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Pão e Rosas

Rencontre de plus de 400 femmes et LGBTI au Brésil

Seb Scorza C'est dans un contexte de profonde polarisation de la société brésilienne que s'est réalisée la Rencontre de femmes et de LBGTI organisée par le collectif féministe Pão e Rosas. La récession économique traversée par le Brésil commence à se faire sentir par la hausse du chômage et une vague de licenciements dans le privé. Pour garantir les profits des patrons et le paiement de la dette, le gouvernement a mis en place une « réforme fiscale », qui aura pour conséquences une coupe dans les allocations et l'augmentation des prix des services de première nécessité. La crise du gouvernement PT de Dilma Rousseff et le retour sur la scène politique de la vieille droite néo-libérale pose le nouveau défi, pour les secteurs opprimés, de trouver une troisième voie aux côtés des travailleurs, des travailleuses et de la jeunesse.

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Une Rencontre caractérisée par une forte présence des travailleuses

La nouvelle phase de la crise économique mondiale menace la croissance des pays latino-américains qui a pu avoir lieu ces dernières années grâce au prix élevé des matières premières exportées par la région. Dans ce contexte, les femmes de tout le continent et l’ensemble des classes populaires s’apprêtent à encaisser les premiers effets de la crise, tout en subissant les effets de la violence sexiste au quotidien, la mort pour cause d’avortements clandestins ou le féminicide, dernier maillon d’une violence structurelle envers les femmes. Tous les jours au Brésil, 15 femmes meurent à cause de la violence patriarcale ; toutes les 10 minutes une femme est violée ; tous les ans 860.000 femmes pratiquent des avortements clandestins dans un pays qui n’autorise l’avortement qu’en cas de viol ou lorsque celui-ci met en péril la vie de la femme enceinte. Par conséquent, tous les deux jours une femme meurt des suites d’un avortement clandestin. Paradoxalement, aujourd’hui la région compte trois femmes présidentes au Brésil, au Chili et en Argentine, situation inédite qui met en évidence le fait que la classe dominante a cédé une portion minoritaire aux femmes, à condition que celles-ci restent utiles à sa survie.

C’est dans le but de débattre des perspectives pour les femmes et les LGBTI aujourd’hui au Brésil que plus de 400 femmes et LGBTI de tout le pays se sont réuni-e-s dans les locaux du syndicat des travailleur-se-s du métro de São Paulo. Lors de cette rencontre, les travailleurs et travailleuses ont donné le ton de la discussion, avec des délégations ouvrières de plusieurs secteurs en lutte comme les BIATOSS de l’Université de Sao Paulo, les professeures du secondaire, les travailleuses du métro de Sao Paulo, des employées de banque, des ouvrières de l’agroalimentaire, des salarié-e-s des centres d’appel, des femmes de ménage, etc., en plus d’une centaine d’étudiantes et lycéennes. En plus de la participation de plusieurs autres collectifs féministes, d’autres courants de l’extrême-gauche brésilienne ont envoyé des délégations ou des salutations, comme le PSOL ou encore le PSTU. La Rencontre a aussi compté avec la participation d’Andrea D’Atri, membre du PTS et fondatrice du collectif Pan y Rosas d’Argentine, ainsi que celle de Myriam Bregman, députée nationale pour le PTS.

Chaque secteur présent a partagé son expérience de lutte, que ce soit sur les conditions de travail ou la sous-traitance dans les services à l’Université de Sao Paulo, contre les licenciements massifs et la répression patronale dans l’industrie, contre l’assassinat des LGBTI, dont la lutte pour les droits devient une lutte pour le simple droit à exister. Dans cette perspective, la lutte pour une alternative révolutionnaire et de classe pour les femmes et les LGBTI au Brésil s’est retrouvée au centre des débats. Toutes les présentes ont souligné l’importance de l’organisation des femmes et des LGBTI pour lutter pour leurs droits face aux attaques du gouvernement et en toute indépendance de la droite néo-libérale, c’est-à-dire la lutte des tou-te-s les opprimé-e-s contre la domination patronale et contre toute domination au sein des foyers.

