D., Vince et plein d’autres), une équipe s’était occupée de la préparation de la réunion à l’académie et une autre du rangement... Le soir même, à la fameuse réunion à l’académie après une courte discussion et avec le soutien du député, nous avons récupéré les 12h qu’il manquait à la DGH (dotation globale horaire) du lycée pour que les arts et la culture puissent continuer d’être enseignés dans des matières à part entière comme le cinéma ou les arts plastiques. Ensuite, le lendemain, je m’y étais engagée, je rouvrirai le lycée si nous avions ce que nous voulions, nous avons récupéré nos heures, j’ai tout ouvert avec l’aide de deux ou trois amis qui étaient dans le coin...

Après trois jours de blocage et manifestations, soldés par une victoire, quel est le bilan que vous faites en tant qu’élèves du déroulement du mouvement ? Et qu’elles sont les perspectives pour les luttes à venir ?

On va dire qu’on (et là je parle au nom du groupe) a pas réellement de perspectives pour les luttes à venir, mais maintenant, je sais sur qui je peux compter pour monter un projet. Et je remercie tous ceux et celles qui ont fait tourner la machine.
Une fois la victoire acquise, le groupe ne s’est pas désolidarisé pour autant, il n’y a pas de projet de lutte ou de solidarité en vue, mais on sait sur qui on peut compter.
Avec les camarades du collectif antifasciste de Libourne (pour la plupart concernés par la suppression des options), nous nous sommes mis en collaboration avec Révolution Permanente, notre action venant juste d’être relancée nous manquons cruellement d’organisation mais l’envie de combat est présente.

Que pensez-vous de la situation nationale en ce moment (état d’urgence, déchéance de nationalité, guerres au moyen orient, condamnation des travailleurs de Goodyear et Air France) ?

Personnellement je trouve que l’état d’urgence est une manœuvre totalitaire de la caste politicienne bourgeoise afin de faire taire par tous les moyens celles et ceux qui luttent contre ce système capitaliste. Tous les moyens sont bons pour faire taire les activistes d’extrême gauche : coups de matraque, gazage, arrestations très, très musclées.) Par la suite, l’instauration d’une surveillance allant à l’encontre des libertés individuelles : assignations à résidence, fiches pour les manifestants, peines de prison pour des travailleurs voulant survivre... En effet, il y a eu plus de 3000 assignations à résidence et seulement 4 mesures anti-terroristes ? Les salles de concert ainsi que les stades ont rouvert, les lieux politiques et économiques remis en libre accès mais toujours pas le droit de manifester... On nous parle de liberté d’expression depuis Charlie hebdo mais où est-elle quand on se fait frapper par les CRS quand on veut défendre une cause légitime (ZAD de NDDL, Cop21, manifestation des no borders à Calais…) ? Nous les lycéens, nous avons eu beaucoup de chance parce que nous étions, pour la majorité, blancs... Mais bon, où est notre liberté d’expression quand on veut nous supprimer nos options culturelles et artistiques, sans nous demander notre avis ? Pour la déchéance de nationalité, on voit déjà les boucs émissaires : les binationaux français qui sont menacés, les quartiers populaires aussi où la police a impunément la gâchette facile, la population musulmane qui subit des représailles racistes depuis les attentats (la France devrait assumer son propre terrorisme et ne pas rejeter la faute sur les origines des terroristes).
Les syndicalistes qui refusent de courber l’échine sont un exemple à suivre, tout notre soutien aux travailleurs de Goodyear et Air-France.

Je refuse cette logique : contre le djihadisme, contre la militarisation de la société, pour la solidarité entre les luttes ouvrières et étudiantes, les luttes de quartiers et pour le soutien de nos frères au Moyen Orient et en Afrique ! NO PASARAN.


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