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Débat parlementaire

Retraites : le Sénat prêt à durcir la réforme, faisons reculer Macron et la droite dans la rue !

La réforme des retraites arrive au Sénat cette semaine. Les Républicains, groupe le plus représenté chez les sénateurs, vont proposer de durcir le texte, et le gouvernement devrait accepter. Mais le vote au Sénat est surtout un moyen pour l’exécutif de légitimer la réforme, en opposition à la contestation dans la rue.

Antoine Weil

27 février 2023

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Crédits photo : AFP

L’examen au Sénat du projet de loi portant sur la réforme des retraites commence cette semaine, d’abord en commission à partir de ce mardi, puis en séance dès le 2 mars prochain. Du fait de la procédure accélérée, les sénateurs ont 11 jours pour plancher sur le texte, dont l’examen s’arrêtera donc le 11 mars. Après des débats chaotiques à l’Assemblée nationale, les représentants de la chambre conservatrice ont à l’inverse garanti au gouvernement de la bonne tenue des débats.

Comme à l’Assemblée, la garantie pour le gouvernement de faire passer le texte tient sur l’accord qu’il a scellé avec Les Républicains, le parti étant le premier groupe au Sénat et dirigeant la chambre haute en alliance avec l’Union Centriste. Dans le cas présent cependant, il ne devrait pas y avoir de fronde au sein de la droite comme cela a été le cas autour d’Aurélien Pradié à l’Assemblée nationale. La proposition de report de l’âge à 64 ans avec 43 années de cotisation nécessaire correspond en effet à une revendication ancienne des sénateurs LR, et si la droite sénatoriale veut amender le texte, cela ne devrait pas toucher le cœur de la réforme.

De nombreux rendez-vous entre représentants de LR et de l’exécutif se sont d’ailleurs tenus ces derniers jours pour s’assurer de la fidélité de la droite : LCP rapporte que Elisabeth Borne a appelé Bruno Retailleau et Hervé Marseille, présidents des groupes LR et Union Centriste, et un rendez-vous serait également prévu entre Elisabeth Borne, Olivier Dussopt, Franck Riester et le président du Sénat, Gérard Larcher mercredi, soit la veille du début de l’examen du texte. Les Républicains devraient cependant amender la réforme des retraites à la marge, dans l’objectif de durcir le texte.

Au Sénat, le gouvernement d’accord avec les Républicains pour durcir le texte

En premier lieu, les sénateurs LR veulent s’attaquer aux régimes spéciaux, critiquant la « clause du grand père » choisie par l’exécutif. Visant notamment la RATP et les IEG (Industries Electriques et Gazières), leur chef de file Bruno Retailleau a déjà déclaré vouloir décaler de deux ans l’âge d’annulation de la décote pour ces régimes, en la fixant à 62 ans. Une attaque d’ampleur contre des secteurs qui souffrent déjà des conséquences de la privatisation, du manque de moyens ou des bas salaires. Dans le même sens, les sénateurs souhaitent rogner sur les très maigres reculs concédés par le gouvernement notamment autour du dispositif « carrières longues ».

Plutôt que de mettre en place un « index senior » comme le souhaite le gouvernement, LR privilégie également un « CDI sénior ». Ce nouveau cadeau au patronat est censé encourager les entreprises à conserver des salariés âgés, en échange d’une exonération de cotisation patronale. Enfin, les sénateurs LR par la voix de Bruno Retailleau ont insisté sur de nécessaires aménagements au sujet de mères de familles, estimant que « le gouvernement n’aura pas l’aval du Sénat sans mesures fortes pour les mères de famille ». Alors que les femmes sont durement touchées par la réforme, les Républicains veulent notamment offrir des avantages aux mères de trois enfants. Une mesure justifiée par une rhétorique réactionnaire pour légitimer des mesures ultra-minimales concernant uniquement certaines femmes : « Nous assumons de vouloir porter une politique nataliste ambitieuse pour la France. […] pour financer un régime par répartition, c’est soit plus d’enfants, soit plus d’immigrés. La droite fait clairement le choix de l’enfant […] d’autant plus que nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir encore plus d’immigration ».

