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Une nouvelle étape dans le conflit israëlo-palestinien ?

La grande vague de violence qui touche la Cisjordanie ainsi que Jérusalem n'est pas tombée du ciel. La politique coloniale de l'Etat d’Israël, renforcée par les gouvernements successifs de Netanyahu, permet de comprendre le pourquoi de cette situation.

Claudia Cinatti

8 octobre 2015

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Il n’est pas encore dit que la situation actuelle va nécessairement découcher sur un mouvement de résistance actif et persistant, dont l’intensité, par-delà des caractéristiques différentes, serait à l’image des deux intifadas de 1988 et 2000. Mais d’ores et déjà, il semblerait que le conflit israelo-palestinien rentre dans une nouvelle étape. 

La séquence menant à l’escalade actuelle a commencé avec la mort de quatre israéliens dans deux attaques séparées de palestiniens au cours du weekend dernier, qui ont été attribuées au Hamas et au Djihad Islamique.

Le gouvernement d’Israël a répondu avec la mise en place de nouvelles mesures de sécurité qui avaient été validées à la mi-septembre. La "guerre contre les lance-pierres" du Premier Ministre Netanyahu comprend à la fois l’utilisation de balles réelles afin de réprimer les manifestations, et des peines de quatre ans de prison pour ceux et celles qui lancent des pierres, ce qui constitue la marque de fabrique de la rébellion palestinienne contre l’occupation.

Netanyahu a interdit l’entrée de palestiniens à la Vieille Ville, a ordonné un bombardement limité à Gaza, a arrêté cinq palestiniens accusés d’appartenir à une cellule du Hamas et d’avoir perpétré une des attaques, et a également ordonné la démolition immédiate des maisons de famille de deux supposés "terroristes", une punition "exemplaire" appliqué par l’Etat colonial. Néanmoins, étant donné que la politique du gouvernement consiste à écraser le peuple palestinien, il est possible que la répression d’Etat n’ait pas encore atteint sa limite.

Les palestiniens subissent également la violence des colons, qui s’attaquent aussi bien à des maisons qu’à des ambulances et des hôpitaux. Un des faits les plus terrifiants a été l’incendie d’une maison à Duma, dans le centre de la Cisjordanie, dans lequel ont décédé trois membres d’une famille, dont un bébé de 18 mois. 

Les colons exercent une pression dans les rues, comme lundi dernier lorsqu’ils se sont mobilisés jusqu’à la résidence de Netanyahu à Jérusalem afin d’exiger l’expansion des territoires colonisés. Ils exercent également une pression depuis l’intérieur de la coalition de gouvernement où ils ont un poids considérable.

La très dure réponse de la part du gouvernement israélien a eu comme conséquence une vague de mobilisations à proximité des camps de réfugiés, des postes de contrôle et des territoires colonisés. La plupart de ces manifestations avaient étaient impulsées par la jeunesse. La répression a eu comme conséquence au moins deux adolescents palestiniens morts, ainsi que des centaines de blessés, dont beaucoup par balles réelles.

Malgré le fait que le Président de l’Autorité Palestinienne (AP), Mahmud Abbas, maintienne l’accord de coopération au sujet de la sécurité avec les forces armées israéliennes, et que la police palestinienne soit intervenue pour tenter de contenir les mobilisations, Netanyahu continu d’accuser Mahmud Abbas d’être l’instigateur de la violence. 

Il est donc légitime de se poser la question de savoir si nous sommes à la veille d’un nouveau soulèvement palestinien, une troisième Intifada qui aurait son épicentre au sein de la Cisjordanie et à Jérusalem. Depuis presque un an, ce thème est sujet de discussion dans les principaux médias, mais aussi dans les bureaux du Service d’Intelligence sioniste et du gouvernement palestinien.

Même si l’intensité, le niveau de violence ainsi que la massivité paraissent encore loin des soulèvements précédents, il est évident qu’une étincelle peut déclencher l’incendie à tout moment. Par ailleurs, il n’y aura pas nécessairement une répétition des soulèvements dans les mêmes termes que précédemment. 

Selon un sondage réalisé à Gaza et en Cisjordanie entre le 17 et le 19 septembre par le Palestinian Centre for Policy and Survey Research, aussi bien l’opinion favorable du président palestinien, que l’espoir d’une issue négociée au conflit, sont très basses. D’autres sondages mesurent également un mécontentement important.

