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Afrique

Soudan : La mobilisation se poursuit à Khartoum, les tensions entre les deux camps augmentent et la répression de la junte se fait sentir

Face au quartier général de l’armée, des milliers des soudanais ont manifesté jeudi soir pour réclamer la mise en place d’un gouvernement civil de transition. Cette mobilisation fait suite aux échecs des pourparlers avec le conseil militaire de transition, et s’inscrit dans la continuité des deux jours de grève générale appelée par les opposants au régime suivie dans plusieurs secteurs d’activités du pays.

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Malgré la sortie du pouvoir d’Omar el-Béchir, les militaires restent toujours à la tête du pays et détiennent les rennes du pouvoir. Pour accroitre la pression sur la junte militaire, les opposants au régime ont appelé à une grève générale de 48 heures, suivie par des larges secteurs économiques du pays.

Fonctionnaires d’état, employés bancaires mais aussi une grande partie du secteur privée ont répondu à l’appel. Le port du Soudan, élément stratégique dans l’économie du pays, a rejoint aussi le mouvement de grève. Dans l’aéroport de Khartoum, les salariés portaient des pancartes où l’inscription « nous sommes en grève » répondait aux demandes des passagers bloqués à l’aéroport. Les travailleurs de la gare routière de Khartoum ont aussi rejoint l’appel à arrêter le travail dans les journées de mardi et mercredi dernier. Une large partie de la population soutient le mouvement. Des signes de solidarité ont été montrés par les passants, ainsi que les klaxons des voitures retentissant en gage de fraternité.

En revanche, cet appel à la grève générale a promu des divisions en interne de l’ALC (Alliance pour la Liberté et le Changement), où les secteurs les plus droitiers de cette alliance se sont exprimés contre ce type d’action, comme c’est le cas du parti d’opposition al-Oumma qui a exprimé un « désaccord sur le calendrier et sa préparation », tout en défendant l’unité et le droit de grève. D’autres l’ont soutenue de façon opportuniste comme le Parti du congrès soudanais.

L’armée tire sur les manifestants

Depuis le début de la grève, les tensions ont augmenté entre manifestants et les militaires soudanais. Mercredi dernier, lors du deuxième jour de grève, suite à une altercation entre manifestants et forces de la RSF (milice contrôlée par la junte militaire au pouvoir), une femme est morte à cause d’une balle qu’elle aurait reçue suite aux tirs qu’ont perpétrés les milices.

Jeudi dernier, lors de l’appel à manifester qui a rassemblé des milliers de personnes une fois de plus, et qui a précédé les deux jours de grève, c’est sous le pont du Nil bleu que des manifestants dénoncent une fusillade qui a pour résultat 1 mort et 8 blessés — selon une source médicale, rapporté par RFI Afrique. « Des agitateurs sont arrivés et ont bloqué la route, on a tenté d’enlever leurs barricades. Les RPF [Regional Protection Force] sont arrivées. Les mêmes personnes ont commencé à les insulter et à leur jeter des pierres. Les soldats ont commencé à donner des coups de bâtons puis ils ont tiré » raconte un jeune manifestant.

Selon les témoins de la scène, ces agitateurs seraient des infiltrés payés par le régime afin de déstabiliser les manifestant et de légitimer la brutale répression de la junte, pour ainsi discréditer le mouvement auprès du reste de la population civile.

La presse verrouillée par le régime

Selon Reporters Sans Frontières, au début du mois d’avril 2019, près d’une centaine des journalistes avaient été arrêtés et les titres de presse les plus critiques ont été suspendus par les services de renseignements. Une traque contre la presse, ressemblant à celle perpétrée en début d’année 2018 par l’ancien dictateur Omar el-Béchir, puisque le renversement du dictateur et son remplacement par une junte militaire n’aura pas permis aux journalistes, malgré quelques libérations ponctuelles, de retrouver une stabilité pour poursuivre leur travail.

Aujourd’hui c’est au tour de la chaine Qatari Al-Jazeera : jeudi dernier le groupe a annoncé que le nouveau gouvernement militaire avait ordonné la « fermeture » des bureaux de la chaine d’information, ainsi que le retrait des permis de travail pour les correspondants et le personnel, travaillant pour la chaine.

Al-Jazeera rapporte par les dires son directeur qu’aucune « décision écrite » n’a été remise à ce dernier. Dans un communiqué de presse, la chaine dénonce une « totale violation de la liberté de presse ». L’interdiction de la chaine fait suite au déplacement des généraux dans les pays du golfe, et notamment celui du chef du conseil militaire dimanche dernier aux Emirat arabes unis, ainsi que le chef adjoint du conseil — qui a rencontré le prince héritier saoudien vendredi dernier, où ils se sont soutenus mutuellement.

Déterminés à faire plier la junte

Suite à la destitution de l’ancien dictateur, la junte militaire ne veut rien entendre de tout changement quelconque et continue à payer religieusement au FMI la dette extérieure qui met le pays à sec, en appliquant au pied de la lettre le plan d’ajustement prévu par le fond monétaire pour « permettre » au pays de poursuivre les paiements.

L’alliance pour la liberté et le changement étant un « front polyclassiste », est rongée par les contradictions internes qui l’empêchent de trouver un accord ou un compromis sur la base d’un programme d’action délimité, donc classiste et révolutionnaire. Ces divergences s’expriment au sein de la ALC notamment au sujet de la grève générale, d’où les réticences de l’ancien parti au pouvoir destitué par el-Béchir à l’appel pour une grève.

D’autre part les militaires restent fermes, suivant la ligne imposée par les monarchies pétrolières : aucun compromis avec le ALC ni les demandes de l’opposition. Les négociations ont été suspendues le 21 mai par faute d’accord entre les deux camps. La junte a envoyé un message de fermeté aux manifestants, et les forces de l’ordre vont « agir selon la loi pour garantir la sécurité des citoyens et pour maitriser les actes d’anarchie ».

Malgré tout, le peuple soudanais reste déterminé à se mobiliser et pousse par la gauche l’ALC à faire des appels aux masses comme la « marche d’un million » appelé mercredi dernier, afin de faire pression sur l’armée suivant la dynamique de la grève générale. Entre temps certains leaders du ALC, placés à gauche, préviennent les autorités, à l’instar de Wajdi Saleh qui a déclaré d’un ton menaçant lundi soir « monter la pression d’un cran vers une grève générale indéfinie ».

Crédit photo : afp.com/ASHRAF SHAZLY


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