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XIe Conférence de la FT-QI

Tensions économiques et instabilité politique dans la situation mondiale

Nous reproduisons ci-dessous la version abrégée du document sur la situation mondiale approuvé par la XIème Conférence de la FT-QI qui s’est tenue à Buenos Aires du 26 février au 3 mars 2018.

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L’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, la montée de tendances nationalistes dans les pays centraux – Brexit, partis xénophobes eurosceptiques, « souverainistes » – a montré l’épuisement du consensus globalisateur néolibéral, hégémonique depuis les processus de restauration capitaliste en Russie et en Chine. Pendant les dernières décennies, les Etats-Unis ont exercé le leadership à travers des organismes multilatéraux telles que l’OMC, qui assuraient un profit maximal au capital nord-américain, tout en permettant à ses alliés et concurrents d’accéder à une partie de profits, malgré les différends et les crises. L’Allemagne, le Japon et plus tard la Chine ont pu trouver leur place dans cet ordre international néo-libéral, qui est néanmoins rentré en crise à cause de la Grande Récession de 2008, à l’origine d’une profonde polarisation sociale et politique.

Au-delà des contradictions à affronter pour appliquer son programme nationaliste, c’est un fait que Trump a changé l’agenda international, en recentrant sa politique sur les disputes entre « Etats-nations » au détriment des tendances globalisantes. Cela ne veut pas dire que la politique de Trump se réduirait à un simple repli national, bien au contraire, il s’agit d’une politique plus agressive de défense des intérêts nationaux contre les autres pays.

On ne peut que constater l’approfondissement des tendances nationalistes cette dernière année, qui caractérisent la situation internationale et sont à l’origine de tensions économiques ainsi que de l’instabilité géopolitique, même si la structure globalisée de l’économie et du commerce mondial continue à se développer. L’imposition de droits de douane de 25% aux importations d’acier et de 10% à celles de l’aluminium – même si le Mexique et le Canada ont été épargnés grâce aux renégociations de l’ALENA [NAFTA] –, établit un dangereux précédent, transformant une dispute commerciale en un problème de « sécurité nationale ». Cette mesure protectionniste, à la différence de celles qui ont été prises par Trump durant la première année de son mandat, est en train d’attiser les craintes d’un début d’escalade sur le plan des taxes d’importation, capable de générer une véritable guerre des tarifs, si les perdants à leur tour décident de répondre avec de telles mesures punitives à l’égard des exportations nord-américaines, y compris dans le cas où Trump utiliserait les tarifs en tant que méthode de négociation dure.
Un nouveau scénario s’ouvre marqué par plus de rivalités, des menaces de guerres commerciales et d’escalade de conflits régionaux, dans lesquels les grandes puissances peuvent se trouver impliquées.

Contradictions et instabilité dans l’économie mondiale

Deux tendances apparemment contradictoires se vérifient dans l’économie mondiale. D’une part, la croissance en 2017 – même si elle reste encore hypothétique – a été la plus importante des années post-crise 2008-2009. Une hausse synchronisée aux Etats-Unis, en Chine, au Japon et dans l’Union Européenne est observée, même si seuls les deux derniers ont dépassé la moyenne de la période. D’autre part, la croissance débordante des bourses et des actifs financiers qui ont atteint en 2017 – aux Etats-Unis, au Japon, en Chine et dans plusieurs pays de l’Amérique latine – le sommet de la dernière décennie, est à l’origine de la chute de Wall Street qui s’est produite en février dernier. Cette chute, bien que de courte durée, a été d’une intensité surprenante. Quand bien même elle a pu être contrôlée, elle a installé une situation d’instabilité aux Etats-Unis avec des conséquences sur tous les marchés d’actifs boursiers et financiers dans le monde entier.

