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Un programme pour la révolution, enfin en librairie !

Un programme pour la révolution, enfin en librairie !

Les éditions Communard.e.s publient une nouvelle édition du Programme de transition qui regroupe pour la première fois en langue française et dans un même ouvrage un certain nombre de textes, dont certains inédits en français, qui témoignent des discussions suscitées par l’adoption de ce programme au sein du mouvement trotskyste à la veille de la fondation de la Quatrième Internationale.

Un programme pour la révolution. Programme de transition et textes choisis, Léon Trotsky, avant-propos d’Anasse Kazib, éditions Communard.e.s, Paris, 344 pages, 15 €, couverture Fred Sochard, désormais disponible en librairie.

La (re)découverte de ces discussions, quatre-vingts ans après l’assassinat de Léon Trotsky par un agent de Staline, présente un double intérêt. Historique, d’abord, puisque ces textes illustrent les principaux débats qui ont traversé le mouvement révolutionnaire dans un moment charnière. Mais politique, surtout, car ces textes sont la tentative la plus aboutie de formuler un programme marxiste révolutionnaire dans une période de crise aiguë du capitalisme, de consolidation du fascisme en Europe et alors qu’il est, comme l’écrivait Victor Serge, «  minuit dans le siècle  ». Ainsi, les échanges qui composent ce recueil sont riches d’enseignements, par exemple sur la relation entre les facteurs objectifs et subjectifs dans la dynamique révolutionnaire, la façon d’adapter le programme à une situation donnée, la question syndicale ou encore le rôle du parti révolutionnaire.

En plus du Programme de transition, texte fondateur de la Quatrième Internationale et mondialement connu, le recueil présente une série de textes et de documents qui rendent compte des principaux débats qui traversent les différentes sections du mouvement pour la Quatrième Internationale en amont de sa conférence de fondation. Le SWP étasunien est non seulement la section la plus importante d’un point de vue numérique mais c’est aussi celle qui a conquis, à l’époque, la plus grande influence dans les secteurs du mouvement ouvrier. C’est la raison pour laquelle les discussions antérieures à la conférence de fondation sont largement centrées sur la situation aux États-Unis. Y sont abordées de nombreuses questions spécifiques à la situation politique étasunienne, comme l’importance accordée à la revendication de l’échelle mobile des salaires et des heures de travail, l’autodéfense ouvrière contre les premiers phénomènes fascistes, les possibilités de construction du SWP et la tactique du Labor Party (Parti des travailleurs). L’attitude à adopter vis-à-vis de la guerre qui se prépare suscite également des polémiques au sein de la section étasunienne. Toutes ces discussions témoignent de la volonté de Trotsky de mettre en relation objectifs programmatiques, situations concrètes et état d’esprit des masses. D’une manière générale, les débats retranscrits dans ce recueil démontrent bien la nécessité d’allier clarté programmatique et grande flexibilité tactique, à rebours de toute idée reçue selon laquelle le programme marxiste révolutionnaire serait un ensemble doctrinaire, enkysté aux coordonnées d’une époque révolue.

L’éditeur a par ailleurs fait le choix d’ajouter à cette sélection de textes une série d’archives [1] issues de la conférence de fondation de la Quatrième Internationale, dite «  conférence de Lausanne  », réunie en réalité à Périgny, en région parisienne, le 3 septembre 1938, et de la conférence des Jeunesses réunie peu de temps après. L’ouvrage est complété d’une introduction resituant les enjeux historico-politiques, d’un glossaire et d’une notice biographique venant faciliter la lecture des textes.

Retrouvez la table des matières complète ici

Le recueil est introduit par un avant-propos d’Anasse Kazib, cheminot syndicaliste Sud rail, l’une des principales figures de la bataille contre les retraites de l’hiver 2019-2020 :