Précarité, violences sexistes, santé des femmes, droits des LGBTI : les campagnes votées par la Rencontre

Après une journée de débats, la rencontre a voté plusieurs résolutions, comme la participation de Pão e Rosas à la manifestation nationale du 18 septembre appelée par les syndicats contre les plans d’austérité du gouvernement et les licenciements dans le privé, dans la perspective d’organiser la solidarité des femmes et des LGBTI avec les secteurs en lutte. Dans ce sens, les mots d’une travailleuse du métro synthétisent très bien la politique à mener : « la lutte des femmes et des LGBTI doit être alliée à celle de toute la classe ouvrière parce que les grèves que les travailleurs et travailleuses du métro et d’autres secteurs ouvriers ont connu dans le passé ont montré que celles-ci ne peuvent pas être victorieuses si elles ne sont pas entourées de solidarité ». Une des revendications les plus exprimées par les délégations présentes a été la lutte contre la précarité des femmes au travail, pour l’embauche de toutes les précaires dans le public. Il s’agit de revendications d’autant plus significatives dans un pays où la précarité porte un visage féminin et tout particulièrement celui des femmes noires.

Alors que les violences sexistes font partie du quotidien de toutes les femmes latino-américaines, la Rencontre a choisi aussi de rendre sien le slogan « Ni una menos ! » des centaines de milliers de femmes qui ont manifesté ces derniers mois en Argentine contre les féminicides, et d’impulser une campagne nationale contre les violences sexistes. C’est également autour du slogan « si vous touchez à l’une d’entre nous, nous nous organiserons par milliers ! que les travailleuses du métro ont réfléchi à comment s’organiser contre le harcèlement dans les stations de métro. Par ailleurs, Pão e Rosas a choisi de participer à la campagne contre la privatisation du métro de Sao Paulo.

La mort de milliers de femmes tous les ans à cause des avortements clandestins met la lutte pour le droit à l’avortementau cœur de la lutte du mouvement féministe sur le continent. C’est pour cela que la Rencontre a aussi décidé d’organiser une campagne pour le droit à l’avortement en lien avec la lutte pour un hôpital 100% public sous contrôle des salarié-e-s et des usager-e-s. Enfin, pour pouvoir travailler, mais également pour avoir le temps de s’organiser politiquement, la lutte pour des crèches dans les lieux de travail et d’étude est fondamentale. Mais les travailleuses présentes ont rappelé que cette revendication ne peut pas être portée que par les salariées en CDI : elle doit donc être étendue aux travailleuses de prestataires ou sous-traitants.

Le poids croissant dans le pays des églises évangéliques ultra-conservatrices, qui s’en prennent aux droits des femmes et aux LGBTI, a aussi posé la question de la manière de résister aux offensives réactionnaires. La présence d’enseignantes lors de la Rencontre a permis de discuter concrètement sur la façon de s’organiser face à la pression qu’exercent aujourd’hui l’Église catholique et les sectes évangéliques pour empêcher l’éducation sur le genre et la sexualité dans les écoles. Lors de la dernière grève historique des enseignant-e-s dans le Sud du pays, plusieurs grévistes avaient effectivement mis en avant le lien entre les revendications salariales et les revendications pour une éducation anti-sexiste qui remette en cause l’idéologie patriarcale à l’école. Enfin, la rencontre a aussi débattu de l’importance d’une campagne nationale contre la LGBTI-phobie et pour une loi sur l’identité de genre.

Un premier pas dans la construction d’une alternative révolutionnaire et indépendante pour les femmes et les LGBTI

La Rencontre a insisté sur la nécessité d’un pôle de classe, indépendant du PT au pouvoir et antibureaucratique, pour lutter à la fois contre les plans de la bourgeoisie et contre les attaques vécues quotidiennement par les femmes, les LGBTI et les noires. Le gouvernement de Dilma et les autres partis de la bourgeoisie brésilienne sont prêts à décharger la crise sur le dos des femmes travailleuses, des noirs et des LGBTI. C’est dans cette perspective que la journée du 18 septembre appelée par les syndicats est une opportunité pour tous les secteurs opprimés de s’exprimer dans la rue aux côtés des travailleurs et travailleuses en lutte. Construire aujourd’hui un puissant mouvement LGBTI et féministe au Brésil comme en France doit être la tâche de tou-te-s les révolutionnaires ; tant qu’on n’aura pas mis fin à un monde où la misère et l’exploitation sont le quotidien de la majorité d’entre nous, notre émancipation restera impossible.

02/09/2015


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