Le décalage entre la vitesse de croissance très lente de l’économie et celle très accélérée des actifs financiers, ne fait qu’accroitre la différence entre le prix de ces actifs et les bénéfices réels des corporations qui sont à sa base. Le prix des actions tend à se séparer de plus en plus du profit réel qu’engendrent les entreprises. Ce décalage, qui était déjà aux Etats-Unis, en 2016, d’un rapport d’1 à 27, s’est accru en 2017 sous le gouvernement Trump à une proportion 1/31, c’est-à-dire un décalage plus important encore que celui constaté en 2007 peu avant le commencement de la crise. Ce décalage exprime le manque de ressources pour assurer un nouvel investissement lucratif du capital, qui est à la base de l’instabilité structurelle et est l’essence de la thèse bourgeoise de la « stagnation séculaire ».

L’origine de l’instabilité financière est associée à la crainte que la Réserve fédérale nord-américaine, sous l’administration Trump, fasse monter les taux d’intérêts à court terme au-delà des hausses programmées pour l’année. Dans ce cas, les dettes corporatives qui, tout autant que celles du public, ont augmenté significativement les dernières années, pourraient provoquer la faillite d’environ 14% des entreprises étatsuniennes. D’ailleurs, les hausses de taux prévues auront déjà des effets négatifs sur les économies semi-coloniales en général et notamment sur les économies latino-américaines, plus endettées et dépendantes des marchés financiers, comme celles de l’Argentine et le Brésil. Des hausses de taux d’intérêt plus importantes encore à celles déjà prévues ne pourraient qu’avoir des effets catastrophiques sur ces pays, en impactant directement sur les prix des matières premières, qui sont à l’heure actuelle un facteur de stabilité relative pour beaucoup de pays en Amérique latine.

Bien que la possibilité d’une période plus inflationnaire soit encore matière à discussion, certains affirment que si la cause, en dernière instance, de la déflation des dernières années est associée au rôle de la Chine et à sa tendance à la surproduction de marchandises, les nouveaux plans internes de la bureaucratie de Pékin ainsi que les tendances protectionnistes plus importantes, pourraient régénérer de pressions à l’inflation. Dans un tel contexte, une combinaison future de plus d’inflation, déficits et taux d’intérêts en hausse, ne peut pas être écartée.

Plus généralement, les limites des politiques de stimulation de la monnaie dans les pays centraux sont en grande partie le résultat du dilemme dérivé de l’impossibilité de la Chine – un moteur fondamental qui, en même temps que l’argent pas cher, a assuré une croissance, quoique modeste, durant la période post-Lehman – de continuer à croître comme elle l’a fait jusqu’à maintenant. Ce problème s’est révélé aux alentours de l’année 2014, et il est dans une grande mesure la raison des tendances nationalistes de plus en plus marquées en Chine, aux Etats-Unis, mais aussi dans l’Union Européenne et la Russie et dans d’autres pays, qui s’expriment par une montée des tensions géopolitiques et des éléments de guerre commerciale.

En conclusion, la croissance de l’économie mondiale ne suffit pas à retrouver les valeurs d’avant la crise et les contradictions qui ont caractérisé les fragilités de cette dernière décennie restent toujours d’actualité. La reprise économique en cours est modeste et ne réussit pas à neutraliser les profondes conséquences économiques, politiques et sociales produites par la Grande Récession de 2008-2009. De fait, ce qui préoccupe les corporations et les organismes internationaux telles que l’OCDE, le FMI et la Banque Mondiale ce n’est pas tant les pronostics d’une diminution de la croissance dans les pays centraux, que les conséquences politiques dérivées de la fragilité économique. Parmi celles-ci, le risque qu’une intensification des guerres commerciales, des tendances nationalistes et des facteurs extra-économiques, telles qu’une crise géopolitique d’ampleur ou des phénomènes politiques nouveaux, finissent par déstabiliser l’économie.

Tendances à la crise organique, néolibéralisme sénile et lutte de clase

D’un point de vue théorique, on avance la définition de cette situation post-crise de 2008 comme caractérisé par le développement de tendances à la « crise organique » dans un certain nombre de pays.

