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Retour au dialogue social

Salaires des fonctionnaires : Guérini ne donne même pas de miettes, il faut un plan de bataille !

À la fin du mois de mai, Stanislas Guérini, ministre de la Fonction publique, a reçu un à un les directions syndicales de la fonction publique sur la question des salaires. Des négociations qui ont une fois de plus démontré l’impasse du dialogue social mais dessine également de possibles futures attaques.

Léo Stella

9 juin 2023

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Salaires des fonctionnaires : Guérini ne donne même pas de miettes, il faut un plan de bataille !

Crédits photo : capture d’écran BFMTV

Du 22 au 26 mai, huit syndicats de la fonction publique (CGT, FO, CFDT, UNSA, FSU, Solidaires, CFE-CGC et FA-FP) ont rencontré le gouvernement pour aborder la question des salaires et des conditions de travail des 5,7 millions de travailleurs du public. L’ensemble des syndicats ont demandé une augmentation de la valeur du point d’indice, qui sert à définir l’ensemble des salaires des fonctionnaires. En réponse à ces revendications, le ministre Guérini a annoncé des nouvelles rencontres le 12 juin prochain, cette fois-ci multilatérales, avec des promesses de « mesures salariales et de pouvoir d’achat ».

Un gouvernement inflexible sur le point d’indice

Fin mai, les huit fédérations syndicales sont arrivées chacune avec leurs propositions sur les salaires et l’évolution des carrières. La CGT demande par exemple une augmentation de 10% du point d’indice des salaires tandis que la CFDT réclame 3,5%. Une demande dérisoire qui reste en-deçà de l’inflation actuelle. Mais les négociations ont finalement surtout permis à Guérini d’avancer sur son projet pour la fonction publique : « réoxygéner les bas de grilles », « pouvoir offrir des perspectives d’évolution de carrière plus dynamiques », récompenser « l’engagement et la performance individuelle et collective » … Autant de formules creuses qui ne présagent rien de bon pour les travailleurs et traduisent la volonté du gouvernement d’accélérer la transformation néolibérale de la fonction publique.

En effet, pas question pour le gouvernement de parler du point d’indice. Ce dernier ne compte a priori aucunement l’augmenter, après sa hausse dérisoire de 3,5 % l’été dernier. Dans La Tribune, Bercy appuyait ainsi en mai sa position : « le gouvernement rappelle qu’une "hausse de 1% du point d’indice, représente 2,1 milliards d’euros"... Autant dire, très cher pour le budget de l’État. » A la suite des négociations avec les syndicats, Guérini a d’ailleurs confirmé cette orientation auprès des sénateurs, expliquant que la progression de carrière, et donc des salaires, se feraient selon les performances individuelles - au « mérite » pour reprendre ses mots.

Les « gestes pour les fonctionnaires sur le salaire et autour de la fiche de paye » que laisse aussi entrevoir Guérini devraient donc être très limités pour ce qui concerne de potentielles hausses de salaires. Surtout, les miettes que pourraient recevoir des agents publics pourraient consister en incitations à individualiser les conditions de travail et défaire les statuts. De même que les propositions autour de la « santé au travail » elles s’annoncent ainsi comme un nouveau crachat à la figure des fonctionnaires qui subissent une dégradation croissante de leurs conditions de travail du fait des réformes austéritaires des derniers gouvernements.

Des annonces de Guérini qui s’inscrivent dans une série d’attaques contre la fonction publique

Comme l’explique Manon, agente territoriale de la culture au sein de la métropole de Toulouse, interrogée par Révolution Permanente : « La vérité c’est qu’aujourd’hui, que ce soit à l’hôpital ou dans les collectivités, la casse des services public opérée par les différents gouvernements et en particulier Macron a détruit nos conditions de travail. On est en sous-effectif permanent, on n’embauche plus de fonctionnaires mais juste des contractuels avec des contrats de trois mois pour tenter de pallier les manques aux principaux endroits. En plus des sous-effectifs, les mesures austéritaires dans les budgets alloués, par exemple dans notre cas aux collectivités, font qu’on n’a plus les moyens de proposer correctement nos services pour les usagers. Surtout, le matériel et les conditions dans lesquelles on travaille ne sont plus tenables. Tout ça pour un salaire de misère : je vais finir ma carrière après plus de 20 ans à 1 600 euros sans les primes. J’ai jamais vu autant de burn-out de collègues que depuis l’arrivée de Macron et sa politique en 2017. »

