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Contre les violences racistes, les violences policières et la répression syndicale

Se taire, c’est trahir. Dénoncer, c’est donner la possibilité de combattre ensemble

Combien d’entre nous ont été victimes de brutalités policières, parce que racisé-e-s, parce que militant-e-s, parce que syndicalistes ? Combien d’entre nous ont été témoins de violences policières, parfois sans pouvoir réagir ? Trop souvent, à l’exception des cas portés par des réseaux militants et politiques qui réussissent à briser la chape de plomb du silence, c’est le même sentiment de rage, mais aussi d’impuissance. Et pourtant, comme l’a souligné Serena Williams sur son compte Facebook à propos des meurtres policiers contre les Afro-descendants aux Etats-Unis en citant Martin Luther King, « un moment arrive où le silence devient une trahison ». Prendre la parole, contribuer à créer un cadre pour que celles et ceux qui ne sont pas écouté-es ou qui n’osent pas parler puisse dénoncer ; faire front, ensemble, contre les violences policières faites aux jeunes des quartiers, contre la répression syndicale et le matraquage des étudiant-e-s et des lycéen-ne-s en manifestation, voilà ce qui pourrait très fortement ébranler l’échiquier institutionnel et politicien où gauche et droite de gouvernement emboîtent le pas au programme de Marine Le Pen. Ce serait autant de pistes, très concrètes, pour commencer à faire reculer, ensemble, l’arbitraire, la brutalité et l’impunité d’une police couverte par un pouvoir dont elle est le rempart. Comité de Rédaction

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L’affaire concernant notre camarade, Guillaume Vadot, de ce point de vue, est des plus révélatrices : non pas tant de la violence de la répression systématique, qui s’exerce plus particulièrement sur certains territoires et certaines populations racisées vis-à-vis desquels la police agit comme une force d’occupation coloniale, mais des mécanismes qui brident généralement toute tentative de dénonciation de cette même violence.

Filmer une opération de police est un droit, mais dans le 93, il est piétiné. Filmer une opération de police est un réflexe, pour toute une génération de jeunes ayant participé aux mouvements de ces dernières années, notamment au printemps de la Loi Travail, mais c’est ce réflexe que les forces de répression veulent contrer à coups d’intimidation, de gazeuse voire de coups.

L’affaire du prof de la Sorbonne fait aujourd’hui grand bruit, notamment chez celles et ceux qui, jusqu’à hier, ne pouvaient ou ne voulaient pas regarder en face une réalité de violences systématiques faite de coups à l’égard des jeunes des quartiers, voire d’assassinats en règle. Le lycéen de Bergson n’était que la prémisse de l’assassinat d’Adama Traoré et l’état d’urgence comme un avertissement du climat d’impunité policière qui est monté d’un cran ces derniers mois.

Et pourtant, le fait de dénoncer et de créer les conditions du rejet le plus large possible d’une violence peut permettre de libérer la parole, d’inciter à la solidarité, de permettre la multiplication des témoignages, au sujet de cette affaire en particulier mais plus généralement à propos de toutes les violences, quotidiennes, permanentes et institutionnalisées, auxquelles une fraction de notre classe est plus particulièrement exposée. Faire de la politique, de ce point de vue, c’est créer les conditions pour que cesse toute intériorisation de cet état de fait, une naturalisation de cet état de fait par laquelle l’Etat et sa police organisent le racisme y compris au sein des secteurs les plus conscients de notre classe : ne pas réagir systématiquement face à tous les contrôles d’identité, hiérarchiser les violences au lieu de les refuser en bloc, voilà qui revient à accepter, en dernière instance, le climat d’impunité.

Mais les tirs de flashball dans les quartiers sont les mêmes que ceux qui ont été dirigés contre les manifestant-e-s anti-Loi Travail, les flics qui palpent les jeunes et les humilient sont les mêmes qui vont perquisitionner un local syndical sur ordre d’un magistrat pour intimider une équipe militante combative. Les juges qui condamnent lourdement les jeunes de banlieues ou les étudiant-e-s pour outrage, rébellion ou violences sont les mêmes qui condamnent les syndicalistes à des peines de prison parce qu’ils défendent leurs conditions de vie et celles de plusieurs milliers de familles dès lors qu’une entreprise ferme.

Tant que la segmentation des combats existera, tant que le corporatisme primera sur la riposte d’ensemble, tant que l’on ne pourra pas défendre l’ensemble des victimes des agressions policières sur un pied d’égalité, la police et son Etat commenceront par aller chercher les uns, puis les autres, et enfin les derniers. Comme le rappelle Martin Niemöller dans un poème, « Quand ils sont venus chercher les communistes, Je n’ai rien dit, Je n’étais pas communiste. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, Je n’ai rien dit, Je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus chercher les juifs, Je n’ai pas protesté, Je n’étais pas juif. (…) Puis ils sont venus me chercher, Et il ne restait personne pour protester ».

Si dans les années 68 la bourgeoisie a commencé réellement à avoir peur, c’est aussi parce que, comme le chantait Dominique Grange « nous sommes tous concernés ». Renouer avec cette logique, c’est aussi se donner la possibilité de créer, réellement, un rapport de force, pour mettre un frein aux violences, à la brutalité et à l’impunité policières, d’où qu’elles viennent et indépendamment de sur qui elles s’exercent. Ce sera d’autant de gagner pour nos luttes, toutes, à commencer par la riposte à organiser, dans les lieux de travail, contre les violences, la brutalité et l’impunité du patronat qui n’hésite pas à appeler l’Etat et ses flics en renfort quand ses intérêts sont en jeu.

C’est de ce cadre le plus large - rassemblant l’ensemble de notre classe, des jeunes des quartiers aux salarié-e-s des très grandes concentrations industrielles et de service en passant par la jeunesse scolarisée et les travailleur-se-s précaires et au chômage - que pourra surgir le rapport de force politique et matériel pour mettre fin à la logique répressive du système.

C’est en ce sens qu’il existe une responsabilité absolument centrale des organisations du mouvement ouvrier, à commencer par les organisations dites contestataires, et notamment de la CGT, à unifier les combats contre les attaques conduites contre nos acquis à la répression que nous subissons toutes et tous, pas uniquement les syndicalistes de lutte mais également tou-te-s les opprimé-e-s, les étudiant-e-s, les lycéen-ne-s et les jeunes et personnes racisées, ce que jusqu’à présent les directions de nos organisations n’ont pas pris en charge.

Si les organisations du monde du travail et de la jeunesse, nos syndicats, nos partis et nos mouvements, passaient résolument dans le camp de l’opposition à toute logique policière, alors ce serait autant de gagné pour renverser la vapeur et pour que plus jamais l’un-e des nôtres ne soit matraqué-e, éborgné-e, condamné-e ou assassiné-e. C’est de ce cadre ce dont ils ont peur, et l’intimation et la peur peuvent changer de camp.

L’ensemble des dates du calendrier militant qui s’offrent à nous doivent être investies par nos organisations : le 6 octobre, lors du meeting parisien à Tolbiac contre les violences policières, le racisme et l’islamophobie, le 16 octobre, pour le Cabaret d’Urgence organisé par la Compagnie Jolie Môme, à la Cartoucherie, contre la criminalisation du mouvement social, les 19 et 20 octobre, à Amiens, contre la répression syndicale et en solidarité avec les Goodyear. Plus que jamais, c’est ainsi que nous pourrons réellement préparer la riposte à venir.


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