Nous avons incorporé aux catégories « classiques » utilisées par les marxistes révolutionnaires pour analyser les situations, celle de « crise organique » empruntée à A. Gramsci, pour caractériser des situations intermédiaires (entre non révolutionnaires, et prérévolutionnaires ou directement révolutionnaires), ouvertes par les conséquences sociales et politiques de la crise de 2008, dans lesquelles se développent des éléments de crise d’hégémonie bourgeoise, sans pour autant donner lieu à une forte lutte de classe ni à de phénomènes de radicalité politique de masse en tant que tendances généralisées (bien qu’il y ait eu des procès aigus telle que le Printemps arabe). Ces situations sont le produit, dans une grande mesure, du fait que la bourgeoisie a réussi à éviter, grâce à l’intervention de l’Etat, un scénario catastrophique semblable à celui de la crise de 1929, ce qui a fait que la crise se poursuit pendant des années sous la forme d’une crise rampante.

Les éléments de crise organique s’expriment politiquement par la crise des partis bourgeois traditionnels – « l’extrême-centre » –, perçus comme des agents des politiques d’austérité et des attaques néolibérales. Sur cette base apparaissent de nouveaux phénomènes politiques « populistes », autant sur la droite (partis xénophobes européens) que sur la gauche, ces derniers représentés par le surgissement de courants néo-réformistes comme Podemos, Syriza, Momentum – au sein du Labor britannique –, Democratic Socialist Alternative aux Etats-Unis, la France Insoumise en France, le Frente Amplio (Front large) au Chili, etc. Le dernier exemple de cette crise a été les élections en Italie, dans lesquelles les partis les plus votés ont été la Ligue du Nord et le Mouvement 5 étoiles. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de tentatives bourgeoises de dépasser par la droite cette situation (Macron en France ou Ciudadanos dans l’Etat Espagnol pourraient être des exemples), ou des attaques capitalistes comme les réformes du code de travail, ou des retraites, avec la contradiction que les gouvernements qui essayent de les appliquer sont, en général, fragiles et rencontrent déjà une résistance. Quand bien même ces reformes passent (comme au Brésil) ou passeraient, nous faisons face aujourd’hui à un néolibéralisme sénile, non hégémonique, qui tend à approfondir la polarisation sociale et politique. Cee qui pourrait créer éventuellement les conditions propices au développement de processus aigus de luttes de classe et de radicalisation politique.

Trump : un gouvernement bonapartiste fragile semé de contradictions

Le bilan de la première année du gouvernement Trump est partagé. Il n’a pas réussi à appliquer son ambitieux agenda de campagne ni dans au plan interne, ni en politique extérieure. Mais il n’a pas non plus été neutralisé. En effet, d’une part les mesures protectionnistes appliquées pendant cette première année se sont résumées à des mesures partielles, répondant plus aux lobbies des industries locales, qu’à une stratégie d’ensemble ; d’autre part, la récente imposition de taxes sur les importations d’acier et d’aluminium montre qu’on est loin d’une neutralisation des aspects protectionnistes du gouvernement Trump. Ceci donne un caractère volatile à la situation politique. La réponse à ces tendances contradictoires, qui émanent des divisions dans la classe dominante et ses partis, a été l’approfondissement des traits bonapartistes du gouvernement.

Les divisions au sein de la Maison Blanche et l’establishment politique expriment les disputes à l’intérieur de la classe dominante et de la bureaucratie de l’Etat, ainsi que la polarisation sociale, parmi lesquelles Trump tente d’arbitrer tout en s’appuyant sur l‘aile militaire de l’administration, mais avec une politique pragmatique et erratique. L’éviction de Rex Tillerson et son remplacement par Mike Pompeo renforcent, dans l’immédiat, le secteur totalement aligné derrière le président. Ces oscillations indiquent que le gouvernement Trump continue d’être un gouvernement bonapartiste fragile, avec une base sociale étroite et un président très impopulaire, ce qui le rend relativement instable.

