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Tribune d’un ancien lycéen

Refusons la mise au pas de la jeunesse scolarisée souhaitée par Macron

Depuis cette rentrée scolaire de 2018, on assiste à un rapprochement dangereux et de plus en plus explicite entre l’armée, la police et l’éducation nationale.

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Photo : lycéens interpellés et mis à genoux à Mantes-la-Jolie, le 7 décembre dernier

La forte répression et son extrême violence qu’ont subi les lycéens au moins de décembre, dans le contexte de mobilisation des gilets jaunes, est l’expression de la politique gouvernementale envers la jeunesse. Un processus de militarisation de l’école et de répression de la jeunesse est entrain de se dérouler. Celui n’est pas indépendant de la crise politique profonde révélée par les Gilets Jaunes.

Militarisme à l’école : une justification de l’impérialisme Français

L’école et l’armée, une relation intime

L’école et l’armée sont intiment liées dans l’histoire de la France ; les intentions principales derrière l’instauration de l’instruction publique obligatoire par la loi Ferry sont simples, il s’agit d’induire un sentiment d’appartenance nationale afin de créer des millions de soldats pour les guerres impérialistes en apprenant l’histoire romanisée du pays, mais surtout, il s’agit d’apprendre la langue française dans lequel seront criés les ordres militaires. Il s’agit aussi d’arracher les jeunes hommes de l’industrie lourde qui les exploitent mais surtout, les usent : « Un enfant qui porte une pioche à 4 ans ne porte pas de fusil à 18 ans ». Ce modèle de l’école endoctrinée au militarisme à prévalu jusqu’à la dissolution du bloc de l’est, mais déjà le discours militaire trouvait difficilement justification, et la nécessité économique a poussé l’État à abandonner le service militaire en 1997 au profit de « l’éducation civique » du bon citoyen afin de le préparer au « nouveau monde ». Cependant le lien avec l’armé ne sera jamais rompu avec la mise en place des Journée Défense et Citoyenneté obligatoires, qui donnent l’occasion d’une journée de propagande condensée.

Le lien entre l’armée et l’école n’a jamais était rompu non plus dans les programmes scolaires où il suffit d’ouvrir un manuel d’histoire pour le constater. On peut aussi voir le sujet du brevet 2017 où les élèves de troisième devaient rédiger une note dans laquelle ils étaient « chargé(e)s de réaliser une note pour présenter une mission de militaires français sur le territoire national ou à l’étranger ». En plus de devoir montrer que « l’armée française est au service des valeurs de la république et de l’Union européenne », il n’était ici évidemment pas question que les élèves exercent la moindre critique sur ces interventions.

En réalité, ce lien intime entre l’enseignement et l’institution militaire reste une nécessité pour, d’une part, justifier les ingérences impérialistes de la France et de ses partenaires stratégiques, et obtenir le consentement de la population dès le plus jeune âge sous couvert de « maintien de la paix » ou de « mission de défense ». Tout cela malgré les innombrables crimes commis par ses interventions. D’autre part, il s’agit de répondre aux besoins immédiats de l’armée et de la police en agents de répression directe aussi bien sur le territoire intérieur qu’extérieur, et par la même, d’assurer le consentement de la population aux opérations de police.

Le retour du militaire à l’école

Il est clair que l’on assiste depuis le début du quinquennat Macron à un retour en force du militaire dans l’école, en démontre le sujet du brevet 2017. En effet, Macron, qui pendant sa campagne affirmait vouloir « inculquer aux jeunes la discipline » a, dans ses projets la volonté de rétablir un service national universel obligatoire pour les jeunes de 18 à 21 ans dans lequel s’effectuera un séjour en caserne, occasion parfaite pour renforcer l’endoctrinement.

Ce processus s’est notablement accéléré en cette rentrée, notamment avec l’affaire dite du « pistolet » qui a donné une occasion parfaite à Blanquer pour présenter son « plan d’action », qui est un saut qualitatif sécuritaire et militaire sans précédent.

Ce tournant prend aussi corps dans la conjoncture de crise politique que connait le gouvernement, et plus profondément les institutions des classes dominantes. Il s’agit dans ce contexte de « discipliner » la jeunesse, à la sauce réactionnaire de Macron.

En plein crise politique, remettre la jeunesse au pas

Accentuation de l’appareil répressif interne

Suite à l’affaire du pistolet, le gouvernement s’est saisi de l’occasion pour très rapidement déployer son programme de militarisation de l’enseignement aux mots d’ordres réactionnaires tels que « Rétablir l’ordre », ou encore la « reconquête républicaine », dans le but de se déresponsabiliser totalement de la violence sociale qui s’exprime aujourd’hui au sein des établissements en criminalisant et stigmatisant les élèves. Dans son plan d’action présenté très rapidement après la polémique, Blanquer ouvre les établissements scolaires au personnel de police et aux militaires, il évoque par la même la possible mise en place d’établissements spécialisés, avec la présence de personnel éducatif mais également de personnel militaire ou de police. Ceci afin de les « remettre sur les rails, en montrant la rigueur de la loi et les valeurs de la République », autant dire des pénitenciers de rééducation qui ne feront qu’accroître la ségrégation sociale des populations les plus opprimées, tout cela sous prétexte « d’insécurité ». Mais cette violence qui s’exprime à l’école est la conséquence directe des politiques de destruction de l’éducation publique : coupes budgétaires, suppression de postes de fonctionnaires, sélection à l’université, réforme du bac – que dénoncent une majeure partie des enseignant depuis des années.