Les annonces de Guérini, qui visent à individualiser et atomiser les conditions de travail et de rémunération dans la fonction publique s’ancrent totalement dans le plan de long terme de la macronie à l’encontre de la fonction publique. Avec la loi Transformation de la Fonction Publique en 2019, le gouvernement a en effet organisé la casse des services publics et, notamment, du statut de fonctionnaire. Cette loi a marqué la normalisation de l’emploi de contractuels en masse, avec la mise en place de « contrats de chantier », la casse d’instances historiques des travailleurs du public comme le CHSCT et le Comité Technique d’Établissement (CTE), la possibilité en cas d’externalisation des services de les basculer vers le privé, et enfin l’augmentation du temps de travail à travers la mise en place des 1607 heures.

En parallèle de ces attaques majeures, les mesures austéritaires du gouvernement envers les collectivités territoriales ont aussi favorisé la précarisation des travailleurs du public. Suppression de postes, plus d’un milliard de coupure budgétaire, privatisation des secteurs comme les transports… autant de mesures que les collectivités territoriales appliquent avec plus ou moins de zèle selon les territoires, au nom de la « dette publique » ou du manque de moyens. Une politique que le gouvernement compte bien poursuivre comme le montre l’annonce fin 2022 d’une coupure de 600 millions d’euros dans les budgets dédiés aux collectivités.

Un retour du dialogue social fonctionnel à la stratégie du gouvernement : il faut un plan de bataille national !

Face à ces offensives d’ampleur, réactualisées par les déclarations de Guérini, les directions confédérales maintiennent une stratégie de pression qui a montré toutes ses limites dans la séquence des retraites. Pire, les directions syndicales de la fonction publique comptent entièrement sur le dialogue social pour faire face à la question des salaires. Si l’ensemble des organisations dénoncent, avec plus ou moins de nuances, la « non-prise de position concrète du ministre » sur le point d’indice, elles s’accordent à continuer « d’interpeller » Guérini et de faire pression en vue d’une prochaine séance de négociations le 12 juin.

Dans son communiqué, la CFDT explique : « dans le cadre de cette future réunion du 12 juin, il n’est pas inutile de rajouter de la pression sur l’exécutif, notamment en étant très nombreuses et nombreux dans la rue ce mardi 6 juin 2023 » tandis que la CGT appelle « à construire une journée unitaire de grève massive dans la Fonction publique le 6 juin, pour gagner l’abrogation de la loi Macron et exercer une pression maximale sur le gouvernement concernant les enjeux salariaux ». Une logique qui consiste à se greffer artificiellement à la journée interprofessionnelle de l’intersyndicale, sans chercher à construire une grève nationale pour les salaires. Or, la réforme des retraites l’a montré, face à un gouvernement radicalisé, seul le rapport de forces peut permettre d’arracher des revendications à la hauteur de la situation.

Or justement, une nouvelle vague de grèves pour les salaires déferle dans le privé comme dans le public, à l’image de la mobilisation des Tisséo à Toulouse. Dans un tel contexte, l’heure devrait être à la construction d’un grand mouvement pour les salaires plutôt qu’au dialogue avec Guérini. Ce d’autant plus que les fonctionnaires pourraient jouer un rôle central d’entraînement pour enclencher un mouvement national pour des augmentations de salaires, unifiant l’ensemble des travailleurs.

Sophie Binet tente de botter en touche sur une telle perspective, expliquant que le combat pour les salaires devrait fatalement se mener boîte par boîte. Mais il est possible de briser cette situation dans laquelle veut nous enfermer le gouvernement, et les travailleurs publics présents partout sur le territoire ont un rôle central à jouer en ce sens. Pour cela, il faut un plan de bataille et de revendications unifiantes pour l’ensemble de notre classe, afin d’arracher des augmentations de salaires pour toutes et tous, leur indexation sur l’inflation, en articulant cette bataille à celle contre la réforme des retraites et l’ensemble des offensives de Macron.


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