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Des "moyens" pour les hôpitaux ?

Revoilà El Khomri ! L’ex-ministre remet son rapport à Agnès Buzyn pour les EHPAD

El Khomri, le retour ! L'ancienne ministre du travail a remis ce mardi à Agnès Buzyn un rapport sur la « revalorisation » du statut et des salaires des aides à domiciles et des soignantes en Ehpad.

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 Crédit photo : Tristan Reynaud/SIPA

L’ex-ministre du Travail de François Hollande, Myriam El Khomri, auteure de la fameuse réforme « Loi Travail » avait été choisie fin juillet pour proposer différentes mesures à une partie du secteur de la santé, principalement les travailleurs et travailleuses d’EPHAD. Elle a remis aujourd’hui à Agnès Buzyn son rapport de « revalorisation des métiers du secteur de la dépendance ».

Choisir El Khomri pour porter un projet censé « améliorer les conditions de travail » des travailleurs d’EHPAD et « revaloriser » (quoi que cela veuille dire) ces métiers désertés, relève d’une certaine forme d’audace et d’un culot certain. Il y a en effet une certaine ironie à entendre l’ancienne ministre larmoyer sur la difficulté du travail des aides soignants quand sa Loi Travail a contribué précariser une grande partie des salariées du privé, cassant leurs droits et acquis sociaux et empirant encore plus leurs conditions de travail.

Des conditions de travail catastrophiques

Ce qu’on appelle le « secteur de la dépendance » regroupe l’ensemble des travailleurs et salariés qui sont les « petites mains » qui s’occupent des personnes agées : aides soignants à domiciles, auxiliaires de vie, travailleurs des EHPAD,etc. Ces emplois sont cependant désertés et le nombre de personnes exerçant ces métiers est loin d’être suffisant par rapport aux besoins de la population.
Il y a en effet dans ce secteur un phénomène de turnover assez important : 25 000 personnes sont formées chaque année et pourtant 60 000 postes restent ouverts et non pourvus.

Si ces postes restent vides et si ces métiers sont très peu attractifs, ce n’est pas le fruit du hasard ou la faute à pas de chance, l’explication se trouve en réalité dans les conditions de travail et les salaires absolument catastrophiques de ce secteurs et de manière plus générale du secteur de la santé.

Les niveaux de rémunérations de ce secteur sont très bas. Deux conventions collectives, celle de l’aide à domicile et celle des établissements privés non lucratifs, appliquent des salaires minimums inférieurs au SMIC. Résultat, ces personnels doivent patienter sept à huit ans avant d’espérer toucher une rémunération à peu près décente. Pour se rendre chez les personnes âgées, les aides à domicile multiplient les kilomètres et ne sont pas indemnisés pour ces déplacements. Dans ce secteur le taux de pauvreté est le double de celui observé dans les autres catégories de salariés - 17,5 % contre 6,5 % chez les salariés en général.

Pour ce qui est des conditions de travail en elles-mêmes, elles sont très dures, avec des personnes âgées qu’il faut soulever, de longues stations debout, des pensionnaires à nourrir en six minutes top chrono, en EHPAD tout est chronométré, etc. Tout cela réunit - le manque de personnel, les cadences infernales, les journées de travail très longues, conduit à de nombreux accidents du travail à tel point que dans ce secteur, le taux d’incidence des accidents du travail est trois fois plus élevé que la moyenne nationale, et plus élevé encore que dans le BTP !

Un plan « social » loin d’être suffisant

Face à ce tableau désastreux, la réponse du gouvernement, qui se veut ambitieuse et novatrice, n’est en réalité qu’un pansement sur une jambe de bois.

Parmi les principales mesures du plan proposé par El Khomri on trouve notamment la création de postes supplémentaires (18 500 par an) et la suppression du concours pour rentrer en école d’aide soignants. Cependant ces mesures ne s’attaquent pas à la racine du problème. Créer de nouveaux postes et les rendre plus accessibles sont certes en soi des aspects positifs, mais si les conditions des travailleurs de sont pas améliorées, il y aura toujours aussi peu de personnes prêtes à exercer ces métiers.

Pour ce qui est de la question des accidents du travail, la seule réponse de l’ex-ministre est la mise en place d’un vague « programme de lutte contre la sinistralité ciblée sur ces métiers ». Elle a expliqué ce programme en disant « Il faut passer, comme cela a été le cas dans le bâtiment, d’une logique curative à une logique préventive ». Cependant pour les accidents du travail, la question n’est pas celle de la « prévention », quel que soit le secteur. Dans le bâtiment justement, de nombreux accidents arrivent car les travailleurs sont souvent forcé à travailler sans respecter certaines règles de sécurité afin de travailler plus vite. L’origine des accidents du travail réside dans la manière dont les travailleurs sont contraint exercer, souvent obligé de travailler le plus vite et le plus longtemps possible.

Dans la même lignée de mesures insignifiantes, El Khomri prévoit d’accroître d’une demi-journée par mois le « temps de coordination » entre les employés. Une mesure décrite dans un article des Echos comme « un sas indispensable pour comparer ses pratiques, s’épancher, reprendre des forces auprès de ses semblables, lorsque l’on côtoie la souffrance et la mort au quotidien ». Le fossé entre la gravité des problèmes et les solutions proposées par le gouvernement est presque risible et caricatural.

Comme l’explique très bien la dessinatrice Emma dans sa dernière BD sur la souffrance au travail : « On nous dit que la clé ce serait de mieux organiser les entreprises. Du coup, on essaie d’arranger les choses en surface, à l’aide de « team building » ou de « chief happiness officers ». […] Mais la souffrance ne disparaît pas. Et c’est logique car cette brutalité du monde du travail, elle ne vient pas de l’intérieur de l’entreprise, mais de la société qui les entoure. Une société dont les entreprises sont organisées dans le but de générer du profit – pour leurs propriétaires, et non pour satisfaire les besoins. Or dans une visée du profit, les employé.e.s ne sont qu’une ressource parmi d’autres : maléables, jetables et maltraitables. »

Des « moyens » pour les hôpitaux ?

Le gouvernement tente de canaliser le mécontentement populaire et essaie de lâcher quelques concessions au secteur de la santé. Dans le même esprit, face aux grèves des services d’urgences, Emmanuel Macron a annoncé que le « plan de soutien » pour les hopitaux qui sera présenté en novembre bénéficiera de « moyens ». Ce plan visant sans aucun doute à apaiser la colère sociale sera également à des années lumières des problèmes graves auxquels font face les travailleurs de la santé. Voté cet été et prévu pour être mis en place en 2022, il mettra en plus cinq à dix ans à se déployer.

Un plan qui s’annonce dérisoire et ne risque pas de calmer la colère qui pourrait bien se transformer en explosion sociale très importante. « On ne peut pas dire à une infirmière qui n’est pas assez payée, qui est en souffrance : vous verrez dans dix ans ce sera super » a déclaré Macron et malheureusement pour lui, il a bien raison. Après des années de casse du service public, les conditions de travail de tous sont devenues insupportables et c’est ce ras-le-bol qui pousse aujourd’hui des milliers de personnes dans la rue et malgré ses tentatives de division ou d’apaisement, Macron risque bien de payer cela au prix fort.


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