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Révoltes historiques contre les violences policières en Colombie. L’État répond par une répression sanglante

Depuis le 9 septembre, d’importantes révoltes contre les violences policières ont éclaté dans différentes villes de Colombie. Ces manifestations radicales, menées principalement par la jeunesse précaire colombienne, ont éclaté à la suite de l’assassinat brutal d’un homme de 43 ans par la police de Bogota. La réponse du gouvernement colombien à ce mouvement contre les violences policières a été celle d’une surenchère répressive ultra-violente : au total 13 manifestants ont été tués par balles par la police.

Gabriel Ichen

14 septembre 2020

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Une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux colombiens montre l’interpellation de Javier Ordoñez, avocat et père de deux enfants. On y voit l’homme être brutalement mis à terre par deux policiers du quartier de Santa Cecilia à Bogota, dont l’un lui administre une longue décharge de taser. On peut entendre Javier Ordoñez les supplier d’arrêter. Il est ensuite amené au commissariat où il est une nouvelle fois brutalisé, puis décède quelques heures plus tard à l’hôpital.

Le soir même de l’assassinat, des milliers de jeunes colombiens se réunissent pour manifester devant les Comando de Acción Inmediata (CAI : sorte de commissariat de proximité) de la capitale Bogota. Ces rassemblements sont très rapidement marqués par leur radicalité et plusieurs commissariats, motos et voitures de police sont brûlés aux cris de « Assassins ! Assassins ! ». Les manifestations ont continué chaque soir et se sont étendues à d’autres centres urbains comme Medellin ou Cali, où l’on pouvait voir des slogans tels que « ils nous tuent » ou encore « qui nous protègent de la police ? ».

Comme réponse à ces révoltes légitimes, les forces de police n’ont pas hésité à tirer à balles réelles sur les manifestants. Depuis, mercredi, ce sont près de treize colombiens qui ont été tués par des policiers en uniforme et en civil chargé de réprimer le mouvement.

Le gouvernement colombien, via le ministre de la défense en charge des forces de police, a indignement osé demander « pardon » pour tenter de calmer la situation. Cependant, ce mouvement radical contre les violences policières s’inscrit dans un contexte national particulièrement explosif qui peut expliquer en grande partie la rage de la jeunesse colombienne. Ce contexte est celui d’une précarisation extrêmement importante des jeunes et d’une partie importante de la société colombienne. Cette situation a d’ailleurs été accentuée par un confinement répressif particulièrement rude, imposé par le gouvernement comme seule réponse à la crise sanitaire du Covid-19. Durant ce confinement, des milliers de familles colombiennes ne parvenaient plus à se nourrir car privées de revenus. Ces pénuries alimentaires ont ainsi fait éclater des révoltes de la faim à Bogota et dans différentes villes du pays.

A cette situation sociale et économique s’ajoute le poids étouffant d’un État particulièrement violent et autoritaire sur le plan politique. Sous la houlette du très réactionnaire Alvaro Uribe (président colombien de 2002 à 2010), et de l’actuel président de droite Ivan Duque, l’État colombien mène depuis des décennies une politique extrêmement violente de militarisation du pays et d’assassinats massifs de leaders sociaux. En 2019, la Colombie était le premier pays au monde pour le nombre d’assassinats de militants pour la défenses des terres et de l’environnement.

La Colombie est l’un des pays les plus inégalitaires au monde et l’un des plus militarisés. Principal allié géostratégique des États-Unis dans le continent sud-américain, la Colombie est un pays riche en ressources minières et fait l’objet de nombreux projets d’exploitation des terres par les multinationales occidentales. Ainsi, d’importantes organisations paramilitaires, directement liées à l’État colombien, ainsi que les différents corps armés de l’État, police et armée, sont utilisées afin de garantir l’exploitation des terres colombiennes par les grands groupes européens, canadiens ou étatsuniens. Ces forces militarisées sont ainsi mandatées afin de réprimer toutes luttes, notamment celles menées par les militants associatifs, syndicalistes et indigènes, qui s’opposent à ces projets d’exploitation.

La mort tragique de Javier Ordoñez fait ainsi écho à celles de George Floyd aux États-Unis ou encore d’Adama Traoré en France tous deux tués suite à une interpellation policière et qui étaient devenus les symboles internationaux du mouvement contre les violences policières et le racisme d’État.


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