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Santé

Triple épidémie, défaillances structurelles : l’hôpital public s’enfonce dans la crise

Triple épidémie, défaillances structurelles : à l’hôpital, les saisons passent, les maux restent. Cet hiver, une fois de plus, c’est l’engorgement des services d’urgence et de réanimation qui est la norme, et la crise qui guette.

Yann Causs

28 décembre 2022

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Photo : AFP - JULIEN DE ROSA

Un cocktail explosif pour l’hôpital

Ce mercredi, François Braun, le ministre de la Santé, a été sans équivoque, selon lui l’hôpital public fait face à « la semaine de tous les dangers ». Une fois de plus, en cette période de fête de fin d’année, la situation dans les services hospitaliers est particulièrement préoccupante alors qu’une triple vague épidémique Covid-19, bronchiolite et grippe touche l’hexagone.

Une situation sans fin. Après la Covid et la bronchiolite - qui reste à un niveau élevé avec plus de 4 500 cas recensés dans les services d’urgences avant Noël-, c’est à présent la grippe qui explose avec 75% d’hospitalisation en plus la semaine dernière selon les autorités sanitaires. Une situation chaude qui met les hospitaliers en tension : « Le stress sur cette dernière semaine 2022 est phénoménal. [...] Il ne faudrait pas une catastrophe » assure une hospitalière à Sud-Ouest

D’ores et déjà les services hospitaliers et particulièrement les urgences connaissent un engorgement inquiétant. Ce mardi, en Ile-de-France après 12h, l’écrasante majorité des établissements n’avait plus de place pour accueillir de nouveaux patients dans les services de réanimation. En outre, selon BFMTV, près de 30% des lits seraient actuellement fermés en Ile-de-France faute de personnel.

Situation similaire à Bordeaux, où selon Sud Santé plus de 800 lits sont fermés en cette fin de décembre alors que les urgences du CHU débordent. Depuis ce mercredi, des algécos ont été installés devant les entrées des urgences afin d’aider la régulation et le tri des patients. Un infirmier témoigne dans les colonnes de Sud-Ouest : « Certaines nuits sont cauchemardesques, mais on est résignés, habitués à ces tensions permanentes. […] On prend l’eau de partout et on se contente d’écoper ». Du côté de l’hôpital d’Orsay, le service des urgences est privé de chauffages pour cause de panne. Autre témoignage, sur Twitter, un aide-soignant et brancardier aux urgences, fait état d’un temps d’attente dépassant les dix-neuf heures.

Régulation des services d’urgences : après sa mission flash le gouvernement mis en échec

Cette situation n’est pas nouvelle, cela fait des années que les personnels hospitaliers dénoncent leurs conditions de travail révélées au grand jour par la crise de la Covid. Alors que la mission flash commanditée par le gouvernement cet été se voulait apporter une solution notamment à la saturation des services d’urgences, force est de constater que la macronie est à nouveau face à son échec. De manière symbolique, l’institution de la régulation à l’entrée des urgences via le 15, promue par Emmanuel Macron lui-même pour pallier au manque d’effectif, tourne au vinaigre.

Une assistante de régulation médicale du CHU de Bordeaux raconte à Sud-Ouest : « Les agents tombent les uns après les autres, 14 sont en burn-out, les autres réclament des 80 % de temps de travail, on a des collègues qui ont fait des AVC. Ceux qui tiennent le coup sont obligés de faire des horaires de 12 heures à la suite. Ceux qui peuvent encore ne faire que 7h30 par jour - ce qui est la norme - doivent présenter un avis médical. C’est simple : de 1 500 appels par jour, on est passé à 3 200. »

En d’autres termes, le filtrage institué à l’entrée des urgences, loin de pallier aux manques structurels de l’hôpital, tourne à l’opération de com’ ratée. En début d’été, Macron faisait pourtant l’éloge de ce type de dispositif en préparant la pérennisation de ce fonctionnement en mode dégradé.

Rien à attendre du gouvernement et du CNR : il faut une mobilisation d’ensemble qui défende l’hôpital public

La saturation des services hospitaliers impacte en premier lieu les conditions de travail du personnel hospitalier et se répercutent directement sur la santé de la population, les travailleurs et ses couches les plus populaires. Plus que jamais, la lutte pour défendre l’hôpital public et pour en finir avec cette situation s’impose.

Aujourd’hui ce dont ont réellement besoin les personnels de santé, comme depuis des années, ce sont des moyens, des embauches et une augmentation des salaires. La mission flash n’a donné aucunement réponse à ces revendications et nous ne pouvons pas compter sur le Conseil national de la refondation, dont François Braun devrait préciser les axes de travail en janvier, pour aller dans ce sens.

La colère accumulée dans les hôpitaux est grande et les mobilisations n’ont cessées de se multiplier ces dernières années. Pourtant, celles-ci font trop souvent face à leur isolement, aux divisions sectorielles, ainsi qu’au manque de personnel entrainant des réquisitionnions qui entravent le droit de grève. C’est le cas par exemple actuellement au CHU de Bordeaux où les urgences pédiatriques sont en grève depuis lundi avec l’ensemble du personnel réquisitionné.

La mobilisation des hospitaliers doit ainsi se faire au côté des usagers et poser la question d’une riposte générale du monde du travail. Alors que les mobilisations pour l’augmentation des salaires ont pris de l’ampleur ces derniers mois face à l’inflation, la destruction des services publics et leur privatisation, notamment la santé, sont payés directement par la population et en particulier les travailleurs, les quartiers populaires et la jeunesse. Avec le bras de fer social central qui s’annonce contre la réforme des retraites, il devient urgent de construire une réponse d’ensemble pour les salaires, les acquis sociaux et la défense des services publics. Une défense qui garantisse un accès total, de qualité et gratuit aux soins pour l’ensemble de la population.


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