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Justice complice du patriarcat

Rejet de la libération conditionnelle de Jacqueline Sauvage : la justice au service du système

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La demande de libération conditionnelle de Jacqueline Sauvage a été rejetée ce vendredi 12 août, par le tribunal d’application des peines de Melun. La « grâce partielle » symbolique que François Hollande lui avait accordée en janvier n’a changé en rien la décision du tribunal. Jacqueline Sauvage est condamnée à rester en prison, pour avoir tué un mari violent envers elle et ses enfants pendant plus de 47 ans.

Manon Véret-Gay

La prison pour mieux « réfléchir » : la justice du système

Béatrice Angelelli, procureure de Melun, a annoncé le rejet de la demande de libération conditionnelle de Jacqueline Sauvage. Le tribunal justifie précisément sa décision (une quinzaine de pages) mettant en cause la mobilisation qui l’a soutenue : « l’importante médiatisation de son affaire rend difficile une authentique démarche de réflexion pour Mme Sauvage, qui est encouragée à se cantonner dans un positionnement exclusif de victime, sans remettre en question son fonctionnement psychique personnel et sans s’interroger sur sa part de responsabilité dans le fonctionnement pathologique de son couple ».

Les avocates de Jacqueline Sauvage rapportent clairement ce que le tribunal lui reproche : « ne pas avoir confirmé qu’elle avait finalement choisi de commettre ces faits et ne pas assez s’interroger sur son acte. ». Ces déclarations sont une offense de plus pour une femme qui a subit les violences physiques, psychologiques et sexuelles de son conjoint pendant 47 ans, ainsi que pour ses filles, et tous ses soutiens. Réagir face à un homme violent n’est pas un choix, c’est de la légitime défense. Si dysfonctionnement psychique personnel il y a, si réflexions personnelles il doit y avoir, pense-t-on réellement qu’elle peut se faire en prison, enfermer entre quatre murs, loin de ses filles notamment, qui ont enduré les mêmes souffrances qu’elle ? Mais en réalité, ce que la justice ne veut surtout pas faire, c’est reconnaître la femme victime, car ce serait ébranler les fondements patriarcaux de notre société.

La libération de Jacqueline Sauvage avait pour condition « l’évaluation de sa dangerosité ». Il existe pour cela un Centre national d’évaluation à la prison de Réau, dans lequel elle a été transférée et demeure toujours. Elle a dû se soumettre à une expertise psychologique et médicale, puis son dossier a été transmis à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, qui a émis un avis défavorable à sa libération (cet avis reste consultatif). Si le juge ne qualifie pas Jacqueline Sauvage de profil dangereux et écarte tout risque de récidive, il ne remet pas pour autant en cause son incarcération.

Victime de son mari, victime du système patriarcal

Le rejet de sa libération se base donc sur une sorte de « morale », défendue par cette même justice qui a laissé Jacqueline Sauvage et ses enfants subir des violences pendant 47 ans qui lui intime l’ordre de « s’interroger sur son acte ». S’ajoute à cette raison son projet de vie jugé « [ne favorisant] pas cette réflexion ». Jacqueline Sauvage avait en effet pour projet d’aller vivre chez l’une de ses filles à sa libération. Mais le logement étant à 15 kilomètres du « lieu des faits », les avocates rapportent qu’elle « ne peut prétendre vivre […] dans un environnement qui compte tenu des soutiens dont elle bénéficie risquerait de la maintenir dans une position victimaire. » En d’autres termes, cette « position victimaire » l’empêcherait de mieux réfléchir à sa soi-disante culpabilité. Jusqu’à ce que ce soit aux juges de décider où elle doit vivre à sa sortie de prison !

Non, Jacqueline Sauvage n’est définitivement pas victime aux yeux de la justice. Le parquet, favorable à sa libération, a déjà annoncé qu’il va faire appel à la décision du tribunal. Pour l’instant ses avocates ne l’excluent pas non plus, car les procédures pourraient selon elles, l’avoir fatigué et lassé.

Après la violence du mari, c’est la violence de la justice qui s’exprime à travers le procès de Jacqueline Sauvage, et qui touche tant d’autres femmes. Cette justice au service du système est encore loin de faire régner « l’égalité homme-femme » que prônent pourtant les institutions. En réalité, cette égalité n’existe que sur le papier. Ce sont des centaines de femmes qui subissent au cours de leur vie des violences conjugales, et bien trop peu d’entre elles obtiennent justice. Car cette justice a bien du mal à considérer la légitime défense comme un droit lorsqu’une femme en fait usage face à son conjoint. Pour Jacqueline Sauvage et toutes les autres, luttons toutes et tous ensemble contre ce mépris de justice, pour une vie libérée des violences.


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