La préparation stratégique des Etats Unis pour un « conflit inter-puissances »

La remise en cause par Trump d’institutions internationales comme l’OTAN, le mépris envers les accords internationaux, comme l’accord sur le nucléaire iranien qui a été signé par les Etats-Unis et l’Union Européenne, et plus largement la subordination de la diplomatie à l’objectif de réduire les déséquilibres commerciaux, sont en train de miner les relations des Etats-Unis avec leurs alliés occidentaux, notamment l’Union Européenne.

D’autre part, a deux processus structurels en dernière instance sont en train de faire craquer la stabilité de l’ordre d’après-guerre/d’après Guerre Froide, et qui dans une certaine mesure expliquent la montée de Trump : l’un est l’accélération du déclin de l’hégémonie nord-américaine et l’autre la montée en puissance de la Chine en tant que « concurrent stratégique » des Etats-Unis ; et, dans une moindre mesure et avec plus de contradictions, l’activité d’autres puissances régionales comme la Russie.

Trump est l’expression de la volonté d’une fraction de la classe dominante et de l’appareil d’Etat nord-américain de renverser ces tendances à travers un programme nationaliste réactionnaire et la reconcentration du pouvoir militaire, résumés dans le mot d’ordre « America First ».

La nouvelle stratégie de sécurité et de défense nationales définit comme axe central le conflit inter-puissances, mettant au second plan la guerre contre le terrorisme. Selon ces documents, élaborés par l’aile militaire du gouvernement, la principale menace pour la sécurité nord-américaine sont la Chine et la Russie, suivies de la Corée du Nord et l’Iran et enfin par le terrorisme islamique.

La clé de cette nouvelle stratégique est de renforcer la capacité de destruction du pouvoir militaire des Etats-Unis pour augmenter sa capacité de dissuasion. Concrètement, cela signifie une augmentation considérable des dépenses militaires pour moderniser l’arsenal conventionnel et surtout pour élargir l’arsenal nucléaire.

Mettre comme perspective la préparation d’un conflit d’ampleur entre des Etats, après des décennies de guerre asymétrique contre des acteurs majoritairement non-étatiques, est sans aucun doute le tournant le plus significatif de la présidence de Trump.

Mais ce tournant stratégique des Etats-Unis ne surgit pas du néant, et bien qu’il ne s’agisse pas d’une réponse directe, il faudrait le lier aux résolutions du XIXème Congrès du Parti Communiste Chinois d’octobre dernier, dans lequel le président Xi Jinping a annoncé l’ouverture d’une « ère nouvelle » qui devrait déboucher sur la transformation de la Chine en une superpuissance mondiale d’ici 2050, sous le leadership ferme du Parti Communiste Chinois qui devra diriger d’une main de fer les réformes économiques.

En bref, aujourd’hui la Chine n’est pas en train de disputer le leadership mondial aux Etats-Unis, qui continueront à être la principale puissance impérialiste dans les prochaines années. Le PIB par tête de la Chine correspond à un septième de celui des Etats Unis, se situe encore derrière celui de la Russie, et presque au même niveau que celui du Mexique. Sur le plan militaire même si la Chine est en train de moderniser ses Forces Armées, l’écart avec les Etats-Unis continue d’être énorme. Il en va de même sur le plan technologique. En outre, ni en Chine ni en Russie, à cause des particularités du processus de restauration capitaliste, ne s’est consolidée une classe capitaliste, et le rôle de l’Etat continue à être central.

Cependant, en même temps la Chine est trop grande, trop autosuffisante et bien financée pour céder à la pression économique directe des Etats-Unis ou d’un groupe de puissances impérialistes. Alors que la Chine a du mal pour sortir du seuil imposé par la domination impérialiste au niveau mondial, les Etats-Unis ont également du mal à faire plier un Etat chinois plus fort par rapport à la Chine qui avait subi une brutale oppression entre la moitié du XIXème siècle et la moitié du XXème siècle. C’est cela qui explique les tensions de la situation actuelle dans la principale relation d’interdépendance entre les Etats-Unis et la Chine dans le cycle néolibéral/globalisateur qui est en train de toucher à sa fin.

