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Derrière le pouvoir d'achat, les intérêts patronaux

Revalorisations, AAH : Macron, la droite et le RN maquillent leur projet 100% au service du MEDEF

La loi pouvoir d’achat de Macron est passée grâce à l’alliance avec les LR et les RN. Les attentes du patronat ont été fidèlement respectées : tandis que les allocations baissent, les salaires n’augmenteront pas, il faudra se contenter de petites primes et d’un chèque alimentaire.

Joël Malo

22 juillet 2022

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Crédits photo : Christophe ARCHAMBAULT / AFP

La hausse spectaculaire des prix que connaît aujourd’hui la France, et la colère populaire latente qu’elle produit dont des dizaines de grèves sont le symptôme le plus visible, sont au cœur de la situation politique. 5,8 % en juin, 7 % prévus en septembre. Les différents partis de la bourgeoisie ont tenté ces derniers mois d’avancer leur programme habituel d’offensive contre les classes populaires et de détricotage du droit du travail en le maquillant « pour le pouvoir d’achat ».

La loi sur le pouvoir d’achat était donc le moment pour le gouvernement Macron II, après les difficultés aux législatives, de repasser à l’action, et surtout de tester la nouvelle configuration d’une majorité relative à l’Assemblée. La question épineuse de la construction d’une majorité absolue s’est résolue plus simplement que prévu avec la participation unanime des LR et des lepénistes aux côtés de Renaissance (ex-LREM) à un arc de force pro-patronal résolument opposé aux augmentations de salaires. Finalement, le texte de loi a été adopté grâce aux voix de la droite coalisée, la NUPES votant contre, à l’exception de quatre communistes et de la quasi-totalité du groupe PS qui s’est abstenu.

La tactique du patronat face aux grèves pour les salaires de l’année écoulée est claire : laisser les salaires baisser en acceptant des revalorisations moitié moins haute que l’inflation, compensées ponctuellement par des primes que le gouvernement exonère de cotisations sociales. Les patrons espèrent passer la vague d’inflation en ayant à la sortie des salaires plus bas ou qui du moins n’auront pas augmenté. C’est le mandat qui a été confié à Emmanuel Macron qui le met en œuvre avec l’assentiment des LR et du RN : triplement de la prime Macron (jusqu’à 6.000 euros en théorie bien que les primes versées jusque-là se soient élevées en moyenne à 500€), facilitation des mécanismes d’intéressement, hausse du plafond d’exonération fiscale des heures supplémentaires. Le message est clair : si les travailleuses et les travailleurs veulent survivre face à la vague d’inflation, il va falloir compter sur la clémence des patrons, espérer qu’ils fassent tellement de profits qu’ils en redistribuent quelques miettes ou bien travailler encore plus. Mais les salaires n’augmenteront pas !

En parallèle, ont été votées des revalorisations des minima sociaux et de diverses allocations (RSA, AAH, bourses étudiantes), annoncées ces dernières semaines, à hauteur de 4 %. Alors que l’inflation frôle les 6 % en juillet, le gouvernement présente ce qui est en définitive une baisse des minima sociaux comme une mesure de défense du « pouvoir d’achat » ! Idem pour les fonctionnaires qui voient leur traitement revalorisé de 3,5 %. En application des annonces de Le Maire sur le « bouclier loyer » (bouclier concernant surtout les multi-propriétaires et les rentiers), les APL seront augmentées de 3,5 % de même que l’indice de référence des loyers, bloqué à 3,5 % en métropole et à 2,5 % pour les colonies. Une augmentation des APL qui revient en réalité sur les 5€ que les macronistes nous avaient déjà volés en 2017, tandis que les loyers continuent leur hausse !

Toujours dans la catégorie miettes, un chèque alimentaire de 100€ par foyer qui sera versé à la rentrée, et sera aussi vite rattrapé par l’inflation que ne l’avait été la prime inflation de la fin de l’année dernière.

