[Édito]

50 ans après. Stonewall means fight back !

Camille Münzer

Adrien Balestrini

50 ans après. Stonewall means fight back !

Camille Münzer

Adrien Balestrini

La nuit du 28 juin 1969 à New York, des trans, des lesbiennes et des gays se sont affrontés à la police lors des émeutes de Stonewall, du nom du bar fréquenté par des LGBT qui avaient fait l’objet d’un énième raid de police. L’année suivante avait lieu la première marche des fiertés. Cet événement a été le déclencheur d’une période de luttes pour la dépénalisation de l’homosexualité, contre sa psychiatrisation, pour l’expression libre et ouverte des désirs homosexuels, etc. Ce mouvement était porté par les « années 68 » et donc il ne se limitait pas à l’égalité de droits formels, il s’inscrivait aussi dans une remise en cause profonde de la société capitaliste et hétéro-patriarcale.

Alors que le mouvement LGBT s’est radicalisé contre les violences policières, nous assistons cinquante ans plus tard, dans la plupart des grandes villes du monde, à la présence des chars de la police dans nos marches des fiertés. Récemment, le commissaire de police de New York, James O’Neill, s’est excusé publiquement des violences policières commises lors des émeutes de Stonewall. Aussi, dans beaucoup de pays, le mariage entre personnes du même sexe a été légalisé (les cas les plus récents étant Taiwan et l’Équateur). Enfin, aux côtés des chars de la police, il y a dorénavant des entreprises, comme des banques, des agences de voyage, ou autres, qui affichent un visage gay friendly). Ainsi il existe aussi un marché de biens de consommation adressés spécifiquement aux personnes LGBT, comme si la société les avait intégrés. Est-ce que pour autant, cela signifierait-il que la « question homosexuelle », comme elle était appelée dans les années 1970, est enfin résolue ? Loin de là.

Non seulement l’homosexualité est encore pénalisée dans plusieurs pays du monde, y compris par la mort. Mais aussi les agressions homophobes continuent d’être monnaie courante en France. Celles-ci seraient même en hausse d’après SOS homophobie, en particulier depuis l’épisode du mariage pour tous, encouragées notamment par le discours homophobe de la Manif pour tous dans l’espace public. Enfin, l’égalité des droits est loin d’être acquise pour tout le monde. Après l’épisode du mariage pour tous, la PMA pour toutes les femmes a été « oubliée » par ceux qui se faisaient les portes-drapeaux de l’égalité des droits. Édouard Philippe a annoncé il y a quelques jours l’ouverture d’un débat sur la PMA dans le cadre de l’ « acte II » du quinquennat. Opération de séduction de la gauche à haut-risque, alors que la présidence Macron ne rougit pas de ses amitiés avec les politiciens se réclamant de la Manif pour tous. De la même manière, les droits des personnes trans continuent d’être bafoués. Leurs identités continuent d’être psychiatrisées et la prise en charge de leur santé dépend du bon vouloir des équipes hospitalières et des psychiatres, comme le rappelle l’association OUTrans.
C’est-à-dire que, malgré le capitalisme rose, malgré la cooptation des mouvements sociaux par les gouvernements dits de "gauche", malgré les excuses de la police sur des décennies de violences, la « question homosexuelle » en elle-même n’a beaucoup évoluée : les agressions, les oppressions et les normes subsitent.

Suite aux émeutes de Stonewall, le mouvement LGBT a développé de nouvelles revendications, s’est organisé autour de nouvelles luttes : en outre l’abolition du capitalisme et de la famille hétéro-patriarcale ; par conséquent sortir de l’isolement créé par la société bourgeoise en s’alliant à d’autres mouvements. C’est le cas du FHAR en France qui n’a cessé d’interpeller le mouvement ouvrier, à l’époque dominé par le stalinisme du PCF. C’est le cas du Gay Liberation Front aux États-Unis, qui a participé à des manifestations antiracistes aux côtés du Black Panther Party. L’exemple le plus poussé de ces alliances est peut-être celui, encore trop mal connu, de Lesbians and gay support the miners, qui a soutenu les mineurs en grève en 1984-1985 contre le gouvernement conservateur de Thatcher au Royaume-Uni. Stonewall means fight back !, Stonewall signifie contre-attaquer, comme le disait la banderole des membres gays de Youth Against War and Fascism, durant la marche des fiertés de 1978. Reprendre le flambeau de Stonewall, c’est dénoncer le Capitalisme et sa variante gay-friendly, c’est aussi lutter pour un mouvement LBGT indépendant de l’État et des partis bourgeois, et qui cherche des alliés, à commencer dans le mouvement ouvrier. C’est pour cela que, cinquante ans plus tard, nous revendiquons toujours l’esprit de Stonewall qui a été un puissant cri de rage contre l’oppression patriarcale et l’exploitation capitaliste.

Cette édition de RP Dimanche, 50 ans après Stonewall, sort alors que, malgré le recul du mouvement des Gilets Jaunes ces dernières semaines, la situation nationale et internationale reste explosive. Que ce soit avec la montée au pouvoir de l’extrême-droite au Brésil ou encore la remise en question du droit à l’avortement dans les pays où il était pensé comme acquis, les femmes ont massivement été aux avant-postes, et ce partout dans le monde face aux réactionnaires. Dans ce contexte, il est évident qu’il serait illusoire de croire naïvement aux sirènes de la « normalisation gay » et d’une libération féministe à l’initiative des Etats. Nous ne devons pas laisser passer l’occasion de construire une réelle alternative à cette société qui, au vu des derniers évènements, promet une plongée vertigineuse dans la barbarie issue de la crise d’un capitalisme pourrissant.

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