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Tensions sans précédent

USA-Russie. A deux doigts d’une troisième guerre mondiale ?

Avec l’échec de l’accord de cessez-le-feu Kerry-Lavrov et les avancées des forces loyalistes à Alep, la guerre en Syrie est à un tournant. Face à la très probable chute de cette ville stratégique aux mains du régime, les Etats-Unis sont face à un dilemme : encaisser et accepter ce qui serait une défaite humiliante ou, à l’inverse, choisir la voie de l’escalade militaire.

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La chute probable de Alep et les options qui s’offrent aux Etats-Unis


L’une des possibilités serait l’envoi d’armes supplémentaires aux opposants à Damas, y compris aux ex-qaëdistes. Il pourrait s’agir de Mandaps, des systèmes de missiles anti-aériens, des Tows, des missiles anti-char ou des Javelins, un système de missiles anti-char portatif développe aux Etats-Unis. Compte-tenu néanmoins du fait que la chasse russe vole à 5000 mètres, les Mandaps ne seraient opérationnels que contre les hélicoptères de l’armée syrienne, alors que c’est l’aviation russe qui fait, aujourd’hui, la différence.

Si cette option est écartée, ce qui est fort probable, il resterait encore la possibilité de mettre en place une zone d’exclusion aérienne. Ce faisant, néanmoins, les stratèges du Pentagone sont conscients qu’ils s’avanceraient sur le terrain dangereux d’un possible conflit avec le Kremlin. Ces deux options ont été balayées, pour l’heure, par l’administration Obama. Dans la première hypothèse, il existe le risque que les armes tombent aux mains de djihadistes. Dans la seconde option, il s’agirait d’un pari beaucoup trop risqué.

Néanmoins, une défaite en Syrie serait extrêmement coûteuse pour Washington, non seulement dans la région mais plus généralement pour l’hégémonie américaine au niveau mondial. L’état-major russe en est parfaitement conscient et fait tout son possible pour augmenter les coûts de ces deux options extrêmes.

Compte-tenu du fait que le rapport de forces global est à l’avantage des Etats-Unis et de leurs alliés de l’OTAN, la Russie essaie de retarder le plus possible le moment de la confrontation, de la maintenir au niveau le plus bas –à la suite de « l’erreur » du bombardement américain qui a visé une base de l’armée syrienne, plusieurs conseillers occidentaux qui travaillent au sein des groupes rebelles auraient été liquidés par l’aviation russe, sans qu’aucune des deux parties n’en fasse état– et d’augmenter la pression sur les partenaires européens de Washington, à commencer par l’Allemagne, tout en construisant, en Syrie, les conditions rendant extrêmement compliquée une attaque états-unienne. Il ne s’agit en rien de vues de l’esprit. C’est ce que montre, par exemple, le déploiement par la Russie de missiles anti-missiles de croisière en Syrie, les missiles de croisière ayant été au cœur de l’interventionnisme états-unien des dernières décennies.

Le rapport bénéfices-profits des options en jeu rend compliquée, pour les Etats-Unis, une orientation militaire. Une éventuelle victoire de Clinton, néanmoins, relancerait la politique néo-conservatrice et il n’est pas exclu que la Russie ne pourrait pas tirer son épingle du jeu. Si à l’heure actuelle un président philippin peut traiter impunément Obama de « fils de p. », imaginons un seul instant si un tel scénario venait à se répéter après un recul supplémentaire des Etats-Unis en Syrie, indiquant un peu plus encore le degré de déclin de son hégémonie sur l’échiquier mondial.

Le monde entier est sur les dents


Bien que le scénario d’un conflit soit pour l’heure à exclure, tout le monde a pris la mesure de la situation. Un certain nombre de fonctionnaires et de politiques occidentaux voient ce qui se joue en Syrie non comme une partie de poker mais comme un risque majeur qui pourrait jusqu’à déboucher, selon certains, sur une Troisième Guerre mondiale. C’est ce dont a parlé le ministre des Affaires étrangères allemand Frank-Walter Steinmeier dans une interview concédée auBild, le quotidien le plus lu dans le pays. La phase actuelle serait « plus dangereuse » que la guerre froide. « C’est une illusion, a souligné Steinmeier, de croire qu’il s’agit de la réédition de la vieille Guerre Froide. Les temps actuels sont bien différents, mais également plus dangereux ». « Le danger d’une confrontation militaire est considérable », a souligné l’ancien diplomate Wolfgang Ischinger, qui a été le médiateur de l’OSCE pour l’Ukraine : « le danger n’a jamais été aussi élevé et le niveau de confiance entre l’Est et l’Ouest n’a jamais été aussi faible ».

À la différence de la guerre froide, au cours de laquelle les tensions étaient circonscrites par accords relatifs au partage du monde signés à Yalta –et qui, en dépit de multiples frictions, a été globalement respecté comme l’a montré le soutien tacite des Etats-Unis à l’écrasement de la révolution hongroise de 1956 par exemple–, la sphère actuelle de rivalités entre les Etats-Unis et la Russie touche à l’un des espaces vitaux pour Moscou, à savoir les territoires post-soviétiques.

C’est le trait profondément nouveau de ces frictions qui rendent le dénouement de tout conflit absolument incertain et qui fait dire par exemple Eduard Popov, expert russe, que « le monde est très certainement en train de s’acheminer en direction d’une nouvelle Crise des Missiles, comme en 1962. La seule différence est qu’en 1962, les Etats-Unis avaient à leur tête un leader fort, responsable et indépendant en la personne de Kennedy. Aujourd’hui, le pays est dirigé par Obama, qui n’a même pas l’autorité suffisante pour contrôler sa propre armée. Il semble peu probable que nous nous dirigions vers une Troisième Guerre mondiale complète, avec usage de l’arsenal nucléaire, mais ce qui est sûr c’est que nous allons en direction d’une multiplication de conflits locaux et périphérique à l’instar de ce qui se déroule actuellement en Syrie ».

La situation, d’ailleurs, est suffisamment envenimée pour que Poutine soit traité, aujourd’hui, par les médias, de la même façon que les anciens adversaires des Etats-Unis, les Slobodan Milosevic, Kadhafi et autres Saddam Hussein. Boris Johnson, actuel ministre des Affaires étrangères britanniques n’a pas hésité à mettre en garde la Russie de ne pas se transformer en « Etat-voyou ». Le dernier leader soviétique, Gorbatchev, juge quant à lui la situation suffisamment préoccupante pour demander une désescalade immédiate : « le monde est en train d’approcher dangereusement de la ligne rouge ».

Ainsi, les dirigeants des principales puissances impérialistes ne sont pas seulement en train de faire payer la crise aux classes populaires, à niveau mondial, mais cette même crise économique est en train de se transformer, de façon croissante, en une crise géopolitique. Elle augmente les probabilités de guerre, y compris entre les grandes puissances. Il faut les en empêcher de toute urgence.


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Juan Chingo

@JuanChingo
Journaliste

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