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Une commission d’enquête sur la crise sanitaire pointe des « insuffisances graves de gestion »

La commission d’enquête mandatée par Macron pour étudier la gestion de la crise par le gouvernement a rendu un premier rapport à l’Élysée ce mardi. Constituée à part égale d’experts de la santé et de l’économie, la commission pointe du doigt la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement, tout en le félicitant pour sa gestion de la crise économique.

Youri Merad

14 octobre 2020

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Des « insuffisances graves de gestion » sur le volet sanitaire

Dans son rapport, la commission, dont l’objectif premier était de comparer la gestion de la crise en France à celle des pays voisins, tente de relativiser la place de la France « en position intermédiaire » sur l’échelle de l’excès de mortalité : un peu moins de morts qu’en Espagne, un peu plus qu’en Allemagne. Un résultat qui pourrait laisser croire à une gestion globalement satisfaisante du gouvernement face à l’épidémie. Pourtant, cette position relative « dans la moyenne des pays voisins » s’avère en fait traduire la gestion déplorable de la crise par l’ensemble des pays voisins et non pas une soi-disant gestion satisfaisante. C’est ce que dévoile d’emblée ce rapport dont « les premiers constats mettent en évidence des défauts manifestes d’anticipation, de préparation et de gestion » des aspects sanitaires dans la réponse du gouvernement Macron.

Il confirme tout d’abord l’impréparation du gouvernement concernant les ressources nécessaires pour contenir une épidémie. Didier Pittet, épidémiologiste présidant la commission d’enquête, explique avoir constaté « le déclin progressif du degré de priorité accordé à la prévention des pandémies entre 2010 et 2020 ». C’est notamment le cas à propos de la disponibilité des masques, dont il accuse le gouvernement d’« insuffisances graves de gestion », en les ayant d’abord déclarés « inutiles » pour les non-hospitaliers. C’est aussi le cas pour la question des tests : « les difficultés rencontrées par la France n’ont pas été tant le fait d’une pénurie de réactifs, même si celle-ci était réelle, que d’une mauvaise appréciation par les autorités sanitaires de l’impérieuse nécessité de tester la population pour mieux comprendre la diffusion du virus. » rapporte le journal L’Express de la conférence de presse. Un bilan rude pour Emmanuel Macron qui n’a de cesse de tenter d’invisibiliser ce bilan catastrophique.

À cette impréparation s’ajoute le manque de moyens flagrant dans les hôpitaux qui, ajouté à l’inefficacité des instances sanitaires de l’État, a mené à la submersion incontrôlable des services hospitaliers. C’est ce que rapporte l’Express à propos du manque total d’anticipation du gouvernement et de ces Agences Régionales de Santé : « Le Pr Pittet et ses collègues paraissent d’abord s’étonner de la prise de conscience tardive des autorités face au risque de débordement des capacités hospitalières ». Il ajoute que cette prise de conscience « n’est pas venue des "canaux normaux" de surveillance sanitaire » mais des hôpitaux eux-mêmes à partir du 10 mars, une fois submergés. Le rapport conclue que le système de santé a su répondre à l’épidémie, non pas grâce aux transferts de malades, ni à la réquisition des quelques lits destinés à d’autres patients dont se vente Macron, mais grâce à l’« effort considérable d’adaptation et de mobilisation » fourni par les professionnels de santé, et qui naïvement, selon le chef de la commission, « ne sera pas forcément aisément renouvelable dans les mois à venir ». Si la France ne fait donc pas si mauvaise figure comparée aux autres pays dans les résultats de ce rapport, ce serait donc grâce à la charge de travail démultipliée qu’a dû subir l’ensemble des personnels hospitaliers pendant le pic de l’épidémie. Les mêmes personnels hospitaliers qui appellent à une journée de mobilisation ce jeudi et qui, à l’entrée dans la deuxième vague de recrudescence de malades, dénoncent n’avoir toujours reçu aucun investissement d’État pour espérer y faire face d’une quelconque façon.

Tous ces manquements énumérés par les responsables du volet sanitaire du rapport contrastent étonnamment avec les conclusions des experts en économie y ayant travaillé, qui saluent, eux, la bonne gestion économique du gouvernement.

Les cadeaux au patronat plébiscités par les experts

Laurence Boone, économiste en chef de l’OCDE et membre de cette commission, déclare que les décisions prises par le gouvernement depuis le début de la crise « apparaissent satisfaisantes ». Elle qui annonçait cet été que « l’urgence, c’est de faire repartir l’économie » a en effet dû apprécier la reprise à marche forcée de l’activité à la suite du confinement, reprise qui annonçait déjà l’arrivée d’une deuxième vague de l’épidémie.

Elle félicite également les mesures de reprises partielles d’activités et de soutien financier aux entreprises qui auraient permis notamment à « l’emploi » de « bien résister au regard de l’ampleur du choc sur l’activité économique ». C’est donc les mesures de ruissellement d’argent public dans les poches du patronat que l’OCDE applaudit. Les mêmes mesures qui ont permis au patronat de choisir entre continuer à produire en engrangeant des bénéfices avec des employés alors payés par l’Etat, ou licencier quand même à tours de bras tout en amassant les subventions. Certains ont même pu faire les deux en même temps, c’est le cas de l’industrie aéronautique qui a pu profiter de plusieurs milliards d’euros d’aides publiques sans que ça n’empêche la suppression de plus de 13 000 emplois dans le secteur depuis le confinement.

Un rapport qui passe sous silence la gestion répressive ?

Si le rapport est donc particulièrement critique de la gestion de l’épidémie de Covid du gouvernement - tout en le félicitant pour le maintien relatif de l’économie qu’il a su assurer - il manque le lien de cause à effet entre une gestion qui place les intérêts financiers du patronat au-dessus de tout et ses conséquences néfastes sur la santé. De même le rapport n’évoque pas du tout le corollaire de cette gestion, à savoir sa dimension fortement répressive qui, pendant le confinement a conduit à des milliers d’amendes et à une démultiplication des violences policières.

A la veille du couvre-feu décidé par le gouvernement, cet oubli apparaît comme fondamental. Pour autant, le rapport a l’intérêt de rappeler la gestion catastrophique du gouvernement, et de montrer à quel point, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est urgent que les travailleurs se saisissent de la gestion de la crise sanitaire et s’organisent pour exiger et imposer des conditions sanitaires de travail sûres et des moyens conséquents pour les hôpitaux à la hauteur des besoins de la population.


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