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Washington n’est plus dans le coup

Un cessez-le-feu en Syrie sous l’égide de Moscou et d’Ankara ?

« Un cessez-le-feu à partir du 29 décembre, à minuit, sur l’ensemble du territoire syrien ». C’est ce que viennent de confirmer les ministres turcs et russes des Affaires étrangères. Quels sont les grands gagnants dans cette affaire ? CT

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Le cessez-le-feu qui devrait entrer en vigueur dans la nuit de jeudi à vendredi est censé couvrir l’ensemble du territoire syrien mais exclut l’Etat Islamique. Il englobe le gouvernement en place à Damas, à savoir les pro-Assad et les troupes étrangères qui le soutiennent, ainsi que l’ensemble de l’opposition « modérée » et islamiste syrienne à l’exception du Front al-Nosrah, anciennement filiale locale d’Al Qaeda. Le Front pour la Conquête du Levant, nouvelle appellation prise par les al-nosristes, serait néanmoins partie prenante de l’accord. L’enjeu de cet accord, absolument inédit après plus de cinq ans de guerre civile, est de creuser un sillon encore plus grand entre « l’opposition », d’un côté, et l’Etat Islamique et les groupes salafistes, de l’autre, tout en cristallisant le rapport de force actuel sur le terrain et en consolidant le rôle incontournable que souhaitent jouer la Russie et la Turquie aux dépends des Etats-Unis et de l’Europe, pourtant parties prenantes du conflit.

Selon l’accord, les forces en présence s’engagent à cesser toute offensive et à arrêter les attaques aériennes ainsi qu’à ne pas étendre au-delà des limites actuelles leur contrôle territorial. Les relations entre la Russie et la Turquie ont connu des hauts et des bas au cours du conflit syrien mais les deux pays se sont rapprochés au fil des derniers mois, notamment à la suite de l’isolement croissant du président Erdogan. Ce dernier ainsi que Poutine sont les « parrains » de l’accord, chacun des deux gouvernements étant le garant de la bonne conduite de ses réseaux locaux : le régime de Damas pour Moscou et l’opposition islamiste « modérée » pour Ankara.

Le modèle du cessez-le-feu actuel serait celui qui a permis l’arrêt des combats à Alep. Lorsque l’on sait le martyr qu’a connu la ville et ses habitants, on imagine de quel genre de cessez-le-feu il s’agit : une paix des cimetières signée dans le dos des populations pour le plus grand bénéfice des factions locales qui émergent, victorieuses ou, en tout cas, les moins affaiblies, de la guerre civile syrienne. Parmi elles, on compte bien entendu le gouvernement en place à Damas, indépendamment du rôle que pourrait être amené à jouer dans les mois à venir Bachar al-Assad, bien trop encombrant pour ses alliés régionaux qui pourraient bien s’entendre pour le remplacer par un autre apparatchik du parti Baas.

Les victimes collatérales de l’annonce de cessez-le-feu sont, par ailleurs, Washington et ses alliés occidentaux. Embarqués depuis plus de deux ans dans une guerre aérienne contre l’Etat islamique dans laquelle ils n’ont jamais pu véritablement entraîner la Turquie, les Etats-Unis sont, aujourd’hui, sur la touche.

L’autre victime possible de cet accord pourrait être, par ailleurs, les Kurdes de Syrie. Le Rojava était considéré jusqu’à présent par Wahsington et par Moscou comme allié dans la lutte contre Daech au plus grand dam d’Ankara qui n’a jamais renoncé à son projet d’envahir le Nord de la Syrie pour en finir avec l’expérience autonome kurde. Les troupes turques se massant à la frontière turco-syrienne ces derniers jours pourraient être le signe avant-coureur que Moscou s’apprête à sacrifier les Kurdes sur l’autel d’un cessez-le-feu destiné à consolider son assise de même que celle de Damas et il n’est guère probable que les États-Unis ne fassent quoi que ce soit pour empêcher Ankara d’aller jusqu’au bout de ses ambitions de conquête ou de redimensionnement du Rojava.


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