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Révélation Mediapart

Surexploitation des assistants, racisme, homophobie : les pratiques de la députée LREM Laetitia Avia révélées

« Ça sent le chinois », « on a voté l'amendement des PD », harcèlement moral sur ses collaborateurs et autres propos racistes et homophobes de la députée LREM Laetitia Avia ont été révélés par une enquête Mediapart ce 12 mai. Une nouvelle sortie de route pour une figure de la majorité, adorée de la macronie, et qui fait voter en dernière lecture aujourd’hui sa proposition de loi anti-haine à l'Assemblée.

Ariane Anemoyannis

13 mai 2020

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Des années de harcèlement moral sexiste, raciste, et homophobe

"C’était son bouc émissaire, elle l’appelait parfois “le Chinois” ou reprenait des clichés racistes pour parler de lui" témoigne une de ses anciennes assistantes parlementaires dans les colonnes de Médiapart. Le journal a publié ce mardi une longue enquête sur les pratiques de harcèlement moral et à caractère raciste, homophobe, et sexiste de la députée LREM Laetitia Avia.

De nombreuses captures d’écran de messages privés ont été récoltées par le journaliste chargé de l’enquête. Elles relatent des propos dégradants que tenait cette figure de la majorité auprès de ses assistants parlementaires : racisme envers son collègue chinois, sexisme à l’égard des autres militantes de sa circonscription, homophobie vis-à-vis d’un ancien collaborateur. Un énième scandale pour cette députée puisque celle-ci avait déjà fait l’objet d’une enquête après qu’elle ait mordu un chauffeur de taxi, affaire qu’elle avait souhaité effacer d’internet en falsifiant les articles Wikipédia sur le sujet.

Des preuves du harcèlement subi par ses salariés pendant plusieurs mois, qu’ils ont décidé de révéler au grand jour pour mettre à nu le double discours de cette députée qui se fait la porte-parole des luttes antiracistes et antisexistes. « J’ai tenté de passer à autre chose et il m’a fallu du temps pour me reconstruire. Mais de voir qu’elle va faire voter sa loi sur la cyberhaine, qu’elle se positionne sur tous les sujets anti-discriminations, j’ai dû mal à le supporter. » explique donc une de ses collaboratrices.

« C’est ma copine [mais] elle communique très mal sur ce qu’elle fait. C’est ce qu’il se passe quand tu mets un gay à la com’ », « Alexandre* étant vraiment, malgré ses origines, pas le meilleur sur les sujets informatiques », autant de déclarations révélées par Mediapart qui contrastent avec les prises de position de la députée qui dénonçait le racisme ordinaire : « Je ne les tolère pas. Je ne les tolère nulle part, y compris dans les cadres privés, y compris pour ce qui est considéré comme étant des blagues ».

Une surexploitation des assistants parlementaires

Si ces propos tenus dans le cadre professionnel ou par messages privés permettent de caractériser le harcèlement, ils s’ajoutent aux conditions de travail scandaleuses des assistants parlementaires. « Avia, c’est un système qui vous broie » explique un salarié, tandis qu’un autre raconte que « travailler pour elle, c’était être sollicitée de 7 heures à 1 heure du matin. Même le week-end ». « En juin 2018 par exemple, j’ai dû brumiser ses jambes à plusieurs reprises » explique une ancienne collaboratrice, qui témoigne d’une emprise importante de Laetitia sur ses employés.

Outre ce type de tâche dégradante, Mediapart rapporte que la députée a également contraint un de ses assistants à corriger ses copies, Laëtitia Avia donnant également des cours à Sciences Po. Des éléments qui s’ajoutent aux révélations qui avaient déjà été publiées par le journal en avril, revenant sur la façon dont la députée avait obligé une de ses assistantes à revenir à Paris en bravant le confinement pour travailler. « Nous traversons la pire des crises sanitaires, les morts se comptent par milliers, mais je dois traverser la France en véhicule militaire pour pouvoir télétravailler depuis ma résidence principale, sauf à ce que ma députée m’autorise magnanimement à rester sur mon lieu de confinement. » avait dénoncé l’assistante parlementaire par mail.

