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Les salariés du commerce toujours mobilisés contre la loi Macron

Travail de nuit chez Sephora : un volontariat au parfum de la contrainte

John Strempe et Flora Carpentier Le 26 septembre 2014, la boutique Sephora des Champs-Élysées s’était vu interdire le travail de nuit en cour de cassation. A l’époque, les entreprises n’étaient autorisées à faire travailler leurs salariés entre 21 heures et 6 heures que si elles justifiaient de la nécessité de ne pas suspendre leur activité. Un an après, la loi Macron change la donne et permet à Séphora d'ouvrir de 21h à minuit, sur la base d’un « volontariat » payé des miettes. Mais les salariés n’entendent pas baisser les bras et ont été plus d’un millier à se mobiliser dans les rues de Paris le 15 octobre, à l’appel du Clic-P, bravant les gaz des CRS.

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Cela faisait plusieurs années que la marque de parfum voulait imposer le travail de nuit à ses salariés. Attaquée devant les tribunaux depuis plusieurs années par les organisations du Clic-P (intersyndicale du commerce parisien regroupant la CGT, SUD, Seci-Unsa et des militants CFDT en conflit avec leurs instances), l’enseigne avait une nouvelle fois perdu face à ses salariés, lors du recours en cassation. Rappelant que « Le travail de nuit ne peut pas être le mode d’organisation normal au sein d’une entreprise », celle-ci avait estimé que le recours au travail nocturne n’était pas « inhérent à l’activité » de Sephora.

La loi Macron toujours au service des patrons

Il aura fallut attendre la loi Macron, entrée en vigueur au mois d’août, pour que Sephora parvienne à ses fins. La nouvelle loi permet en effet aux commerces situés dans des « zones touristiques internationales » (ZTI) de reporter le début de la période de travail de nuit à minuit, sous certaines conditions. La première est que cette dérogation doit être couverte par un accord de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement ou par un accord conclu à un niveau territorial. Chez Sephora, cet accord a été signé par la majorité des représentants syndicaux le 16 septembre dernier, l’opposition de Sud et de la CGT n’ayant pas suffit à contrecarrer le vote favorable au travail de nuit de la CFDT, de la CFTC et la CFE-GCG. L’accord autorise le travail nocturne non seulement pour le magasin des Champs-Elysées mais s’étend à tous les autres magasins situés dans les ZTI.

La deuxième étape a consisté à faire voter les salariés en CDI depuis au moins 3 mois au magasin des Champs-Elysées (le premier dans le viseur) lors d’un référendum organisé par la direction. Entre le 3 et le 7 octobre, 96 % des votants se sont montrés favorables à l’ouverture du magasin entre 21 heures et minuit. La direction et les syndicats signataires de l’accord se sont bien entendu félicités du résultat du référendum.

De l’autre côté, le Clic-P prévoit de ne pas laisser passer l’accord : « Nous allons attaquer en justice cet accord qui, en plus d’être mauvais, est illégal », a affirmé Laurent Dégousée (Solidaires). Selon lui, les accords ont été signés « avant même la publication » du décret de la loi Macron sur les ZTI. Qui plus est, les conditions prévues pour compenser le travail de nuit ont été négociées au rabais : une majoration de salaire de 100 % qui se limite au minimum légal (à titre d’exemple, les salariés du magasin Marionnaud des Champs-Élysées ont obtenu 115 % en août), une aide pour les frais de garde d’enfants de seulement 12 euros de l’heure, et une prise en charge des frais de taxi, mais uniquement à partir de 23 heures.

Un volontariat sous la contrainte

Si les salariés de Sephora ont voté en masse cet accord, ce n’est pas parce qu’ils aiment travailler de nuit et veulent satisfaire les désirs de leur direction. Il paraît évident qu’aujourd’hui, les salaires ne suffisent pas et que la fameuse devise de l’ancien président Sarkozy « travailler plus pour gagner plus » s’applique ici. C’est parce que ces salariés ont besoin d’argent qu’ils acceptent de travailler plus pour se faire plus exploiter. Et le principe de « volontariat », il n’a de volontaire que le nom. Il est évident que si les chefs manquent de personnel un soir, la pression va se faire sur les salariés, qui vont devoir travailler quand les chefs le décident pour espérer être en bons termes avec la direction. Et comme partout, on sait pertinemment qu’un salarié qui accepte sans broncher le travail de nuit se verra moins facilement mis au chômage que celui qui refuse, et qui sera par la suite mal vu par sa direction, se verra refuser les augmentations de salaire et les évolutions de carrière, etc. Les accords permettent également à Sephora de recourir à des contrats précaires en CDD pour palier aux manques d’effectif.

En somme, le travail de nuit ne se fait, à l’instar du travail du dimanche, que sur la base d’un « volontariat » sous la contrainte. Personne ne préfère être au travail que chez soi, que ce soit après 21 heures ou toute une journée de week-end. Mais quand l’argent manque, il faut faire des sacrifices et la direction exploite autant qu’elle le peut cette brèche, avec la complicité des syndicats pro-patronaux. Comme l’ont montré les plus de mille manifestants qui ont défilé à Paris le 15 octobre à l’appel du Clic-P, c’est sur la détermination des salariés qu’il va falloir compter dans les prochaines semaines pour se battre pour les salaires, contre la précarité, et contre le travail de nuit, du dimanche et des jours fériés.


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