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Luttes sans frontières

Vague de grèves dans le transport aérien européen : l’inflation et la reprise du trafic font des étincelles

Les travailleurs du transport aérien low-cost annoncent la couleur : dans toute l’Europe et dans plusieurs compagnies, des grèves sont prévues dès ce week-end. Un climat de lutte dans le secteur, qui pourrait s’agréger aux mobilisations en cours autour de la question des salaires et de l’inflation.

Antoine Bordas

24 juin 2022

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Crédit photo : Thomas Frey, AFP

Le transport aérien européen connait une vague de grève majeure, si des prémisses étaient visibles depuis janvier, l’été pourrait s’annoncer explosif dans ce secteur. Depuis les dernières grandes vagues épidémiques, la reprise du trafic a été subie dans des conditions déplorables par les travailleurs, en ajoutant l’inflation, les tensions sont à leur comble dans les différents secteurs du transport aérien. Dans Les Échos, on pouvait lire dans la semaine un extrait d’une lettre ouverte écrite par la fédération européenne des travailleurs du transport : «  le chaos auquel fait face le secteur aérien ne fera que s’aggraver tout au long de l’été tandis que les travailleurs sont poussés à bout  ». Une annonce qui se précise, entre le personnel à bord des compagnies low-cost qui lancent des grèves dès ce week-end et des mobilisations au sein des aéroports, à l’image de Roissy où la lutte va reprendre le 1er juillet, on peut présager un été avec de nombreux avions cloués au sol, au côté de piquets de grèves.

Coup de semonce du personnel navigant ce week-end dans les compagnies low cost

La principale compagnie touchée par les mobilisations à venir est sans doute Ryanair. Une grève coordonnée dans cinq pays démarre ce vendredi 24 juin. Ce sont les hôtesses et les stewards qui sont à l’initiative, avec un calendrier prévoyant différentes modalités selon les pays : en Belgique les 24, 25 et 26 juin, en Espagne les 24, 25, 26, 30 juin, 1er et 2 juillet, en France les 25 et 26 juin, en Italie le 25 juin et au Portugal les 24, 25 et 26 juin. C’est à l’unisson que différents syndicats ont construit ces journées, avec des revendications communes, pointant l’irresponsabilité de la compagnie et les attaques qu’elles mènent contre les travailleurs.

Alors que Ryanair fait partie des compagnies qui rattrapent d’ores et déjà le « retard » de profits induit par la crise sanitaire, les travailleurs et travailleuses revendiquent des augmentations de salaire élémentaires. Comme souvent dans le monde de l’aérien low-cost, la compagnie joue sur les différentes réglementations et impose des conditions de travail plus que dégradées à travers l’Europe.

Mais les travailleurs de Ryanair ne seront pas les seuls à rester sur le tarmac dans les semaines à venir. Du côté de la compagnie EasyJet, c’est notamment en Espagne que les travailleurs à travers le syndicat USO (l’Union syndicale ouvrière) annoncent une série de journées de grève. Neuf journées sont appelées au total et devraient toucher les aéroports de Barcelone, Malaga et Majorque (îles Baléares). Le syndicat pointe particulièrement que dans le pays, le salaire de base ne dépasse même pas 1000 euros.

La liste se poursuit avec la compagnie Brussels Airlines (filiale de Lufthansa), où le personnel navigant est entré en grève ce jeudi pour trois jours. Selon le site Air Média, ce sont 315 vols qui ont d’ores et déjà été annulés préventivement. Toujours selon Air Média, une journée de grève coordonnée des travailleurs de la compagnie SAS Scandinavian Airlines est prévue le 29 juin par le syndicat SAS Pilot Group, qui mobilisera en Norvège, en Suède et au Danemark. Concernant cette dernière série, c’est pour la renégociation de la convention collective que les travailleurs entrent en mobilisation.

Au sein des aéroports, premières démonstrations et monté en puissance

Si les grèves du week-end concerneront essentiellement le personnel à bord des avions, c’est aussi le personnel au sol qui s’est mobilisé dernièrement et annonce d’ores et déjà préparer les suites.

