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Leur gauche, pas la nôtre

Taubira profite de la pagaille pour se placer au centre des recompositions de la gauche néo-libérale

Alors que l’ancienne Garde des sceaux entretenait le flou depuis plusieurs jours, elle a annoncé ce vendredi son intention de prendre part à la présidentielle. Alors que les manœuvres d’appareils se multiplient pour savoir qui prendra le leadership dans l’après présidentielle, Taubira cherche à profiter de la pagaille pour se placer au centre de la tentative de replâtrage de la « gauche » néo-libérale.

Damien Bernard


et Paul Morao

18 décembre 2021

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Crédit photo : Christiane Taubira © AFP / Jewel Samad

Dans une vidéo postée sur Facebook et Twitter Christiane Taubira a annoncé ce vendredi matin qu’elle « envisage d’être candidate à l’élection présidentielle ». « Je constate l’impasse, j’ai toujours dit que je prendrai mes responsabilités. (…) Je ne serai pas une candidate de plus, je mettrai toutes mes forces dans les dernières chances de l’union. » a ainsi expliqué l’ancienne Garde des sceaux de François Hollande, cherchant à installer une probable candidature à la prochaine élection présidentielle.

Si Christiane Taubira devrait confirmer sa démarche le 15 janvier, et n’a pas directement mentionné sa volonté de participer à une primaire, sa prise de position vise à s’engouffrer dans la brèche ouverte par l’appel d’Anne Hidalgo à un tel processus. Celui-ci a ouvert la voie à depuis deux semaines à un bras de fer entre le PS et EELV concernant les modalités d’un éventuel regroupement des deux forces, Yannick Jadot refusant la primaire mais appelant Anne Hidalgo à le rallier en lui promettant un (très) hypothétique poste de « première ministre ».

Ces manœuvres à l’« union de la gauche » ou au refus de l’union, reflètent la décomposition de cette gauche institutionnelle en mal de dynamique électorale à l’heure même où la droite traditionnelle, deuxième jambe de l’alternance droite-gauche, a réussi à se recomposer relativement dans le cadre de la primaire de LR. En somme, les appareils politiques qui ont été au pouvoir (le PS) ou joué un rôle actif au sein de gouvernements (EELV), cherchent à se positionner le mieux possible pour l’après présidentielle, en cherchant à éviter de laisser la France Insoumise en position de force.

Taubira cherche à profiter de la pagaille pour mettre la gauche néo-libérale « d’accord » derrière elle

Dans ce contexte, Christiane Taubira cherche à profiter de la pagaille entre le PS–EELV, pour retourner l’appel de Anne Hidalgo à l’« union de la gauche » contre elle-même et les appareils. C’est en ce sens que lors de son premier « déplacement de campagne », Christiane Taubira a décliné les modalités de construction de sa candidature affirmant que la « Primaire populaire » semblait être « le dernier espace où cette union peut se construire ». Positionnant sa candidature comme transpartisane, le Parti radical de gauche, dont Taubira portait les couleurs à la présidentielle de 2002, affirme, de même soutenir Taubira dans sa démarche de « rassemblement » avec une « candidature au-dessus des partis, en parlant d’abord de la France ».

Si, initialement, Christiane Taubira a choisi une annonce floue, manière de prendre la température, son objectif est de se poser comme la solution ultime de la gauche institutionnelle « désunie ». Profitant de sa position d’indépendance relative des appareils, Taubira parie sur sa capacité à susciter un élan autour de sa personnalité, en s’appuyant sur la pression à l’unité existante au sein d’une partie du « peuple de gauche », pour contraindre les partis à se rallier à la « primaire populaire » et espérer l’emporter à l’issue du processus.

Le pari Taubira : canaliser derrière la pression à l’unité pour faire pression sur les appareils

Si le pari de Taubira est évidemment loin d’être gagné, force est de constater qu’il a de quoi susciter l’intérêt des électeurs potentiels du PS ou de EELV, ou encore de certains secteurs du « peuple de gauche » qui voient derrière Taubira l’expression d’une gauche plus « radicale ». D’ores et déjà, l’annonce de la candidature de Taubira met à mal les plans de la gauche institutionnelle d’Anne Hidalgo mais surtout de Jadot, qui se retrouve sous une importante pression notamment de sa base, favorable à une forme d’union de la « gauche ».

Au sein des appareils, la proposition crée également du remous. Au sein d’EELV, après avoir affirmé que Taubira n’est pas une « solution miracle » se montrant dubitative quant à sa candidature, Sandrine Rousseau a opéré un tournant à 180 degrés en applaudissant la démarche de Taubira appelant à « l’union de la gauche ». De la même manière, le bureau exécutif de EELV a demandé la mise en retrait de la campagne de Alain Coulombel, membre du bureau exécutif, qui avait « appelé Yannick Jadot à participer à cette primaire » comme l’explique Le Monde.

Une pression qui pourrait s’intensifier, alors que Christiane Taubira est déjà entrée en campagne comme en témoigne sa visite ce samedi matin à Saint-Denis.

Derrière Taubira ou pas, l’union de la « gauche » reste néo-libérale

Sur le fond cependant, la proposition de candidature de Taubira ne change pas grand-chose à la logique politique qui anime les débats de la « gauche institutionnelle ». Si l’ancienne Garde des Sceaux jouit d’une aura particulière, du fait notamment de son rattachement à des lois perçues comme progressistes (Loi Taubira, Mariage pour Tous) ou de sa rupture avec le hollandisme sur la « déchéance de nationalité », elle s’inscrit dans la droite lignée du PS, comme en témoigne son parcours marqué par l’opportunisme et l’allégeance aux institutions du régime. Un parcours qui l’a conduit entre autres à se présenter à la présidentielle de 2002 autour d’un programme ouvertement néo-libéral, à soutenir des politiques ultra-réactionnaires ou à signer une circulaire validant la mise en place de « tests osseux » sur les mineurs isolés.

Au-delà du symbole, les mouvements à gauche préparent des recompositions ou l’unification d’un bloc pour la présidentielle qui s’inscrira dans la tradition directe de la gauche de gouvernement qui, depuis 1981, a multiplié les trahisons et mené les pires attaques contre le monde du travail.

Face aux manœuvres – qu’elles viennent des partis PS-EELV ou de personnalités comme Montebourg et Taubira - qui visent à replâtrer une « union de la gauche » profondément libérales, il est indispensable d’affirmer que l’unité ne peut pas se faire derrière ceux qui ont participé directement, et ont eu un rôle actif dans la gauche de gouvernement profondément intégrée au régime. Ce n’est pas d’une énième « gauche » de gouvernement dont nous avons besoin mais d’une gauche révolutionnaire, capable d’opposer à la voie institutionnelle une stratégie ancrée dans la lutte de classe et dotée d’un programme capable d’offrir une réelle issue aux aspirations des classes populaires et du monde du travail plus en général.


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