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Élections anticipées en Grèce

Retour en force de la droite en Grèce, le bipartisme « restauré » ?

La claire victoire de la droite dans un contexte d’abstention record et une économie encore très fragile sera-elle suffisante pour garantir la stabilité politique rêvée par les capitalistes grecs ?

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Crédit photo : AFP.

Sur fond d’abstention record, les classes dominantes grecques (et européennes) se réjouissent du retour de la droite au pouvoir après « l’accident » Syriza, arrivé au pouvoir en 2015. La victoire claire de la droite d’une part, et la défaite néanmoins relative de Tsipras d’autre part, permettent de retrouver une forme de bipartisme utilisée comme alternance pour l’austérité.

Les élections législatives signent le retour au pouvoir de la droite avec une large victoire du parti Nouvelle Démocratie à 39,85 % des suffrages exprimés – contre 28,09 % en septembre 2015 – traduisant une forte hausse en nombre absolu de ses électeurs. La défaite de Syriza néanmoins n’est pas aussi large qu’attendue, avec 31,53 % des votes – contre 35,46 % en septembre 2015, même si le nombre de voix est inférieur du fait de la plus forte abstention. Ces élections voient donc se reconstituer ce qui semble être une nouvelle bipolarité politique autour de ces deux partis qui renoue avec une alternance droite/gauche d’avant la crise et qui n’annonce rien de bon pour les travailleurs.

Ce fait est particulièrement notable au regard de la faiblesse des autres partis, à l’image de Kinal (regroupant le Pasok – parti socialiste – et ses alliés) définitivement supplanté par Syriza comme pôle de la social-démocratie. De même, le parti néonazi Aube Dorée perd la moitié de ses électeurs ce qui l’exclut du parlement, au profit cependant d’un nouveau parti nationaliste, Solution Grecque, plus présentable qu’Aube dorée.

Le Parti Communiste (KKE) réussi à rentrer au parlement avec 5,3% des voix exprimées mais continue son progressif recul depuis quelques années. Il faut également noter le retour à la vie politique grecque de Yannis Varoufakis, ancien ministre des finances de Syriza en 2015, qui avec son parti Mera25 a réussi à dépasser la barre de 3% qui donne accès à des sièges parlementaires.

Il faut noter également que les partis incarnant une radicalité de gauche sortent extrêmement affaiblis, c’est le cas d’Antarsya par exemple qui n’atteint pas les 1 % des suffrages exprimés. Enfin, l’ancienne Plateforme de Gauche de Syriza qui est partie en août 2015 pour former un nouveau parti, Unité Populaire, mérite une mention à part : avec 0,2% des voix, cette formation qui prétendait revenir au « Syriza des origines », flirtant avec l’euroscepticisme et des positions nationalistes, a connu un échec total.

La restauration fragile du bipartisme et le rôle de Syriza dans l’opposition

La très forte abstention, autour de 42 %, contribue à relativiser l’impression d’un retour à la normalité de la vie politique grecque dont les classes dominantes se réjouissent. Depuis le début de la crise l’abstention n’a cessé d’augmenter et cela démontre que le discrédit politique reste très profond.

Le retour de la droite au pouvoir avec un agenda libéral décomplexé annonce la poursuite et l’aggravation des attaques contre les travailleurs. Le programme du nouveau premier ministre Kyriakos Mitsotakis prévoit notamment une baisse de l’imposition du capital, c’est-à-dire des cadeaux faits aux entreprises et aux actionnaires, ainsi qu’une baisse de l’imposition en générale. Une réforme des retraites est par ailleurs d’ores et déjà sur les rails.

Pourtant, la droite au pouvoir et les classes dominantes sont conscientes qu’il existe un risque de retour de la lutte de classes avec le départ de Syriza qui malgré toutes ses politiques antipopulaires a été très utile pour paralyser le mouvement ouvrier et les mouvements sociaux. C’est ce qu’explique très clairement le journal de droite Kathimerini : « le changement devra arriver rapidement, si M. Mitsotakis veut exploiter la fenêtre d’opportunité que sa convaincante victoire lui offre. Son souhait d’encourager les investissements et de restaurer la loi et l’ordre avec une lutte contre les groupes anti-establishment à Athènes et dans les universités va provoquer de fortes réactions et cela demandera des nerfs solides et du soutien populaire. C’est là que le rôle de Syriza en tant que principal parti d’opposition peut être crucial. M. Tsipras peut soit décider de pousser son parti vers le centre gauche (…) soit continuer d’investir dans l’exploitation du mécontentement populaire ». Dans cette perspective, Mitsotakis a déjà annoncé la suspension des congés d’été du parlement pour pouvoir commencer à mettre en place les réformes le plus rapidement possible profitant de l’élan de son élection.

Autrement dit, les capitalistes grecs souhaitent que Syriza, après avoir appliqué plus d’attaque contre les travailleurs et les classes populaires que n’importe quel parti de droite depuis le début de la crise, devienne une force cruciale pour non seulement continuer les réformes mais pour accentuer la répression contre les résistances des travailleurs et de la jeunesse, ou ce qu’ils appellent les « groupes anti-establishment ».

Les créanciers ne sont pas impressionnés par la victoire de la droite

Face aux annonces démagogiques de baisse des impôts et d’augmentation des revenus, l’Eurogroupe a déjà rappelé les engagements pris par le précédent gouvernement en matière austéritaire et qui doivent continuer de s’appliquer en Grèce, sous sa surveillance.

En effet, les créanciers du pays savent très bien que l’économie grecque reste fragile et que de nouvelles difficultés pourraient à nouveau aggraver la situation économique mais aussi sociale. Il ne faut pas oublier que le chômage officiel en Grèce reste très élevé autour de 18%, que l’économie du pays est 20% en deçà de son niveau de 2009, que la dette reste au-dessus de 180% du PIB et que le pays doit rembourser les « plans de sauvetage » de la « Troïka » jusqu’en 2060, au minimum. En ce sens, au-delà de la propagande idéologique sur la « restauration du bipartisme » et le retour de la « stabilité politique », les défis au niveau économique et social seront cruciaux pour déterminer le futur de la situation grecque.

Pour les travailleurs, la jeunesse et les classes populaires, en grande partie déçus par les trahisons de Syriza par rapport à ses promesses de campagne en 2015, il s’agit maintenant de construire la résistance face aux politiques agressives de la droite au pouvoir, sans faire aucune confiance à un Syriza maintenant dans l’opposition. L’extrême gauche anticapitaliste qui a démontré une grande faiblesse ces dernières années, dans un contexte social et politique très compliqué, pourrait trouver une opportunité de se renforcer dans un contexte de possible montée de la lutte de classes, à condition de tirer les leçons de la période précédente.


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