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Politique criminelle à l'hôpital

Scandaleux. Le gouvernement fait travailler des soignants positifs au Covid dans les hôpitaux

Le 24 décembre, le Ministère de la Santé a adressé aux directions des hôpitaux un Message d’Alerte Rapide Sanitaire dans lequel il indique la possibilité de faire travailler les soignants positifs au Covid-19 lorsqu’ils sont asymptomatiques ou qu’ils présentent peu de symptômes. Une politique criminelle liée au manque de moyens et d’effectifs dans les hôpitaux, pour l’instant circonscrite aux services Covid mais dont la généralisation n’est pas à exclure.

Olga Hagen

30 décembre 2021

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Crédit photo : PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP

Une note gouvernementale en date du 24 décembre et frappée de l’expression « diffusion restreinte », signée par le directeur général de la santé, la directrice générale de l’offre de soins et la directrice de la cohésion sociale a été adressée aux directeurs d’établissements hospitaliers par les différentes Agences régionales de santé.

Révélée par la CGT de l’Hôpital Nord France-Compté sur son compte Facebook, le gouvernement y autorise « en cas de risque avéré et immédiat portant sur la sécurité des patients ou résidents ou sur la continuité d’accompagnement et de prise en charge », le travail pour « un professionnel de santé détecté postitif et asymptomatique nécessaire à la continuité des prises en charge ». Cette dérogation peut aussi concerner les professionnels de santé « pauci-symptomatiques » (présentant peu de symptômes). Le ministère encadre cette pratique en la circonscrivant au travail auprès de certains malades du Covid seulement : les travailleurs ne pourront pas s’occuper « de patients à risque de formes graves de Covid-19 ou en situation d’échec vaccinal ». Toutefois, il est admis qu’en « dernier recours », les soignants pourront s’occuper de « patients négatifs, disposant d’un schéma vaccinal complet et non à risque de forme grave ».

Ainsi, alors que le nombre de contaminations bat des records inédits avec 208 000 nouveaux cas positifs ce mercredi, que la cinquième vague bat son plein avec un taux d’incidence de 1 000 cas pour 100 000 habitants dans 14 départements, le gouvernement autorise, main dans la main avec l’ARS et les directions d’hôpitaux, le travail des soignants qui sont eux-mêmes infectés par le Covid-19, sous prétexte qu’ils seraient asymptomatiques ou pauci-symptomatiques.

Dérogation uniquement pour travailler : interactions et cantines interdites

La note encadre cette possibilité de travailler d’une interdiction des « moments collectifs (repas, pause, etc.) ne permettant pas le port du masque », qui « auraient pour conséquence d’aggraver la situation de tension en ressources humaines ». De surcroît, la note gouvernementale précise en gras que « la dérogation accordée ne vaut que pour le temps de travail : l’isolement doit donc être respecté en dehors du lieu d’exercice ». Donc, quand les soignants contaminés auront fini leur journée de travail, passés aux côtés de leurs collègues excepté pour leurs pauses et leurs repas, ils seront gentiment invités à retourner se confiner chez eux.

Enfin, il est souligné que les soignants contaminés doivent veiller au « respect des gestes et mesures barrières et la limitation au maximum de leurs contacts avec les autres professionnels exerçant dans le service ».

Dans la foulée du message MARS 2021-53 du Ministère de la Santé, des directives similaires ont été envoyées localement aux soignants. Ainsi, l’APHP indique dans une note en date du 29 décembre à ses soignants que « il pourra être dérogé à la condition d’éviction afin d’assurer la continuité des prises en charge dans un contexte spécifique de risque pour la sécurité des patients ». Dans le même sens, les hôpitaux de Provence, le 29 décembre également, ont expliqué que « compte tenu du nombre actuellement important de contaminations et en cas de continuité des soins ne pouvant plus être assurée (…) il pourra être dérogé à l’éviction d’un professionnel de santé détecté positif et asymptomatique ou présentant très peu de symptômes ».

Mais certains hôpitaux n’ont pas attendu le message MARS pour permettre de telles pratiques. En effet, une note interne de l’hôpital Nord Franche-Comté en date du 3 décembre prévoyait déjà que le « maintien en exercice » des soignants asymptomatiques était possible, ajoutant que ces derniers devaient procéder à « une auto surveillance de leur état de santé ».

Cette mesure est criminelle, puisque même asymptomatiques ou pauci-symptomatiques, les soignants peuvent évidemment contaminer leurs patients et collègues – et les priver de manger ou passer leur pause ensemble est loin de diminuer suffisamment les risques.

En réalité, cette politique vise à appréhender un potentiel absentéisme des soignants alors que la situation au Royaume-Uni laisse présager d’une vague de contamination parmi le personnel hospitalier et une « désorganisation de la société » selon le Conseil scientifique. Avec un manque d’effectifs structurel dans les établissements du fait de la casse de l’hôpital public depuis plusieurs années, le plan blanc d’Olivier Véran semble ainsi devoir reposer sur des soignants malades.

En effet, la situation est révélatrice du véritable manque de moyens qui règne depuis des décennies dans les hôpitaux publics mais qui est véritablement exacerbé depuis le début de la crise sanitaire. Celui-ci donne lieu à des situations des plus critiques : cadences infernales pour des travailleurs en sous-effectifs, « tri » des patients, « plans blancs »… Débouchant de fait sur des démissions massives de soignants écoeurés par leurs conditions de travail.

« Ils ont foutu des soignants dehors parce qu’ils étaient non-vaccinés, mais ils viennent nous chercher maintenant même quand on est positifs »

A cela, il faut ajouter les mises à pied des soignants non vaccinés ainsi privés de rémunération, et qui risquent le licenciement à n’importe quel moment. « Ils ont foutu des soignants dehors parce qu’ils étaient non-vaccinés, mais ils viennent nous chercher maintenant même quand on est positifs, et on risque de contaminer et les collègues, et les patients » dénonce Maxence*, aide-soignant aux urgences dans un hôpital du Sud de la France.

Il ajoute : « C’est complètement scandaleux, et c’est tout ce que fait le gouvernement depuis des mois. Pourquoi ? Parce qu’on manque de soignants, parce qu’ils n’ont pas su rendre attractif l’hôpital avant, et ça on le dénonce depuis bien avant la crise, ça fait des années. Aujourd’hui le personnel est épuisé, il se barre de l’hôpital. »

Il faut en finir avec cette gestion catastrophique de la crise sanitaire. Alors que la situation sanitaire ne va que s’aggraver avec le variant Omicron, il est nécessaire de se mobiliser massivement avec un plan de bataille à la hauteur pour en finir avec cette stratégie criminelle. Il s’agit d’exiger des moyens massifs dans les hôpitaux, qui seuls permettront les embauches massives nécessaires et de meilleures conditions de travail. A cela, il faut bien sûr ajouter la gratuité des tests pour un dépistage et un suivi de qualité, de véritables protocoles sanitaires dans les écoles, les lieux de travail, les lieux publics et les transports ; et enfin, une stratégie vaccinale réelle, à l’international, avec une levée des brevets sans laquelle jamais nous n’en finirons avec la pandémie et ses potentielles nouvelles souches.


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