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Après les incidents du match Marseille / Lyon

Ultras. Répression de masse sur les tribunes populaires ?

Fréderic Apoyo Dimanche dernier, le match opposant l’Olympique de Marseille et l’Olympique Lyonnais a été interrompu durant plus de 20 minutes suite aux jets de projectiles et de fumigènes. Tout au long de la semaine, les différentes déclarations autour du match, et le retour sous le maillot lyonnais de l’ancien joueur de l’OM Mathieu Valbuena, avaient fait monter la sauce d’un match traditionnellement chaud. Si les faits, commis par une minorité de supporters, sont condamnables, les réactions qui ont suivi annoncent une répression de grande ampleur sur l’ensemble des tribunes populaires.

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« Il faut aider le club [de Marseille] avec les pouvoirs publics à reprendre davantage le contrôle de son public, et notamment de ses virages ». Le président de la Ligue de football (LFP) Frédéric Thiriez n’a pas tardé à réagir suite aux incidents de ce week-end au stade vélodrome. Il faut dire que cet événement a déclenché un florilège de réactions, jusqu’au point de devenir une véritable affaire d’État. Dès mardi, le député de l’Yonne Guillaume Larrivé (Les Républicains) a déposé à l’Assemblée un projet de loi ultra répressif : « Aux fins d’assurer la sécurité des manifestations sportives, les organisateurs de ces manifestations à but lucratif peuvent refuser ou annuler la délivrance de titres d’accès à ces manifestations, ou en refuser l’accès aux personnes qui, en raison de leur comportement, ont porté atteinte ou sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens ou aux dispositions prises par les organisateurs pour assurer le bon déroulement de ces manifestations. » Les clubs de football dirigeraient déjà eux-mêmes le système de traitement de données relatives à leurs propres supporters, légalisant et généralisant la liste noire, que la CNIL avait rendue illégale, mise au point par le club de Paris Saint Germain, particulièrement à la pointe dans le domaine de la répression des tribunes populaires. La proposition de loi prévoit, en outre, un renforcement des peines encourues : « Conformément à ce qu’avait annoncé le gouvernement en janvier 2014, il est donc proposé de porter à 24 mois la durée maximale d’une première interdiction administrative de stade et à 36 mois en cas de récidive. » a ajouté Guillaume Larrivé.

De l’amalgame douteux à l’embourgeoisement des tribunes françaises.

Cette proposition, tout comme le florilège de réactions qui ont suivi cet OM/OL, repose essentiellement sur un amalgame, alimenté d’un flot de clichés. Tout supporter « actif », généralement identifié comme étant un « Ultra », serait un dangereux Hooligan, raciste et assoiffé de violence. Si les récentes banderoles de soutien aux réfugiés, notamment en Allemagne, viennent contredire les préjugés du « tous xénophobe », l’amalgame Ultras/Hooligan reste le principal moyen de faire accepter à l’ensemble de l’opinion publique, la répression féroce des tribunes populaires… vecteur d’un embourgeoisement qui a déjà totalement gagné les tribunes du Parc des Princes à Paris. Contrairement aux autres « grandes nations du football », la France reste le seul pays où le dialogue « instances/supporters » est inexistant. La violence est ici présentée comme étant une caractéristique centrale des tribunes populaires, alors qu’elle n’en est qu’une dérive. Le « mouvement Ultras » est par essence extrêmement hétérogène. Bien que réunis autour d’un code commun, chaque groupe développe en son sein des valeurs qui lui sont propres, de l’antifascisme au nationalisme xénophobe, et ne peut être de fait traité unilatéralement, avec les méthodes de l’impitoyable « traque aux Hooligan ». Le rôle social des associations de supporters, et l’engagement de ces derniers pour diverses causes, contredit l’idée reçue d’une horde de sauvages prête à tout saccager sur son passage.

Le temps presse pour les autorités. L’Euro 2016 en France arrive à grands pas et avec lui le nettoyage à échelle nationale des tribunes. En effet, les autorités souhaiteraient voir remplacée la ferveur passionnée des Ultras, peu encline à faire consommer les goodies vendus à la boutique, par de calmes et policés consommateurs, applaudissant sagement et ne se levant de leurs sièges qu’à l’occasion d’un but. Face à la dérive répressive sur les tribunes, il est indispensable pour les groupes Ultras français de s’unir, comme cela a déjà été le cas à de nombreuses reprises par le passé, afin de préserver les valeurs d’un football populaire dont ils sont les derniers défenseurs.


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