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Paradoxe

Valeurs Actuelles : Macron dans un journal d’extrême-droite… pour mieux tenter de se localiser au centre ?

Macron est le premier Président à accepter de donner une interview fleuve à un journal depuis longtemps passé à l’extrême-droite. Pourtant, par-delà cette attitude qui légitime en dernière instance les positions racistes de VA, c’est bien au centre de l’échiquier que Macron veut apparaître politiquement.

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Une interview dans un journal d’extrême-droite dans un contexte de déchaînement islamophobe

« ‘’L’échec de notre modèle se conjugue avec la crise que vit l’Islam’’ Immigration, identité… les confidences explosives du président » : la couverture du numéro de Valeurs Actuelles qui sortira aujourd’hui a de quoi faire réagir. Emmanuel Macron devient en effet le premier chef d’Etat à accorder une interview de cette ampleur à un magazine clairement situé à l’extrême-droite, condamné en 2015 et 2013 pour « provocation à la haine » et « provocation à la discrimination envers les musulmans » suite à des couvertures racistes.

Surtout, cette interview intervient dans le contexte d’une séquence de déchaînement islamophobe, initiée par Emmanuel Macron lui-même lors de son discours à la Préfecture de Paris sur l’« hydre islamiste » le 8 octobre. Depuis, les discours stigmatisant se multiplient de la part du gouvernement comme de l’opposition d’extrême-droite et de droite, qui a fait passer hier au Sénat un texte interdisant la présence d’accompagnatrices voilées lors de sorties scolaires.

Un contexte qui n’est pas sans produire d’effets très concrets comme le rappelle l’attentat de Bayonne perpétré il y a trois jours devant une mosquée par un octogénaire d’extrême-droite, dont le passage à l’acte ne saurait être séparé d’un climat d’hostilité envers les musulmans.

Une volonté de se localiser au centre… et de déplacer le débat vers la question de l’immigration

Pourtant, ceux qui espèrent lire des « confidences explosives » de la part d’Emmanuel Macron risquent d’être déçus. De fait, les extraits de l’interview déjà publiés semblent confirmer la stratégie politique que Macron a été contraint d’adopter depuis son discours du 16 octobre : se saisir de thématiques ancrées à droite pour dialoguer avec cet électorat, tout en recentrant son discours pour apparaître plus modéré que l’extrême-droite et ainsi rendre plus acceptables ce tournant auprès de sa majorité parlementaire et de son électorat « progressiste ».

Une stratégie facilitée ces derniers jours par l’attentat islamophobie perpétré par un ancien militant RN qui permet d’associer l’extrême-droite au racisme et à la violence, et à laisser au président le monopole de l’islamophobie acceptable. Pour ce qui est de la position adoptée par LREM vis-à-vis de l’interdiction des mères accompagnatrices voilées, la stratégie est la même.

Dans Valeurs Actuelles, Emmanuel Macron a ainsi tenté de décliner un discours empreint d’un racisme modéré, d’une islamophobie acceptable, basé sur le déni d’un élément essentiel : la responsabilité centrale du gouvernement dans l’instauration du climat islamophobe qui règne dans le pays. Au fil de l’interview Macron récuse notamment l’idée d’un « racisme anti-blanc », condamne l’ « humiliation » de la mère voilée agressée par Julien Odoul, met en cause l’échec de « notre modèle d’intégration » tout en pointant du doigt la « sécession » communautariste » et en avançant les éléments d’un programme plus dur sur l’immigration.

En outre, l’entretien permet à Emmanuel Macron de rappeler les mesures qu’il entend porter sur l’immigration, sujet dont il a choisi de saisir à nouveau en cette rentrée deux ans après la Loi Asile-Immigration. Emmanuel Macron explique ainsi vouloir améliorer les reconduites à la frontière et mentionne à nouveau l’AME, reprenant à son compte les arguments de l’extrême-droite concernant les « gens qui viennent avec un visa touristique, qui restent trois mois et ensuite se mettent à l’AME ».

De fait, l’entretien paraîtra le jour même de l’annonce des mesures envisagées par le gouvernement concernant les soins aux personnes migrantes. Comme l’a révélé L’Opinion, on retrouve parmi celles-ci un renforcement des contrôles des dossiers de l’AME, la création d’un délai de carence de trois mois pour accéder à la CMU et une limitation de l’accès à la CMU à 6 mois pour les étrangers ayant reçu une « obligation de quitter le territoire français » (OQTF). Des attaques qui, sous couvert de nécessité, sont autant de gages donnés à l’électorat de droite.

Un numéro d’équilibriste qui exprime les contradictions persistantes du macronisme

Si l’Elysée a justifié l’interview du Président dans Valeurs Actuelles par la volonté de « s’adresser à tous les français », force est de constater qu’il s’agit surtout de se tourner vers l’électorat de droite, dans la continuité du tournant régalien annoncé pour l’Acte II du quinquennat.

Pourtant, Emmanuel Macron continue de tenter de se maintenir en équilibre en cherchant à déployer un discours à la fois suffisamment modéré et offensif sur l’Islam ou sur l’immigration. Un défi visant à capter l’électorat de droite sans s’aliéner sa majorité et son électorat centre-gauche. Or, les dernières semaines ont montré la difficulté d’un tel exercice dans un contexte de forte polarisation sociale.

En cherchant à draguer les électeurs de droite sur les sujets régaliens, le Président semble condamné à être constamment débordé sur sa gauche comme sur sa droite.
Cette polarisation peut en partie jouer en faveur de l’exécutif, en localisant le gouvernement au centre du débat comme c’est en partie le cas sur le sujet de la laïcité. Mais la polarisation qui s’exprime à chaque débat souligne en même temps la précarité de cette position. Surtout, dans un contexte de retour des mobilisations contre les gouvernements néo-libéraux à l’international et avec la perspective du 5 décembre dans le paysage, cette polarisation pourrait s’exprimer sur un autre terrain, bien plus dangereux pour le gouvernement que le champ politique, celui de la lutte de classe.


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