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Renforcement de l'appareil répressif

Renforcement du pouvoir des préfets, fichage des élèves... La loi contre le séparatisme se précise

Le projet de loi sur le « séparatisme » se précise et vient d’être transmis au Parlement. Gérald Darmanin et Eric Dupond-Moretti en ont dévoilé certaines mesures. Le gouvernement continue son offensive répressive et islamophobe et prévoit notamment le renforcement du pouvoir des préfets, le fichage des élèves, l’élargissement du contrôle sur les associations ainsi que la comparution immédiate pour les personnes accusées d’actes relevant de la « haine en ligne ».

Lucy Red

19 novembre 2020

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Crédit photo : Ludovic Marin/AFP

Le projet de loi du gouvernement contre le « séparatisme » se précise. Il a été finalisé et il est encore à ce jour en cours d’examen au Conseil d’Etat. Il a été transmis aux présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat ce mardi 17 novembre et sera examiné en conseil des ministres le 9 décembre. L’intitulé du texte ne reprend pas le terme « séparatisme » employé à plusieurs reprises par Emmanuel Macron notamment depuis son discours le 18 février 2020 à Mulhouse, où il affirmait sa volonté de « lutter contre le séparatisme », mais se nomme « projet de loi confortant les principes républicains ». Il compte aujourd‘hui 34 pages et 57 articles portant, entre autres, sur les associations, l’éducation et le rôle des préfets.

Tout d’abord, si Emmanuel Macron s’est toujours justifié d’employer le terme « séparatisme » plutôt que « communautarisme », sous prétexte qu’il ne serait « pas à l’aise » avec celui-ci, ce projet de loi n’en est pas moins islamophobe et raciste.. En effet, ce projet de loi vise en priorité « le séparatisme islamiste » et, contrairement à ce qu’Emmanuel Macron affirme, il stigmatise donc en particulier les personnes musulmanes et assimilées comme telles.

Médiapart revient très précisément sur la quasi-totalité des articles du texte et ce qu’ils prévoient. Par exemple, l’article 2 tend à accroître le contrôle des préfets sur les maires et leur pouvoir répressif. Dans une interview accordée au Figaro, Gérald Darmanin, accompagné par Eric Dupond-Moretti affirme « qu’aujourd’hui, le préfet ne peut s’opposer à des élus qui, par exemple, imposent des horaires spécifiques pour les femmes au nom de principes religieux, ou retirent des auteurs juifs ou homosexuels des médiathèques » sans citer d’exemples plus précis. Ainsi, le gouvernement utilise une prétendue lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes, contre l’homophobie et l’antisémitisme pour justifier la mise en place d’une loi qui vise essentiellement à réprimer et stigmatiser les personnes musulmanes. Il associe de fait indirectement la religion musulmane au sexisme, à l’homophobie et/ou à l’antisémitisme. En d’autres termes, les luttes progressistes comme le féminisme sont une fois de plus utilisées par l’Etat pour accroître son appareil répressif, ici, envers les personnes musulmanes et supposées. Par ailleurs, Gerald Darmanin qui prétend lutter contre le sexisme et l’oppression faite aux femmes paraît particulièrement méprisant et hypocrite de la part d’un représentant de l’Etat accusé de viol.

De plus, Darmanin ajoute que « désormais, les préfets pourront réformer un certain nombre de décisions des collectivités locales concernant les associations manifestement communautaristes  ». Cependant, dans quelle mesure une association est-elle définie comme étant « communautariste » ? Il paraît important de rappeler que le terme communautariste est constamment brandi par l’extrême droite pour stigmatiser et discriminer les personnes musulmanes et prétendues comme telles, ainsi que les habitants des quartiers populaires. De plus, « chaque association devra signer un engagement selon lequel elle respecte les valeurs de la République », sous peine de se voir couper les subventions publiques. Le texte de loi facilite donc le contrôle et la dissolution des associations, ce qui est une attaque majeure aux droits démocratiques, comme nous avons pu le voir avec la dissolution de l’association Barakacity, qui venait en aides aux personnes musulmanes.

Ainsi, au nom de ce que le ministre de l’intérieur appelle « une carence républicaine », le texte vient donner au préfet les moyens de dénoncer et contester plus facilement l’action du maire, « en lui demandant de supprimer les dispositions non conformes aux valeurs de la République. Et si ce dernier ne le fait pas, le préfet reprend la main, sous le contrôle du juge. » En d’autres termes, au nom de la laïcité et « des valeurs républicaines  », ce texte de loi vient renforcer les mécanismes les plus répressifs et anti-démocratique de la cinquième République. En effet, le préfet n’est pas élu au suffrage universel comme le sont les maires, mais il est nommé par le président de la République, et son rôle est notamment de diriger la force armée de l’Etat, à savoir la police et la gendarmerie.

Quant à l’article 42 du texte, il permettra d’accélérer les condamnations des délits relevant de « la haine en ligne », qui selon l’article 24 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse sont déjà répréhensibles : à savoir les provocations aux crimes, les appels à la haine et à la discrimination ainsi que les incitations à la violence. Le projet de loi permettra que les personnes accusées de ces actes puissent être jugées en comparution immédiate. En d’autres termes, au nom de la lutte contre le terrorisme, cet article vise une fois de plus à renforcer l’appareil répressif du gouvernement. De plus, il se place dans la droite lignée de la loi Avia, jugée liberticide, adoptée au mois de mai. et pourrait venir combler la censure du conseil constitutionnel envers celle-ci.

En ce qui concerne la question de l’éducation, ce nouveau projet de loi viendra notamment interdire la scolarisation à domicile, dans le but de « lutter contre les écoles clandestines ». Alors que la loi actuelle autorise l’instruction en famille sans que les parents n’aient à fournir de motif ou justification, tous les enfants de 3 à 16 ans seront obligés de se rendre dans un établissement public ou privé. Seules certaines dérogations seront accordées « pour des motifs très limités tenant à la situation de l’enfant ou à celle de sa famille. ». Alors qu’aujourd’hui, seulement 50 000 enfants suivent l’instruction à domicile sur 12 millions d’élèves (soit 0,5%), Emmanuel Macron justifie cette mesure car ce « chiffre augmente chaque année ».

De plus, dès l’âge de trois ans, chaque élève se verra attribuer un identifiant national, permettant aux autorités académiques de contrôler que cette mesure soit respectée. Cette loi encadre et autorise ainsi le fichage généralisé des élèves. Comme le souligne Médiapart, « en cas de manquements à l’obligation scolaire ou à l’assiduité, une « information préoccupante » pourra être remontée ».

Cette mesure rappelle l’appel à la délation d’élèves de la part du personnel éducatif à la suite de l’assassinat de Samuel Paty pour tout comportement assimilé à de « l’apologie du terrorisme ».

L’Etat continue son offensive répressive et sécuritaire avec « son projet de loi confortant les principes républicains. » Ainsi, au nom de la laïcité et de la lutte contre le terrorisme, l’Etat renforce ses moyens de répression à l’encontre de la population et particulièrement envers les personnes musulmanes et assignées. En effet, au même titre que la loi sécurité globale et la Loi de Programmation de la Recherche (LPR) cette loi vise à opérer d’importantes attaques envers les droits démocratiques et les libertés fondamentales.

Il paraît donc important que les mouvements ouvriers et de la jeunesse se mobilisent contre ces lois islamophobes, racistes et liberticides qui visent toujours à réprimer davantage les classes populaires et les personnes musulmanes et/ou racisées.


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