La donnée objective est que la brèche entre les deux s’est rétrécie. En 2000, les Etats-Unis représentaient 31% de l’économie mondiale et la Chine seulement 4%. Aujourd’hui la part des Etats-Unis est de 24% et celle de la Chine de 15%. C’est sur cette base que les secteurs protectionnistes et les faucons du Pentagone exagèrent les menaces technologiques, assurant que dans quelques années la Chine rattrapera les Etats-Unis pour justifier avec des arguments défensifs une politique plus offensive. Par exemple, en exigeant une ouverture du secteur financier ou que le gouvernement retire la clause qui impose aux entreprises nord-américaines d’intégrer des joint-ventures ou de « partager » la technologie pour rentrer dans le marché chinois.

Cette ligne dure trouve une justification également dans l’échec des politiques amicales essayant d’apprivoiser la bureaucratie du Parti Communiste Chinois, derrière l’espoir vain que le marché et l’entrée à l’OMC amèneraient une démocratie bourgeoise pro-impérialiste et un marché interne sans restrictions pour le capital étranger. Cela démontre qu’il n’y a aucune possibilité d’une « voie pacifique » vers un développement impérialiste en Chine.

L’hypothèse à long terme d’un conflit entre puissances a mis en marche une sorte de réédition de la course aux armements qui implique non seulement les Etats Unis, la Chine et la Russie mais aussi le Japon et les principales puissances de l’Union Européenne.

Ce serait une erreur cependant de confondre une prise de position stratégique et la politique immédiate. Aujourd’hui la question d’une guerre entre ces puissances ne se pose pas, mais le simple fait que cela apparaisse comme une perspective ni plus ni moins dans la politique étatique des Etats-Unis, a une influence sur les évènements actuels et rend plus probable une escalade de conflits régionaux dans lesquels sont en bataille différentes puissances. C’est le cas de la guerre civile en Syrie et de la crise en Corée du Nord – un conflit avec des contradictions profondes et difficile à résoudre, même avec la proposition de rencontre entre Trump et Kim Jong-un en mai.

Sur un autre plan on retrouve le changement de la stratégie de la politique nord-américaine au Moyen Orient, notamment envers l’Iran et l’accord nucléaire, ce qui est en train d’exacerber le conflit inter-islamique entre chiites et sunnites. Cela se traduit par un affrontement entre deux camps dirigés par l’Arabie Saoudite d’un côté et par l’Iran de l’autre. Cette « guerre Froide » tend à devenir un affrontement direct dans des conflits comme celui en Syrie ou au Yémen.

La crise du projet impérialiste de l’Union Européenne

La relation entre les Etats-Unis et l’Union Européenne est à son point le plus bas, et presque rompue avec l’Allemagne. Cette hostilité rapproche le moteur franco-allemand et alimente la recherche de politiques indépendantes, comme la proposition de la construction d’une force de défense européenne. Mais il y a également des tendances centrifuges de la part de groupes de membres de différente importance au sein de l’Union Européenne où les partis nationalistes de droite sont au pouvoir et s’identifient clairement au Brexit ou au discours nationaliste de Trump. C’est le cas en Pologne, en Hongrie ou en République Tchèque. Une tendance de ce type, mais à gauche, s’est exprimée dans le processus indépendantiste catalan.

La nouveauté c’est la crise politique en Allemagne, qui a été un pilier de la stabilité et du conservatisme et la principale puissance de et l’Union Européenne. « L’ère Merkel » touche à sa fin. Dans les élections de septembre dernier, les deux grands partis ont subi une défaite et l’Alternative pour l’Allemagne a émergé, un parti d’extrême droite qui pour la première fois est entré au parlement. Bien que Merkel ait réussi à former un gouvernement de coalition avec le SPD, il s’agit d’un gouvernement faible, obtenu après des mois de négociations au coût politique très élevé.

