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Elections aux Etats-Unis

Un syndicat new-yorkais appelle à la grève générale en cas de non-respect par Trump des résultats du scrutin.

Le syndicat AFL-CIO de Rochester (Etat de New York) a récemment appelé son organisation à l’échelle nationale, ainsi que ses branches affiliées et toutes les organisations des travailleurs des Etats-Unis, à décréter une grève générale dans le cas où Donald Trump refuserait de reconnaître les résultats des présidentielles de Novembre.

Jyhane Kedaz

17 octobre 2020

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Crédits Photo : Win McNamee

Le 13 octobre, le syndicat AFL-CIO de Rochester (New York) a adopté une résolution appelant les différentes organisations syndicales « à préparer et à décréter une grève générale de tous les travailleurs, si nécessaire, pour assurer une transition pacifique du pouvoir à la suite des élections présidentielles de 2020 ».

Une décision qui fait écho aux récentes déclarations du président américain, qui a refusé de s’engager à reconnaître les résultats du scrutin du 3 novembre prochain, prétextant de possibles fraudes électorales en raison de l’importance que prendra cette année le vote par correspondance, causé par la crise sanitaire. Des soupçons totalement infondés, alimentés par une vaste campagne politique menée par le camp Trump.

Un sabotage orchestré de la poste américaine

Comme le souligne l’AFL-CIO de Rochester dans sa résolution, "de nombreux responsables publics, dont le président, ont entamé une campagne concertée de démantèlement des infrastructures clés, comme le service postal américain, se livrant à des actes clairs de suppression d’électeurs et de désinformation destinés à semer le doute sur l’intégrité des élections nationales". Des manœuvres contre lesquelles les travailleurs des postes ont résisté discrètement et héroïquement, démontrant une fois de plus le rôle central de la classe ouvrière.

Ces accusations font notamment référence au blocage cet été par Donald Trump des financements de la poste américaine, le United States Postal Service (USPS), afin d’affaiblir le vote par correspondance, sensé, selon les sondages, favoriser le camp démocrate. Le président de l’USPS, Louis Dejoy, est lui-même un partisan de Trump, et participe au ralentissement de la distribution du courrier, par la réduction des machines de tri et des boîtes aux lettres. Un sabotage dans la lignée de la campagne menée depuis plusieurs années aussi bien par les présidents démocrates que républicains, dans le but de privatiser l’USPS. Mais les trucages ne s’arrêtent pas là : en Floride, les tribunaux ont également imposé des taxes de vote aux personnes ayant récemment retrouvé leur droit de vote, notamment les anciens prisonniers. En Californie, les Républicains sont allés jusqu’à installer de fausses boîtes de dépôt de bulletins de vote !

Trump veut jouer la carte des milices d’extrême-droite

L’appel à la grève générale lancé par l’AFL-CIO s’inscrit également dans le contexte de l’augmentation des attaques de l’extrême-droite contre les militants, avec le soutien du président. Trump cherche en effet à attiser les velléités des milices d’extrême-droite s’affichant ouvertement contre la démocratie américaine, en incitant notamment l’organisation suprémaciste des « Proud Boys » à « se tenir prêts » pour la soirée électorale, n’excluant pas le recourt à la violence pour semer le chao. Sa campagne rassemble également ce qu’il présente comme une "armée" de soi-disant "observateurs des élections", menant en réalité des campagnes d’intimidation dans les bureaux de vote.

Trump pari ainsi sur la possibilité de semer suffisamment le trouble le soir des élections pour faire basculer les Grands Electeurs des Etats en balance, qui sont ceux qui éliront in fine le Président des Etats-Unis. Il pourrait décider de se déclarer gagnant avant le dépouillement des bulletins de vote par correspondance (dont la délibération fastidieuse pourrait durer au-delà de la nuit électorale), en prétendant que ces bulletins sont frauduleux, pour interrompre le vote ou le décompte des voix. Si le vote des américains est suffisamment mis en doute, les législatures des États balbutiants comme la Pennsylvanie pourraient nommer des Grands électeurs favorables à Trump. En cas de litige sur le résultat des élections, ce serait à la Cour suprême américaine de trancher l’identité du futur locataire de la Maison Blanche, comme cela a déjà été le cas lors du duel Bush/Al Gore en 2000. La nomination récente de la juge conservatrice Amy Coney Barrett n’est en cela pas un hasard.

Si la réussite de la stratégie de Trump reste incertaine elle n’est cependant pas à écarter totalement. Les milices de droite que son administration a longtemps encouragées sont encore marginales et la tentative de Trump de manipuler le Collège électoral semble encore loin d’aboutir. Mais si les démocrates parient uniquement sur leur avance dans les sondages pour contre-carrer les manœuvres de Trump, ses attaques contre le vote par correspondance pourraient limiter leur avantage, laissant les candidats au coude à coude.

Le Parti démocrate ne peut être garant du bon déroulement du scrutin

Du côté des démocrates, la position est claire : ils n’ont aucune intention d’appeler à une mobilisation de masse pour lutter contre la menace électorale. Ni de se débarrasser du Collège électoral ou de la Cour suprême au caractère particulièrement antidémocratique, et dont Trump entend se servir. Joe Biden et les démocrates n’arrêteront pas le truquage des élections. Il suffit de voir la façon ils se sont adaptés à la nomination de la juge ultra-conservatrice Amy Coney Barrett à la Cour suprême, ou de leur abandon, par le passé, face à la décision de la Cour Suprême de nommer Bush contre Al Gore en 2000.

Les démocrates, comme les républicains, sont un parti de la classe dirigeante, en témoigne le nombre de milliardaires qui financent la candidature de Biden aux élections. Ils n’ont pas intérêt à convoquer une mobilisation qui pourrait démontrer le potentiel de la classe ouvrière et des opprimés, révélé par le soulèvement historique massif contre la police cet été, et dont le parti a participé à la répression. Ce secteur de la classe dirigeante préfère encore avoir Trump au pouvoir que d’assister à une nième vague de soulèvements.

"L’outil le plus puissant du mouvement ouvrier dans notre histoire a été la puissance de la grève générale."

Seule une action militante de masse contre la tentative de prise de pouvoir de Trump pourrait permettre d’intimider et de vaincre les organisations suprématistes blanches et assurer la sécurité des urnes. Une tâche que seule la classe ouvrière et les opprimés ont le pouvoir et l’intérêt matériel d’accomplir. L’AFL-CIO de Rochester a conscience de cette puissance de feu, lorsqu’elle déclare « la classe ouvrière organisée refusant de retourner au travail a un pouvoir plus grand que n’importe quelle manœuvre politique despotique ».

Ce pouvoir signifie que les organisations ouvrières ont un rôle clé à jouer dans la crise actuelle, afin de mettre un coup d’arrêt aux attaques de Trump contre les élections, et d’intimider les suprémacistes blancs qu’il a encouragés.

Un plan contre lequel la bureaucratie syndicale se révèle être un obstacle. En effet, les dirigeants syndicaux des principales organisations (comme l’AFT, la CWA, le SEIU ou encore la NEA) se contentent d’implorer au vote en faveur de Biden, alors même que celui-ci est le candidat favori de Wall Street, et un ennemi juré du syndicalisme.

Cette lutte militante des organisations de la classe ouvrière doit au contraire être menée en toute indépendance du Parti Démocrate, à travers la création de comités de base pour organiser des grèves contre les menaces d’attaques des bureaux de vote ou de perturbations du dépouillement postal, ainsi que par des actions de rue. Un barrage non pas électoral, mais sur le terrain de la grève générale.


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