Une situation qui s’explique au regard des dénonciations d’intimidations révélées par Mediapart. La députée semble en effet profiter de son ascendant sur ses assistants pour les soumettre psychologiquement, au point que le psychologue d’un d’eux a caractérisé des symptômes importants de souffrance au travail.

Coup dur pour une favorite de la macronie

C’est une enquête qui risque de coûter cher à l’exécutif, alors que la députée devait faire voter en dernière lecture sa loi présentée comme anti cyber-harcèlement, et soutenue par le gouvernement mais largement critiquée pour son caractère liberticide. L’association La Quadrature du Net, spécialiste de la question fustige ainsi un texte dont le premier article « permet à la police d’abuser de son pouvoir pour censurer le Web à des fins politiques – en cherchant à censurer les attaques contre le Président ou contre la police, comme elle le fait déjà. »

Or, au-delà d’être une membre de la majorité LREM, Laetitia Avia est avant tout une proche du Président et du gouvernement. Rencontrés il y a près de dix ans, ils ont noué des liens politiques et amicaux très tôt pour ensuite se retrouver lors du lancement d’En Marche. C’est aussi, elle dont parle Edouard Philippe dans un discours d’hommage anonyme en 2017, après qu’elle ait été élue députée de Paris. A l’instar de Marlène Schiappa qui doit symboliser le volet féministe et social du gouvernement, elle incarne ce que le parti présidentiel veut mettre en avant pour affiner son image de groupe « progressiste ». Edouard Philippe salue ainsi son ascension sociale depuis les quartiers de Saint-Denis, et son prétendu dévouement pour la lutte contre les oppressions fait d’elle rapidement une figure de la majorité.

Mais surtout, c’est l’omerta des mastodontes d’LREM qui risque de faire basculer ces révélations en un véritable scandale d’Etat. En effet, Mediapart révèle que les victimes de la députée ont cherché à alerter Richard Ferrand et le chef du groupe LREM à l’Assemblée nationale à plusieurs reprises, sans succès puisque ces derniers estimaient que le problème ne relevaient pas de leurs compétences. Également, la cellule anti-harcèlement, saisie à six reprises, n’est jamais intervenue. Pour Nicolas, « ’institution, le règlement et l’administration de l’Assemblée ont une grosse part de responsabilité voire de complicité ».

En pleine tourmente face au déconfinement à risque et avec une défiance record, le gouvernement se serait bien passé d’une telle affaire. Un contexte dont l’extrême-droite a conscience, et cherche à utiliser pour se positionner au mieux. C’est ainsi que Florian Philippot en profite pour exiger la démission de la députée, qu’il qualifie de « joueuse et menteuse » sur son Twitter. De même, Robert Ménard estime que « #LaetitiaAvia veut fliquer la pensée. Qu’elle commence par la sienne, ça ferait du bien ». Une offensive attendue de la part de l’extrême-droite, qui s’affiche comme opposée à la loi proposée par L. Avia, et qui fustige la députée pour mieux légitimer son propre racisme et sexisme.

Tout en dénonçant cette énième instrumentalisation par le Rassemblement national et autres militants d’extrême-droite pour mieux déverser leurs propres propos racistes et sexistes et se positionner comme opposition sérieuse à LREM, il convient de dénoncer fermement le harcèlement, les discriminations et la surexploitation des assistants perpétrés par une favorite du gouvernement. Une situation qui rappelle par ailleurs l’exploitation ordinaire que subissent de nombreux assistants parlementaires, et l’omerta dans ce milieu où le silence sur ce type de faits est souvent la condition pour s’assurer un avenir dans les diverses organisations politiques.


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