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Mobilisation dans l’ESR

Un étudiant à Strasbourg : « Le 5 mars, notre 5 décembre à nous »

Un étudiant de l’université de Strasbourg revient sur l’importante journée de mobilisation dans l’enseignement supérieur et la recherche qui a eu lieu le 5 mars, et les perspectives qui s’ouvrent après cette réussite.

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Le 5 mars 2020 a en quelque sorte été notre 5 décembre à nous, les étudiants, professeurs, chercheurs et personnels de l’Université de Strasbourg. Cela fait plusieurs semaines que l’on préparait cette journée qui a rassemblé des dizaines de professeurs et de chercheurs et plus de 1000 étudiants sur le campus central.

Depuis quelques semaines donc, chaque bâtiment de l’Université s’organise en mettant en place des tables de lutte ou des piquets de grève (comme à la MISHA depuis plusieurs mois) tenues par les étudiants et les professeurs pour informer, tracter et discuter avec les autres étudiants de l’Université pour leur faire prendre conscience de l’urgence de la situation. Malgré quelques difficultés rencontrées à cause de quelques oppositions, chaque bâtiment est en théorie soumis aux décisions votées lors des AG unitaires de la faculté qui se tiennent chaque semaine. Ainsi, chaque bâtiment se voit décoré de pancartes, d’affiches et de banderoles qui recouvrent les murs et alertent sur la dangereuse ouverture de l’Université aux intérêts privés, et sur la grande précarité qui touche un nombre croissant d’étudiants et de certains vacataires.

Le soutien qu’apportent les professeurs et les chercheurs à la lutte renforce la légitimité de la mobilisation et crédibilise le mouvement aux yeux de ceux qui ne sont pas encore mobilisés. Dans chaque bâtiment sont organisées des AG (sciences historiques, philosophie, sciences sociales…) auxquelles assistent et participent les professeurs et chercheurs qui peuvent plus facilement faire peser un poids considérable sur la direction, notamment pour la banalisation des cours lors des journées de mobilisation. De plus, ces derniers peuvent inciter les étudiants à entrer dans la lutte en parlant des réformes en début de cours ou en dédiant carrément tout le cours à des explications sur les politiques menées contre l’Université. Maintenant que la mobilisation de l’Université semble avoir pris un tournant décisif, nous regrettons cependant que les professeurs et chercheurs n’aient apporté leur soutien à la mobilisation étudiante que pour lutter contre les réformes qui touchent l’enseignement supérieur (la LPPR et la réforme master MEEF notamment), car c’est trois mois après le début de la grève du 5 décembre que la fac se met réellement et significativement vent debout contre la politique destructrice de la macronie. Mais nous unissons nos forces, en retard de trois mois, mais nous le faisons.

La journée du 5 mars a donc été couronnée d’un franc succès, assez inespéré il faut l’avouer. Toute la matinée s’est organisée par bâtiments, certains organisant des « ateliers décoratifs » pour mettre sur pied des pancartes et des affiches, qui ont toute été collées dans le hall du Patio, le bâtiment principal du campus. Des débats ont également été organisés sur les thèmes du néolibéralisme et des violences faites aux femmes. A 14h, environ 500 étudiants réunis dans le Patio faisaient déborder le hall pour assister à la conférence de presse organisée par des professeurs et des chercheurs (informatique, mathématicien-ne-s, historien-ne-s, …) qui présentaient tour à tour leur démission (immédiate ou prochaine) de leurs fonctions devant les caméras et sous les applaudissements de la foule présente. Tous réclament le retrait des réformes qui touchent l’enseignement supérieur, mais aussi la fin du « travail gratuit », la garantie de la titularisation de tous les vacataires qui fournissent autant de travail que des titulaires mais sont payés une misère. Un professeur souligne que ces dernières années le nombre d’étudiants à l’Université de Strasbourg a augmenté de 20% mais que, parallèlement, le budget pour la recherche a baissé de 5%. Le professeur dénonce également les irrégularités dans la gestion du budget de la fac par un président plus que complaisant envers les politiques du gouvernement néolibéral : ce sont par exemple 5 millions d’euros qui ont été investis dans l’immobilier par la direction dans un centre de primatologie censé accueillir des singes sans aucun vote préalable et que, malgré de nombreuses dénonciations, l’affaire soit classée sans suite. Le professeur appelle tous les étudiants à se faire « lanceurs d’alerte » pour dénoncer toutes les dérives et les irrégularités dont nous pouvons être témoins sur la fac.

À la suite de cela, toutes les personnes présentes se sont rendues à la manifestation prévue à 15h qui a réuni plus de mille personnes sur le campus, « une première depuis plusieurs années » selon certains étudiants présents sur la fac depuis longtemps. Nombre de slogans fustigeaient le président Michel Deneken sur sa gestion de la mobilisation (présence de la police à de nombreuses reprises sur le campus malgré la franchise universitaire l’interdisant, comportements violents des membres de la sécurité du campus, étudiants militants pris en photo, fichage et suivi de certains malgré l’illégalité totale de ces agissements, …), et plus généralement l’ouverture de l’université aux intérêts privés. « La fac est à nous ».

Après une manifestation dans le froid, sous la pluie mais dans la joie et la bonne humeur, le cortège arrive au campus après que la direction a refusé d’ouvrir en amphi au Palais Universitaire (bâtiment historique et emblématique de l’Université). Décidés à nous rendre à l’amphi Cavaillès du Patio, nous arrivons à proximité du bâtiment lorsque des membres de la sécurité du campus tentent de fermer les portes. Plusieurs d’entre nous veillent à maintenir les portes ouvertes mais la sécurité se montre violente et commence à distribuer des coups de poings, de coudes, de pieds, jetant au sol plusieurs étudiant-e-s en les insultant. La situation s’envenime rapidement et, après plusieurs tentatives, nous parvenons à rentrer dans le bâtiment et à ouvrir l’amphithéâtre. Certains membres de la sécurité s’en sont pris personnellement aux étudiants, menaçant directement certains d’entre eux en les invitant à venir « régler ça dehors ».

Pendant l’AG qui a suivi ces évènements, un point tout particulier fut consacré aux membres de la sécurité du campus. En effet, depuis plusieurs années, et tout particulièrement ces derniers mois, malgré un déni total de la direction, certains militants sont victimes de harcèlement moral de la part des membres de la sécu, qui fiche les militants en toute illégalité.

Malgré ces tristes exactions, l’AG mis au grand jour une nouvelle force, un nouvel élan de motivation, et un nouveau cap a été franchi dans la détermination de tous les militants, étudiants, professeurs, vacataires, membres de l’administration, chercheurs, etc. De nouvelles AG sont prévues la semaine prochaine, et des comités de mobilisation se tiendront pour mettre en place et en œuvre les actions futures et ainsi poursuivre solidement la mobilisation à l’Université de Strasbourg.

Crédits photo : DNA / Laurent REA


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