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La direction veut un deuxième Lubrizol ?

Toray : les grévistes refusent les licenciements, la direction les assigne au tribunal

Depuis un mois les travailleurs de Toray CFE sont en grève contre leur direction qui veut supprimer 42 postes dont 29 licenciements. Celle-ci cherche à briser la détermination des grévistes et à faire passer son « plan de la honte » par la répression judiciaire.

Pepe Balanyà

20 novembre 2020

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Le 15 octobre, la direction du groupe Toray Carbon Fibers Europe (CFE) a présenté un plan de départs volontaires accompagné d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) aux salariés des sites de Lacq et Abidos dans les Pyrénées Atlantiques. L’objectif de ce « plan de la honte » comme l’appellent les salariés, consiste à supprimer 42 emplois dont 29 licenciements afin de passer de 412 salariés à 383 pour la fin mars 2021. Sans surprise, à l’image du reste du patronat de l’aéronautique la direction de Toray CFE (premier producteur mondiale de fibre de carbone !) se sert de l’argument des difficultés financières pour faire payer la crise aux salariés. Mais, comme le demandent les propres salariés, où sont les millions que le groupe a engrangés ces dernières années sur le dos de leur travail ?

En effet tel que le dénoncent les salariés, le groupe Toray n’est pas en difficulté financière, il ne cherche qu’à assurer ses profits dans un contexte économique où la concurrence va devenir de plus en plus féroce y compris au moment où des possibilités de reprise vont s’ouvrir. Comme l’avoue lui-même Jean-Marc Guilhempey PDG du groupe, « quand il y aura la reprise, il faudra qu’on puisse s’aligner sur les prix. Car à ce moment il y aura une concurrence effroyable ». L’objectif de la direction est donc évident : il faut faire plus de marchandises avec moins de monde et exploiter et précariser davantage les salariés.

Ainsi non seulement 42 collègues sont menacés de perdre leur travail, mais ceux qui restent vont subir une augmentation de la charge de travail avec les risques et les dommages sur la santé physique et mentale que l’on sait : « aujourd’hui là où il y a un opérateur prêt à intervenir, demain il y aura une caméra qui elle n’interviendra pas en cas de départ de feu ou autre problème qui mettra la vie des salariés et des riverains en danger ». En effet les installations du groupe Toray CFE sont classées SEVESO seuil haut (donc des installations industrielles dangereuses à l’image de Lubrizol) et un manque de personnel peut être cause de manque de réactivité en cas de départ d’incendie. Ce qui aurait des lourdes conséquences sur la vie des salariés, des riverains et sur l’environnement. La direction veut-elle un deuxième Lubrizol ?

Contre ce « plan de la honte » qui vise à laisser 42 salariés dans la rue, augmenter la charge de travail et à risquer la vie des riverains et l’environnement pour le seul bénéfice des poches du patron, les travailleurs de Toray CFE se sont mis en grève le 18 octobre. Celle-ci s’est durcie le 4 novembre quand le mouvement de grève s’est élargi à la majorité des salariés : l’usine de Lacq s’est arrêtée en intégralité (une première depuis sa fondation en 2014) et pour celle d’Abidos une seule des cinq lignes fonctionne. Cette combativité et le « refus de négocier le poids des chaînes » on fait de cette grève une lutte exemplaire détonnant par rapport au climat de réaction politique et d’offensive patronale.

Si au début de la grève le PDG du groupe avait déjà dénoncé la fait que les salariés ne se laissent pas faire en dénonçant la grève comme « une manque de responsabilité flagrant », aujourd’hui la direction cherche à briser la détermination des grévistes par la répression. Non seulement elle cherche à faire fonctionner l’usine de Lacq coûte que coûte par l’intervention d’intérimaires extérieurs à la boite, mais elle vise trois grévistes en les assignant en référé au tribunal judiciaire. Pour le patronat un salarié responsable, c’est un salarié qui baisse la tête. Et si les salariés n’acceptent pas de la baisser par le biais du « dialogue social », ils vont devoir le faire par la force.

En parallèle de ses tentatives depuis le 17 novembre pour redémarrer l’usine de Lacq contre la volonté des grévistes, la direction entreprend une offensive pour essayer de diviser les syndicats, semer la peur parmi ceux qui sont mobilisés et dévier la lutte, et le temps que les salariés doivent lui dédier, vers des démarches administratives. Comme nous l’expliquait un des grévistes, « l’huissier est passé chez moi avec un dossier de 200 pages, alors que je n’y étais pas. C’est ma femme et mes enfants qui ont dû le recevoir ». Cette tentative d’intimidation ciblée sur quelques figures de la grève, vise cependant l’ensemble des grévistes. En effet la direction met en cause le droit de grève et menace tous les salariés avec une amende de 1000 euros par jour de « grève illicite » !

La stratégie de la peur du côté du patronat n’est pas nouvelle. Les salariés d’ONET-SNCF Paris lors de leur grève de 2017 ont reçu des pressions similaires, mais leur détermination pour aller jusqu’au but tous ensemble et collectivement, le soutien qu’ils ont reçu de l’extérieur, leur ont permis de faire plier le groupe sur toutes leurs revendications. Ils ont eu y compris une victoire judiciaire contre la SCNF,​ qui a été condamnée à payer les 9 salariés assignés en justice au début de la grève.

L’assemblé générale pour décider collectivement des suites de la grève, la volonté de s’entourer de solidarité et de médiatiser leur lutte ont été quelques-uns des enseignements et des ingrédients qui ont permis aux grévistes de mettre en échec la répression patronale et de gagner.

Par la répression et l’intimidation, le groupe Toray CFE ne cherche pas seulement à faire passer son « plan de la honte » mais il cherche aussi finir avec une lutte qui pourrait donner de l’espoir à l’ensemble de travailleurs qui se trouvent aujourd’hui sous les coups du patronat. Presque 500 PSE sont en cours en ce moment ! Face à l’offensive patronale, l’exemple les enseignements des grévistes de Toray, notamment si leur grève était victorieuse, pourraient marquer un changement dans la dynamique et l’état d’esprit des travailleurs du secteur aéronautique et au-delà. Les soutenir par tous les moyens possibles, par des vidéos ou photos de soutien, en médiatisant leur lutte comme l’ont fait les salariés de Latecoère et Airbus, mais surtout en remplissant leur caisse de grève afin qu’ils puissent tenir dans la durée est un enjeu central pour la victoire ! Comme le répète le Collectif des Salariés de l’Aéronautique, auquel participe la CGT Toray CFE, « Si on touche à l’un, on touche à tous ! ».

Pour tout savoir de la lutte des Toray, retrouvez notre interview avec le délégué syndical CGT, Thimothée Esprit.

Soutenez leur caisse de grève !


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