Sur ce point, le gouvernement a déjà fait un pas en direction des Républicains, Emmanuel Macron reprenant les arguments de la droite sur cette question ce samedi au Salon de l’Agriculture, quand le ministre du travail Olivier Dussopt a estimé être « d’accord et ouvert sur des amendements à la réforme des retraites, en particulier sur la situation des femmes ». De manière générale, il s’est exprimé une volonté claire de s’accorder avec les sénateurs sur leurs amendements, ce que l’expression d’Emmanuel Macron : « je souhaite que le Sénat puisse enrichir [le texte] avec ce qui lui paraît utile » a confirmé.

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Le gouvernement veut opposer la légitimité du Sénat à celle de la rue

Derrière ces déclarations, le gouvernement veut s’assurer que la réforme soit discutée dans de bonnes conditions au Sénat, de sorte à ce que l’ensemble du texte soit voté malgré la procédure accélérée. Il peut compter en ce sens sur le soutien de Gérard Larcher, président LR du Sénat. Celui qui entretient de bons rapports avec le chef de l’État pour garantir sa réélection en septembre 2023, s’est déclaré choqué de l’obstruction parlementaire à l’Assemblée et a pris de des dispositions pour écouter le débat, en mobilisant l’article 38 du règlement du Sénat. Il est en ce sens bien aidé par les sénateurs de gauche, et notamment par le chef de file des élus PS Patrick Kanner, qui a déclaré vouloir que l’article 7 soit bien voté et que « laisser prospérer l’idée que c’est dans la rue, et pas au Parlement, que se jouent les choses, c’est du populisme ».

Un scénario avantageux pour le gouvernement. Au-delà des quelques désaccords avec les sénateurs LR, Macron espère que le texte soit discutée rapidement et adoptée par les sénateurs pour pouvoir se targuer d’une légitimité « démocratique » en dépit du « véhicule législatif » choisi qui limite de façon importante la durée des débats. Le Sénat pourrait donc être un allié essentiel pour la rhétorique du gouvernement, comme l’estime Cécile Cornudet pour Les Echos. A moins évidemment que le durcissement prévu par les sénateurs ne radicalise la colère dans la rue, et que la mobilisation à partir du 7 mars embrase la contestation contre la réforme des retraites, comme s’en inquiète le sénateur Hervé Marseille, membre de l’UDI.

A la lumière de cette situation, et alors que l’alliance avec le Sénat constitue un élément central de la stratégie macroniste, les déclarations récentes de plusieurs leaders syndicaux apparaissent sous un autre jour. Laurent Berger a en effet assumé il y a dix jours sa volonté de peser sur le Sénat, déclarant : « il y a un débat au Sénat dans lequel l’intersyndicale a décidé d’être entièrement présente et c’est notamment les raisons de la mobilisations le 7 mars », quand quelques jours plus tôt il estimait « il faut remettre l’ouvrage sur le métier. Et à défaut, parce que ce sera le moment où le texte sera au Sénat, le 7 mars, on fera à nouveau une démonstration », faisant de la journée de grève du 7 mars l’occasion de faire pression sur les sénateurs.

Alors que l’intersyndicale continue de miser sur une issue parlementaire à la crise, tout montre combien cette logique est une impasse. Pour faire reculer Macron et ses alliés de droite sur la réforme des retraites, il n’y a qu’une issue : le 7 mars doit être le début d’un mouvement de grève reconductible, impulsé depuis la base. En ce sens, il y a urgence à ce que l’intersyndicale rompre avec sa stratégie de pression et se positionne ouvertement pour la grève reconductible, en mettant tous ses moyens dans sa construction. Une perspective qu’il faudra par ailleurs construire à la base. Pour avancer dans cette direction, les appels à la grève reconductible lancés dans de nombreux secteurs et l’élargissement des revendications portés dans certaines grèves liant la mobilisation contre la réforme à la lutte pour des hausses de salaires, sont des points d’appuis essentiels.


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