Fin de cycle pour les populismes et droite non hégémoniques en Amérique latine

En Amérique latine le cycle des gouvernements populistes touche lui aussi à sa fin. S’est opérée la substitution de gouvernements de droite dans la plupart des pays, mais il s’agit d’une droite faible, sans projet hégémonique comme c’était le cas avec néolibéralisme dans les années 1990. Cette droite doit faire face à un rapport de forces hérité de la situation antérieure qu’elle n’a pas pu renverser. Cela rend plus difficile les attaques néolibérales et les réformes qui constitue leur unique programme économique, mais dont le coût politique est très élevé.

Ajoutées aux mauvaises perspectives économiques, ces conditions rendent difficile la stabilisation des gouvernements de droite, et ouvrent la perspective à des tournants brusques et à des changements de situation politique, comme cela a été le cas en Argentine à partir de mobilisations des 14 et 18 décembre dernier contre la réforme des retraites.

La politique de Trump vise à récupérer l’influence et les affaires dans l’ancienne arrière-cour nord-américaine, qui se trouve également en dispute avec la Chine.

Au Brésil la crise politique et la polarisation s’expriment ouvertement, et pour le moment il n’y a pas de candidat viable pour la bourgeoisie pour les prochaines élections présidentielles. Le coup d’Etat institutionnel contre Dilma trouve aujourd’hui sa continuité dans l’action bonapartiste du pouvoir judiciaire et l’opération « lava jato ». C’est dans le cadre de cette opération que Lula, qui serait le candidat le plus voté s’il se présentait, est condamné et risque la prison.

Cependant, la situation pourrait connaitre un tournant suite à l’assassinat de Marielle Franco, conseillère municipale du PSOL à Rio de Janeiro, dont la responsabilité du régime putschiste est directe, au-delà de qui sont les auteurs matériels.

La crise au Venezuela, enfin, est la plus aiguë sur le continent. La droite pro-impérialiste essaye de capitaliser, bien que sans y arriver, le déclin du chavisme en utilisant la double pression des gouvernements de droite de la région et l’ingérence des Etats-Unis et de l’Union Européenne. Le gouvernement de Maduro a perdu une partie de sa base populaire et, comme tout gouvernement bonapartiste, il s’appuie sur les Forces Armées pour se maintenir au pouvoir, en augmentant le contrôle social sur les secteurs populaires, et la répression pour éviter une explosion similaire à celle du Caracazo.

Les Forces Armées concentrent maintenant les ressorts du pouvoir, devenant ainsi l’arbitre de toute solution bourgeoise à la crise. Alors que les courants du populisme latino-américain continuent à blanchir le chavisme de sa responsabilité dans cette catastrophe nationale et justifient ses mesures répressives, même quand celles-ci visent les travailleurs et les classes populaires, des secteurs de l’extrême gauche, comme l’UIT et la LIT, s’opposent au bonapartisme de Maduro, mais depuis une position démocratique libérale, sans partir de la lutte contre l’impérialisme et la droite qui sont des agents directs des patrons et des banquiers.

La situation au Venezuela montre la débâcle du nationalisme bourgeois. Le régime chaviste a maintenu la structure rentière du pays, n’a pas changé les rapports sociaux fondamentaux, malgré le fait d’avoir nationalisé des entreprises, ni n’a mis fin à la dépendance nationale vis-à-vis du capital impérialiste. Encore aujourd’hui, au milieu d’un désastre économique sans précédents, le gouvernement Maduro continue à payer la dette extérieure et applique des mesures d’austérité, alors que la clique qui détient le pouvoir d’Etat et la bourgeoisie continuent à tirer profit. Notre courant défend la nécessité d’une alternative ouvrière indépendante, contre le bonapartisme de Maduro et contre l’impérialisme et ses agents.