J’ai dû attendre d’avoir trente ans avant de savoir qui était réellement Léon Trotsky, de son vrai nom Lev Davidovitch Bronstein. De cet homme qui a marqué l’histoire de son empreinte je ne savais rien, sinon quelques résidus de propagande bourgeoise. Bien sûr, j’ai dû croiser son nom au collège, dans un coin d’un manuel scolaire où, en quelques lignes ramassées et mal dégrossies on nous parle de Lénine, de Trotsky mais aussi de Staline et des goulags, sans distinction aucune, pour enchaîner sur Hitler, la Seconde Guerre mondiale et le danger des «  totalitarismes  ». Mon cerveau, comme celui de ceux qui sont passés avant et après moi par cette étape de notre «  éducation  », n’avait retenu qu’une image de Trotsky  : celle d’un personnage autoritaire. (…) J’ai fait de nombreux débats télévisés, j’ai même passé presque deux ans dans l’émission des Grandes Gueules sur RMC et je suis toujours aussi impressionné de voir le regard de mes interlocuteurs, souvent des politiciens ou des éditorialistes bourgeois, qui change brusquement quand je cite le nom de Trotsky. (…) Comment expliquer que, plus de 80 ans après son assassinat, son nom fasse toujours l’objet de tant de mépris et de peur chez les classes dominantes  ? Qu’est ce qui justifie un matraquage aussi intense contre cet homme qui a passé la plus grande partie de sa vie en prison ou en exil, aux quatre coins du monde, dont le fils a été tué de son vivant et qui a lui-même fini par être assassiné, après plusieurs tentatives, le 21 août 1940, d’un coup de piolet à la tête par un agent stalinien  ?

Anasse Kazib y raconte sa rencontre avec un texte de Léon Trotsky alors qu’il participe au combat contre la « loi Travail et son monde » :

Ce que disait Trotsky dans ce texte résonnait directement avec notre difficulté à construire un rapport de force suffisant pour emporter une victoire [en 2016]. A la lecture de ce texte, je me rappelle avoir pensé que, finalement, nous n’étions peut-être pas obligés de repartir chaque fois de zéro et de répéter les mêmes stratégies si elles conduisaient sans cesse à la défaite. C’était pour moi le début d’une énorme découverte, et j’en voulais encore  ! J’ai continué à lire Trotsky en m’attaquant au Programme de transition. Une fois de plus, j’étais saisi par ce que je lisais. Ce programme me permettait d’intervenir sur le terrain, au quotidien, auprès de mes collègues, en articulant ces batailles ponctuelles à l’objectif que je commençais à me fixer de plus en plus consciemment  : venir à bout de ce système capitaliste et me battre pour une autre société. Le rôle du programme tel que le développe Trotsky, non pas comme un programme de promesses mais au contraire comme un ensemble d’objectifs de lutte, concrets, devant permettre d’agréger toutes celles et ceux qui souffrent, ceux qui sont exploités, opprimés, et qui aspirent à une vie digne. Cette logique, et les réponses programmatiques que je trouvais chez Trotsky me semblaient en réalité d’une énorme actualité. Et c’est d’autant plus le cas aujourd’hui alors que nous faisons face à une nouvelle crise mondiale dont la profondeur rappelle, justement, celle des années 1930.

Depuis, il explique tirer des idées de Trotsky, et en particulier du Programme de transition, de l’inspiration pour penser et s’orienter dans les combats d’aujourd’hui :

Aujourd’hui nous sommes confrontés à la multiplication des plans sociaux et des licenciements comme conséquence «  logique  », du point de vue capitaliste, à la crise économique et à la pandémie. Dans le Programme de transition, Trotsky aborde la question des entreprises qui ferment ou licencient massivement, et y oppose la nécessité d’exiger l’ouverture des livres de comptes de ces mêmes entreprises. Qu’on nous montre concrètement les bénéfices qui sont faits sur notre dos et notre santé quand, dans le même temps, on exige des masses qu’elles «  fassent des sacrifices  »  ! (…) Si les patrons ne sont pas en mesure d’assurer une vie digne pour toutes et tous, s’ils invoquent la crise pour envoyer des milliers de travailleurs au chômage en fermant les entreprises, alors occupons nos lieux de travail, exproprions les gros capitalistes et contrôlons nous-mêmes la production  ! Pour en finir avec le chômage de masse qui serait «  une fatalité  », partageons le temps de travail nécessaire entre toutes et tous, ce qui nous permettra, en plus, de libérer du temps libre et ne plus «  perdre notre vie à la gagner  »  ! Décidons par nous-mêmes ce qu’on produit et comment on le produit, c’est la seule façon de garantir notre sécurité matérielle et d’engager une transition écologique radicale. Voilà quelques exemples qui démontrent selon moi l’actualité de ce Programme de transition, quand bien même, évidemment, notre situation n’est pas la même que celle dans laquelle Trotsky l’a rédigé. Il esquisse un chemin, un «  pont  » pour reprendre les mots de Trotsky, vers la révolution. À nous de le reprendre et de le faire dialoguer avec notre situation et les nouveaux défis qui sont les nôtres.

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[1Ces archives ont été récupérées grâce au travail de numérisation et de mise à disposition de l’Association Radar.
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