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En temps de coronavirus

Une invasion de criquets pèlerins menace de dévaster les plantations en Afrique de l’Est

Les plantations sont menacées par ces bêtes voraces. Une menace que l’on ne voyait pas depuis 70 ans, conséquence directe du réchauffement climatique qui vient aggraver les conséquences de la pandémie.

Lola Alduna

16 avril 2020

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Depuis fin décembre 2019, 200 000 hectares de terres agricoles on été ravagées en Éthiopie par une première vague de criquets pèlerins. Conséquence directe du réchauffement climatique qui vient s’ajouter à la crise sanitaire mondiale en cours, ces essaims peuvent avoir des conséquences catastrophiques notamment en Afrique de l’Est, au Yémen et en Iran.

Comme le rapporte l’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), le criquet pèlerin est le ravageur migrateur le plus destructeur au monde. Un essaim de 1 km² peut manger, en une seule journée, une quantité de nourriture équivalente à celle que peuvent consommer 35.000 personnes. Un des essaims observés vers le 9 février couvrait une surface de 2.400 km² – équivalente à la taille du Luxembourg -, et était composé par 200 milliards de criquets. Chacun dévore, en un jour, l’équivalent à son propre poids (2 grammes) : un essaim d’une telle taille dévore donc, chaque jour, 400.000 tonnes de nourriture, l’équivalent à celui consommé par 84 millions de personnes.

Les essaims géants, fils du réchauffement climatique

Les pluies généralisées tombées fin mars pourraient entraîner une augmentation spectaculaire des effectifs acridiens dans l’est du Yémen, dans le sud de l’Iran et en Afrique de l’Est, dont les six pays les plus affectés par le risque des criquets sont l’Éthiopie, le Kenya, la Somalie, le Soudan du Sud, l’Ouganda et la Tanzanie, comme la rapporte le FAO. Depuis au moins 25 ans les autorités n’avaient vu d’essaims de criquets pèlerins d’une telle taille, et la dernière menace acridienne d’une telle force date d’il y a 70 ans au Kenya.

Guleid Artan, du Centre de prévision et d’applications climatologiques (ICPAC), avait affirme dans Le Figaro que l’invasion actuelle est le dernier symptôme d’une série de variations climatiques extrêmes, notamment en 2019, commencée par une forte sécheresse et achevée avec des pluies et inondations dévastatrices. Celles-ci trouveraient leur origine dans le « dipôle océan Indien », phénomène climatique d’ampleur historique, conséquence des différences de température entre les zones est et ouest de l’océan Indien.

Criquets et coronavirus

Comme on le signalait dans cet article, l’altération de la biodiversité, motivée par la recherche du profit capitaliste, est à l’origine de ces changements climatiques et écosystémiques, qui créent les conditions de développement de nouveaux virus, tel le Covid-19. Et c’est précisément en raison des mesures prises pour contrer ce dernier virus, que les pays les plus exposés aux essaims des criquets rencontrent des difficultés pour mener une lutte effective contre l’invasion.

En effet, les restrictions sur les mouvements des personnes et sur l’équipement comportent de défis importants. Cyril Ferrand, Responsable de l’équipe de résilience pour l’Afrique de l’Est de la FAO, l’affirmait : « le plus grand défi auquel nous faisons face actuellement est la fourniture de pesticides et nous accusons du retard en raison de la diminution drastique des frets aériens ». Une rupture des stocks de pesticides dans chaque pays pourrait avoir des conséquences catastrophiques, qui s’ajouteraient à une situation d’ores et déjà critique dans la plupart de ces pays.

Un problème nouveau s’ajoute à une situation déjà critique

L’ONG Acted, comme le rapportait Le Figaro, signalait que 65 % de la production agricole dans le comté Madera, au Kenya, est affecté ; et que, dans la région somalienne de Gedo, entre 35 % et 60 % de productions agricoles ont été endommagées, ce qui a provoqué une flambée des prix des denrées alimentaires. Une invasion des criquets pèlerins d’une telle ampleur aurait un impact criminel, notamment dans le secteur de l’élevage : les éleveurs au Kenya viennent de subir 3 années de sécheresse, dont il faut jusqu’à 5 ans pour se remettre.

Au Soudan du Sud, 60 % de la population est déjà menacée par la faim, en raison des effets combinés de la guerre, de la sécheresse et des inondations. Près de 25,5 millions de personnes se trouvent, déjà, en situation de grave insécurité alimentaire dans la Corne d’Afrique. Si les activités de lutte ne sont pas renforcés, l’ampleur et les conséquences des essaims pourraient s’allonger dans le temps, mettant en danger les récoltes débutant en juillet ; mais aussi dans l’espace : un essaim géant aurait été repéré à la frontière de la République Démocratique du Congo, où la dernière invasion date de 1944. Dans un pays où un conflit complexe, le virus Ébola, les épidémies de rougeole, une insécurité alimentaire chronique s’ajoutent à la menace du Covid-19, une telle invasion aurait des effets désastreux sur la population.

Un essaim vorace dénommé impérialisme

La situation catastrophique, sur différents plans, de ces pays découle, comme le signalait Philippe Alcoy, « directement d’une division du monde entre une poignée de nations impérialistes très riches qui dominent économiquement, politiquement et militairement l’écrasante majorité des pays, condamnées à la dépendance et au sous-développement ». Leur pillage au profit des intérêts des multinationales est le premier responsable de la crise climatique, dont l’invasion des criquets pèlerins est l’une de ses conséquences directes et qui risque de devenir l’un des pires fléaux de l’histoire. Mais c’est aussi le responsable de l’incapacité de ces pays de la Corne d’Afrique, du Yémen et de l’Iran à pouvoir y répondre efficacement, pieds et poings liés au marché international (des pesticides, en l’occurrence) aujourd’hui stagné en raison du Covid-19.

Afin d’éviter les conséquences d’une situation qui menace gravement la sécurité alimentaire et les moyens d’existence de millions de personnes, qui trouveraient leur traduction dans d’exodes, l’augmentation des tensions et davantage de misère et de souffrance ; il nous faut, plus que jamais exiger l’annulation immédiate et sans conditions des dettes des pays soumis à la domination impérialiste ; et de mettre en place un plan de solidarité internationale sous le contrôle des travailleurs. Car l’essaim le plus géant est celui du capitalisme impérialiste, et il n’y a que la classe travailleuse qui, à l’internationale et aux côtés de l’ensemble des opprimés et exploités, pourra lui donner le coup mortel.


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