La lutte de classes et perspectives politiques pour la FT

Dans la dernière période se développent de nouvelles tendances à la lutte de classes qui peuvent être l’annonce des processus plus profonds dans la classe ouvrière, influencés par l’irruption de grands mouvements progressistes (bien que polyclassistes) notamment l’important mouvement de femmes qui s’est à nouveau exprimé le 8 mars dernier ainsi que de nouveaux phénomènes politiques de la jeunesse.

Le processus le plus avancé a été celui pour l’indépendance de la Catalogne, malgré le rôle catastrophique de sa direction bourgeoise à laquelle se sont adaptés les courants de l’indépendantisme radical petit-bourgeois comme la CUP. Le Courant Révolutionnaire des Travailleurs et des Travailleuses (CRT) de l’Etat Espagnol, membre de la FT-QI, est intervenu en défendant clairement une position révolutionnaire, défendant la perspective d’une Catalogne ouvrière et socialiste qui soit un point d’appui pour développer la lutte anticapitaliste et antimonarchique dans l’ensemble de l’Etat Espagnol.

En Argentine les journées du 14 et 18 décembre ont changé le rapport de forces et de fait ont fait reculer le plan d’attaque le plus ambitieux qu’avait le gouvernement Macri, qui prétendait faire passer une réforme du code du travail qui s’attaquait à d’importants acquis du mouvement ouvrier. Cette situation politique plus générale créé de meilleures conditions pour les luttes partielles contre les licenciements qui ont lieu dans des secteurs ponctuels, aussi bien dans le public que dans le privé, où la stratégie du PTS est de coordonner les luttes et de les lier aux mouvements de masses progressistes comme le mouvement de femmes.

En France le gouvernement Macron a lancé une attaque contre les cheminots. Il prétend faire de ce conflit un exemple pour l’application de son agenda de contre-réformes néolibérales. Les syndicats préparent d’ores et déjà la résistance qui a le potentiel de devenir un conflit majeur.

A un autre niveau, la grève d’ONET en France, menée par des secteurs précaires de la classe ouvrière, est devenue un conflit très visible qui a fini avec une victoire, qui a démontré comment une politique et une stratégie justes rendent possible la politisation des secteurs les plus opprimés de la classe ouvrière. Le rôle du CCR a été un facteur important dans ce résultat.

Les grèves d’IG Metall en Allemagne ont également constitué une nouveauté. Des centaines de milliers de travailleurs y ont pris parti, en paralysant d’importantes usines automobiles. Ces grèves ont donné de la visibilité à la question de la réduction de la journée de travail, même si cela s’est opéré de façon réformiste. Malgré la direction bureaucratique qui a conduit à un résultat mitigé, il est probable que cette action a mis en avant les aspirations de l’ensemble de la classe ouvrière qui possède un très large secteur précarisé, notamment parmi les jeunes. Et aux Etats-Unis, la grève des professeurs de West Virginia a défié les lois anti-grève dans un Etat où Trump avait remporté le vote pour la présidentielle avec 68% des voix.

Le mouvement de femmes continue, quant à lui, à être le principal phénomène, avec une dimension internationale, au sein duquel on retrouve aussi la jeunesse. Bien que ces mobilisations aient un caractère progressiste pris dans son ensemble, le mouvement est polyclassiste, notre stratégie étant d’y d’intervenir pour construire une fraction féministe socialiste en lutte politique et idéologique contre le féminisme libéral et le « féminisme radical ».

Les tendances que nous développons dans ce document sur les plus grandes tensions économiques, de polarisation politique et de crise des partis capitalistes posent la perspective de situations changeantes et de tournants brusques. En leur sein pourraient émerger des processus plus aigus de luttes de classes, de radicalisation politique, et le surgissement de phénomènes politiques progressistes (des tendances « centristes » progressistes), surtout dans les pays où se combinent le poids du mouvement ouvrier avec des traditions politiques de gauche, comme, par exemple, en Argentine ou en France, ce qui fournit de meilleures conditions pour la construction de partis ouvriers révolutionnaires.

Version complète du document disponible ici

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