Le Figaro prévient par exemple d’une mobilisation attendue en Angleterre cette fois, au niveau de la compagnie British Airline, dont les travailleurs ont voté ce jeudi l’organisation de journée de grève à venir. Ce sont les conditions salariales qui sont encore une fois au cœur, avec une tentative de la direction de ne pas revenir sur la réduction de 10% imposé durant la période épidémique.

Mais on pense également à l’importante journée réalisée par les travailleurs de l’aéroport de Roissy en France le 9 juin dernier.. Nous soulignons dans nos colonnes l’unité à la base et la volonté d’agir de manière coordonnée à travers l’ensemble des entreprises qui composent l’aéroport. Une nouvelle journée est déjà annoncée pour le 1 juillet, avec toujours le mot d’ordre de 300 euros d’augmentation pour toutes et tous. La volonté d’extension de la mobilisation, au sein du secteur, mais aussi plus largement, est une caractéristique importante et une démonstration de cette grève.

Une turbulente tendance à la grève à suivre

Les annonces et commentaires autour de ces grèves dans le transport aérien semblent inquiéter de nombreux médias et reflète une peur vis-à-vis des potentielles explosions sociales plus larges que tout le monde voit couver. C’est dans ce sens que l’ on a pu observer de la part des différentes directions une condescendance et un mépris de classe terrible. Le directeur général de Ryanair déclarait lors d’une conférence de presse à Bruxelles : « Nous assurons 2500 vols par jour. La plupart de ces vols continueront à être assurés, même si un syndicat de “Mickey” fait grève en Espagne ou si les syndicats belges du personnel de cabine veulent faire grève ici ». Ailleurs, c’est pour l’instant des minimisations ou des tentatives de renvoyer la faute sur des travailleurs d’autres branches et pays qui prédomine.

Pourtant, le secteur traverse un véritable contrecoup de la séquence épidémique qui vient se combiner à l’inflation montante à travers l’Europe. En effet, la reprise du trafic aérien se fait dans la douleur à travers l’Europe, notamment suite à la casse sociale massive qui a été opéré durant les pics de Covid. On parle de dizaine de milliers de suppressions d’emplois, et de PSE qui ont largement précarisé le secteur. Pour ne donner que deux exemples : en mars 2021, la direction de Roissy annonçait 30 000 suppressions d’emplois, en Angleterre, Bloomberg rapporte 10 000 licenciements au sein de British Airways « au plus fort de la crise du Covid ». C’est une évidence qu’avec la reprise actuelle, les sous-effectifs pèsent sur celles et ceux qui ont pu rester.

Côté salaire, comme partout, les différentes directions regardent ailleurs et proposent des primes pour contourner la question. Pourtant, c’est bien une augmentation de l’inflation à 8.1% qui touche le continent.

Si ces grèves vont peut-être faire plus parler que d’autres, c’est bien qu’elles impactent les flux de voyageurs et de marchandises et c’est sur cela que les travailleurs peuvent compter pour arracher des avancées. Comme ailleurs, les patrons ne font que de faibles compromis et signent souvent avec les directions syndicales qui vont au dialogue social. Et comme ailleurs, des perspectives de rapport de force plus dures peuvent et doivent être construites. Ces mobilisations pourraient dans plusieurs pays ouvrir des processus plus larges de coordination, à l’image de l’Angleterre
] où l’on ne peut que souhaiter une jonction entre les travailleurs de British Airline et la grève historique dans le rail.

Le contexte français n’est pas moins explosif, avec une situation politique qui est loin de se stabiliser suite aux résultats des élections législatives et un Macron II peine à reprendre la main. Une multiplication des grèves, avec des démonstrations plus fortes par endroits, constituent les bases d’une riposte nécessaire sur le terrain des luttes sociales. La séquence qu’ouvrent les travailleurs et les travailleuses du transport aérien montre que nos luttes belles et bien internationales et que nos forces doivent contribuer à imposer les revendications d’une classe ouvrière qui n’a pas de frontière.

Pour témoigner sur les conditions de travail dans votre entreprise, nous faire des suggestions ou simplement entrer en contact avec Révolution Permanente : [email protected]


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