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Energie

« Tout le monde doit partir en reconductible » : la grève s’étend dans les centrales nucléaires

Depuis plusieurs semaines, les salariés des centrales nucléaires se mobilisent pour exiger des augmentations de salaires. Cette semaine, le mouvement s’est encore élargi et neuf sites sont actuellement en grève. Pour eux, la date du 18 octobre commence à s'imposer comme un point de ralliement avec les autres secteurs du monde du travail.

Alexis Taïeb

15 octobre 2022

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Alors que les raffineurs de chez Total, en grève depuis trois semaines, ont décidé de reconduire le mouvement jusqu’à mardi prochain, la FNME – CGT (Fédération nationale des mines et de l’énergie) a publié un communiqué, ce jeudi 13 octobre, dans lequel elle appelle à «  l’élargissement de la grève dans l’ensemble des entreprises de l’énergie  » et affiche son soutien aux «  travailleurs en grève dans tous les champs professionnels  ». Depuis plusieurs semaines déjà, un mouvement a commencé dans les centrales nucléaires et les IEG (Industries Electriques et Gazières) pour exiger une hausse générale des salaires.

La grève s’étend à la moitié des centrales nucléaires

Le mouvement, qui se poursuivait sur 6 sites, à Tricastin (Drôme), Cruas (Ardèche), Bugey (Ain), Cattenom (Moselle), a été rejoint jeudi par St Alban (Isère) et Gravelines (Nord). Ce vendredi, les centrales de Belleville (Cher) et de Paluel (Seine-Maritime) ont également rejoint le mouvement, et idem ce samedi pour le site de Dampierre (Loiret), pour un total de 9 sites en grève ce samedi matin. Les grévistes réclament des augmentations de salaire d’au moins 5% ; tandis que la fédération de l’énergie souhaite obtenir plus largement l’indexation des salaires sur l’inflation.

Comme nous le raconte Kevin Theis, secrétaire générale de CGT Energie Cher : «  Il y a deux raisons au mouvement. D’une part, nous voulons un véritable service public de l’énergie. La pseudo renationalisation d’EDF est une arnaque qui vise à étatiser les activités qui ont besoin d’investissements, et donc à les faire payer par la population, et à donner au privé celles les plus fructueuses, comme Enedis par exemple. Mais l’énergie est un besoin de l’ensemble de la population, elle ne devrait pas être soumise aux lois du marché, et on voit les conséquences de ça aujourd’hui avec la crise énergétique et les factures que doivent payer la population. D’autre part, on veut de véritables augmentations de salaires pour l’ensemble des agents. Sur les dix dernières années, on a perdu l’équivalent de 15% de salaire, et, avec l’inflation actuelle, ça devient intenable. »

Ainsi, le 6 octobre dernier, un accord de branche a été mis sur la table par le patronat concernant l’ensemble des entreprises énergétiques françaises, ce que l’on appelle les IEG (Industries Electriques et Gazières) et qui représente environ 150 entreprises, dont font partie EDF, Engie, Enedis (anciennement ERDF), RTE, pour ne citer que les plus grosses entreprises. Cet accord prévoit une augmentation de 3,6 % du salaire national de base sur 2022 et 2023, dont 2,3 % en 2023. Cet accord reste soumis à une signature jusqu’à mardi prochain.

Thomas Plancot, animateur du collectif nucléaire nationale CGT, explique que des avancées ont été obtenues uniquement grâce aux premières mobilisations, mais qu’elles restent insuffisantes pour compenser l’inflation. «  A partir du mercredi 19 octobre, les NAO (Négociation annuelle obligatoire) à EDF vont débuter. On veut continuer la lutte et obtenir le reste dans les prochains jours ! On veut des augmentations de salaires réelles qui pourront couvrir l’inflation, et on va aller les chercher !  » confie-t-il.

Chez EDF comme chez Total, les profits s’accumulent mais les salaires stagnent

Mais la colère qu’exprime aujourd’hui les grévistes vient de loin. En plus de l’inflation, celle-ci remonte au Covid, comme nous en témoigne Charles, chimiste à la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine et délégué syndicale CGT, qui ressort, avec ses collègues, d’une semaine de grève reconductible terminée la semaine dernière : «  En plus des pertes de salaire entérinées par la direction, on a des conditions de travail difficiles, où l’on bosse en 3/8 toute l’année. Durant le Covid aussi, on a continué de trimer sans être remercié, alors même que le patronat a continué à se remplir les poches  ». En effet, rien qu’en 2021, EDF a fait 84,5 milliards de chiffres d’affaires avec un Ebitba (rentabilité du processus d’exploitation) de 18 milliards d’euros.

Pour Kévin Theis, le combat des grévistes contre EDF recouvre clairement des aspects politiques : «  on estime, que chaque jour de blocage équivaut à 1 millions d’euros de perte pour l’entreprise, selon les cours du marché. Depuis le temps où on a commencé à se mobiliser, la direction gagnerait financièrement à accéder à nos revendications. Mais, pour elle, accéder à des augmentations de salaires serait une défaite.  » De quoi démontrer la logique carnassière du patronat qui continue à faire payer en parallèle le prix fort aux couches populaires pendant qu’elle refuse des augmentations de salaires à ses salariés.

Vers des grèves reconductibles à partir du 18 octobre dans de nouvelles centrales

Autant de raisons qui provoquent la colère légitime des travailleurs de l’entreprise. Mais ce type de situation est loin d’être inédite dans le monde du travail. C’est en ce sens que la FNME - CGT a envoyé toute sa solidarité aux raffineurs en lutte depuis plusieurs semaines, également, sur les salaires : «  les réquisitions sont inadmissibles. Le gouvernement doit réquisitionner les hyperprofits, pas les grévistes ! On est complétement solidaire avec les raffineurs et on s’inscrit pleinement dans la journée de grève du 18 octobre  » ajoute Thomas Plancot.

«  On appelle tous les salariés à se mettre en grève reconductible et à augmenter le rapport de force. A Nogent, on va organiser des assemblées générales pour savoir si on part encore en reconductible le 18 !  » conclue Charles. De son côté, Thomas rajoute : « Bientôt, la réforme des retraites arrive, en plus de la réforme d’EDF. On avait d’ailleurs déjà mis tapis la première, nommée Hercule et on recommencera. Il y a beaucoup de raisons de se mobiliser, on sera là le 18 ».

En effet, alors que l’ensemble du travail regarde le mouvement des raffineurs, beaucoup commence à se poser la question de les rejoindre dans la bataille contre le patronat s’ils ne l’ont pas déjà fait, comme les travailleurs de l’énergie ou encore les cheminots du Landy qui seront en reconductible dès le 17 octobre. Beaucoup d’autres secteurs ont appelé à participer à la journée du 18, qui peut devenir le point de départ d’un véritable mouvement de grève générale pour faire plier le gouvernement et le patronat.


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