L’arc pro-patronal LREM-LR-RN

A l’exception d’un député Horizons, l’Assemblée a voté à l’unanimité la déconjugalisation de l’Allocation Adulte Handicapé, après que la macronie l’ait refusé durant le précédent quinquennat et que Borne ait montré l’ampleur de son mépris durant la campagne législative. Une avancée mais qui laisse un goût amer : on ne saurait se féliciter que cette mesure ne soit votée qu’en 2022, pour une application en… octobre 2023.

A propos de tout le reste, les oppositions ont été fermes entre les députés de la NUPES, qui proposent une faible augmentation du SMIC et l’ouverture de négociations avec le patronat sur les salaires, et tous les autres, qui ne jurent que par les primes. A ce titre, les médias bourgeois et les députés de droite se sont scandalisés du tumulte, des invectives qui ont empli l’Assemblée. Si les macronistes craignaient de ne pas pouvoir passer ce texte de loi, aussi central pour leur politique qu’il est une enfumade pour les travailleurs, ils ont été bien aidés par le RN qui s’est montré encore plus docile que les LR, pourtant a priori des alliés plus naturels pour la macronie. Le duo plus que duel Macron-Le Pen a encore fonctionné à plein autour de l’alliance contre les salaires.

Face à une opposition aussi « constructive » que le sont les lepénistes, Macron n’avait peut-être même pas besoin de majorité absolue à l’Assemblée. Une alliance qui pourrait aussi être un boulet pour Macron. Encore lors de ces élections, il a essayé de jouer la carte de l’opposition républicaine face à Le Pen. Les premières semaines de gouvernement montrent pourtant une véritable osmose.

L’opposition impuissante de la NUPES

La Nupes, et à leur tête, la France Insoumise sort de ces débats avec un statut d’oppositionnel plus marqué, malgré la tiédeur de la revendication du SMIC à 1500€ (que Mélenchon devra certainement rehausser à nouveau dans les prochains mois au rythme où va l’inflation). Mais de quoi les promesses de changement par le retour du parlementaire, vanté par Mélenchon et Garrido, ont-elles accouché ? Dans ce débat, la NUPES a pu faire passer deux amendements, l’un excluant les compléments de loyer (moyen de racket des propriétaires sur les locataires pour les faire payer davantage) pour les logements au statut de « non-confort », c’est-à-dire à la limite de l’insalubrité ; ainsi que l’autorisation d’utiliser des carburants à base d’huile de friture usagée. Un petit geste pour le climat, balayée par l’énorme coup de massue que sont la réouverture de la centrale à charbon de Saint-Avold ainsi que le vote des députés pour l’installation d’un terminal méthanier flottant dans le port du Havre pour l’important de l’extrêmement polluant gaz de schiste américain.

Les députés NUPES ont reproché à Elisabeth Borne de ne pas respecter ses engagements concernant la « nouvelle méthode » faite de compromis avec les oppositions. Mais croire dans les institutions parlementaires de la bourgeoisie, dans la possibilité d’y modifier conséquemment ou même à la marge les coordonnées de l’exploitation capitaliste, ou même de croire un seul mot de ce que disent Borne ou Macron, ne peut conduire qu’à la désillusion. A la fin, la tactique de « guérilla parlementaire » ne ressemble plus qu’à des gesticulations vaines.

La solution pour renverser la tendance, et balayer l’alliance patronale LR(E)N, se trouve dans la lutte en dehors du Parlement, dans la rue et dans les entreprises, par une grève de masse. C’est là que se situe la vraie opposition au patronat et à ses représentants à l’Assemblée nationale, la seule capable de les faire reculer. C’est là que doivent être mis tous nos efforts. Sans cela, la classe dominante continuera à faire passer des baisses de salaire, de pensions pour de la lutte pour le « pouvoir d’achat », et à protéger les super-profits des entreprises, comme l’a rappelé Bruno Le Maire en introduction de l’examen de la Loi Rectificative de Finances ce vendredi. Des milliers d’amendements peuvent être déposés, les capitalistes et Macron ne comprendront la leçon que lorsque des centaines de milliers de travailleurs cesseront le travail, paralyseront l’économie tant que le SMIC n’est pas augmenté à 1800 euros et tous les salaires indexés sur l’inflation !


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