65% de la population souhaite que le président Abbas démissionne. Si les élections avaient lieu maintenant, Ismail Haniyeh, l’ancien premier ministre de Hamas arriverait devant Abbas. Deux tiers des personnes pensent que l’Autorité Palestinienne ne fait pas suffisamment afin de protéger les villes palestiniennes du terrorisme des colons, et ils seraient prêts à se porter volontaires pour une garde civile pour protéger ces zones.

Face à l’impossibilité d’un quelconque processus de paix, 57% soutient le retour à une Intifada armée. 51% s’oppose à la "solution" de deux états et 42% pense que la forme la plus effective d’établir un Etat palestinien (même à côté de l’Etat d’Israël) serait à travers des actions armées, contre 29% qui préfère le chemin de la négociation.

Plusieurs éléments expliquent la chute de popularité de Abbas et de Al Fatah, et la perte de légitimité de l’Autorité Palestinienne, à commencer par le fait que Abbas lui-même ait assumé la présidence en se positionnant clairement comme un pion de la politique d’Israël et des Etats-Unis. Les déclarations de Abbas aux Nations Unies sur la fin de l’engagement de la Palestine avec le processus d’Oslo sont hors sol (car le processus d’Oslo est clos depuis plusieurs années) et absolument inefficaces pour regagner un minimum de crédibilité. Il en va de même en ce qui concerne ses menaces d’abandonner la coopération au sujet de la sécurité avec l’Etat d’Israël. De plus, plusieurs scandales de corruption touchant l’AP ont vu le jour, et ce dans un contexte d’une dégradation significative des conditions de vie de la majorité des palestiniens, principalement de la Bande de Gaza siégé par Israël.

Cependant, il est peut-être erronée de s’attendre à une réédition des "Intifadas". Les affrontements en Cisjordanie et à Jérusalem montrent comment la nouvelle configuration géographique des territoires palestiniens et la faiblesse politique des directions traditionnelles du mouvement national palestinien sont en train d’avoir une influence dans le caractère de la résistance.

L’expansion des territoires colonisés a changé la configuration. Les villes palestiniennes sont fragmentées et isolées par des murs, des clôtures, des postes de contrôle, des bases militaires et des chemins exclusifs pour les colons. D’un point de vue politique, il est évident que la rupture opérée entre l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et le Hamas joue un rôle dans cette nouvelle configuration, ainsi que la croissante autonomie des leaders locaux. 

La proximité avec les colons et la politique cherchant à "judaïser" Jérusalem dans le contexte d’un gouvernement hégémonisé par l’extrême droite sioniste, donnent une situation où les affrontements sont quasi-quotidiens, non seulement lors des mobilisations massives, mais également lors de celles où les protagonistes sont des groupes de jeunes ou même des individus lambda. Cela rend la situation explosive où n’importe quel incident peut être l’étincelle qui déclenche le feu. Néanmoins, ce n’est pas exclu que la répression de Netanyahu, avec la collaboration de Abbas, réussisse à contenir la situation. 

Ce sont également des mauvaises nouvelles pour les Etats Unis, le principal allié de l’Etat d’Israël, même si Obama et Netanyahu sont dans une posture d’affrontement, comme en ce qui concerne l’accord avec l’Iran, point le plus élevé de leurs tensions. Cela a amené Netanyahu à diversifier ses alliances de conjoncture, y compris son rapprochement avec la Russie afin d’éviter un affrontement inutile en territoire syrien, et tout particulièrement au Plateau du Golan.

D’autant plus qu’avec la crise en Syrie, la persistance de l’Etat Islamique, l’intervention militaire de la Russie et la dégradation des conditions militaires en Afghanistan, l’intensification du conflit israélo-palestinien ajoute un élément d’instabilité supplémentaire à la situation déjà chaotique au Moyen Orient.

Traduction par Laura Varlet


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Claudia Cinatti

Dirigeante du Parti des Travailleurs Socialistes (PTS) d’Argentine, membre du comité de rédaction de la revue Estrategia internacional, écrit également pour les rubriques internationales de La Izquierda Diario et Ideas de Izquierda.

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