Cette politique ultra-sécuritaire engagée par le gouvernement a deux objectifs directs. D’une part, il s’agit de développer matériellement les moyens de répression envers les étudiants, de les réprimer lorsque ceux-ci sortent du « droit chemin », notamment quand ils engagent des actions subversives face à l’état, tel que des blocages au sein de leurs établissements scolaires. D’autre part, de rendre banale la présence des agents de répression dans l’enceinte de l’école, et donc par la même, de la rendre normal dans les cahiers de cours.

Aussitôt annoncé en novembre, aussitôt appliqué ; dans les jours qui ont suivi la présentation du plan d’action, c’est un proviseur adjoint, ancien gendarme, qui a été nommé dans un « quartier difficile » ; une semaine plus tard c’est un groupe de proviseurs qui ont suivi un stage militaire dans un camp de la gendarmerie, stage largement médiatisé.

Si bien l’armée et la police entrent de nouveau à l’école physiquement, ils sont accompagnés par les programmes scolaires qui ont été sérieusement réorientés en cette rentrée, pour faire toujours plus la part-belle à l’armée et à la nation.

Une jeunesse subversive qui doit être remise dans « le droit chemin »

Renforcer le contrôle sur les idées

Macron affirmait vouloir « inculquer aux jeunes la discipline », cette affirmation est loin d’être anodine dans un contexte de crise politique profonde où la population en général, mais plus particulièrement la jeunesse, se radicalise et refuse la politique néolibérale dominante, celle d’un monde capitaliste en crise. Une partie de cette jeunesse n’hésite plus à l’exprimer sur les pavés chaque samedi. Face à cela, la vielle propagande basée autour de l’enseignement des « droits et devoirs du citoyen » ne suffit plus à obtenir l’adhésion de la jeunesse à l’idéologie dominante qui est actuellement celle du néo-libéralisme ; cependant, l’adhésion de la jeunesse aux idées dominantes est d’une importance cruciale pour les classes dominantes, encore plus dans une période d’instabilité politique.

Si le discours « civique » ne garantit plus l’adhésion, le gouvernement Macron entend bien « inculquer aux jeunes la discipline » par un dépoussiérage de la propagande patriotique décomplexé afin de « discipliner » la jeunesse sur des bases réactionnaires et nationalistes. En témoigne la vaste opération de bourrage de crâne en CM2, qui fait ouvertement l’apologie de la guerre « juste et républicaine » sous couvert de « paix », de ce qui a été un conflit où des millions de travailleurs aux intérêts communs, de par les frontières, sont allés se faire massacrer sous les ordres de personnes avec qui ils avaient des intérêts antagonistes, toujours sous couvert de « paix », et de défense de la « patrie ». Le projet de rétablissement d’un service « national universel » obligatoire fait partie intégrante de ce processus de raffermissement du contrôle sur les idées de la jeunesse en l’internant dans des casernes.

La jeunesse radicale, vision d’horreur pour la bourgeoisie

Ce n’est en rien anodin ou secondaire que le gouvernement Macron tente d’éviter cette radicalité en essayant à tout prix de l’étouffer, de la criminaliser, de faire du subversif une chose déviationniste de la morale afin que les jeunes, aveuglés par cette propagande puissent d’eux même réprimer ceux qui la refusent, ceux qui refusent la morale républicaine, celle de la classe dominante.

Ce que veut à tout prix éviter la bourgeoisie, c’est de revoir ces vision d’horreurs pour elle, celle de l’énorme mobilisation lycéenne du mois de décembre, ou encore du mouvement contre la loi travail en 2016 où les lycéens s’organisaient par eux-mêmes en dépassant le cadre que les organisations de jeunesse voulaient leurs imposer, et rentraient rapidement en conflit direct avec l’Etat en bloquant et en affrontant la répression des forces de l’ordre partout en France. Ce qui effraie les classes dominantes, c’est la possibilité d’une généralisation de cette subversion à l’ensemble de la jeunesse.

Si la bourgeoisie est aussi terrifiée par cette jeune génération au caractère subversif, c’est qu’elle a conscience qu’historiquement, la jeunesse a souvent été l’avant-garde et a pu jouer le rôle de détonateur du mouvement ouvrier. La bourgeoise n’a en rien oublié l’épisode de mai 1968 et le rôle détonateur qu’a joué la jeunesse de l’époque. Elle n’a pas non plus oublié l’année 1986, ou, encore plus récemment, l’année 2006, où elle a tenté de faire passer son Contrat Première Embauche (CPE), mais s’est fracassée les dents face à la jeunesse. Elle n’a pas non plus oublié le rôle de cette jeunesse qui a donné vie au mouvement contre la loi travail jusqu’au bout, là où les directions syndicales cherchaient toutes à sortir du mouvement par la porte de derrière, Matignon, au mépris de la combativité des travailleurs.

Face à ce nouveau rapprochement entre l’armée, la police, la gendarmerie et l’école en général, il nous faut exiger clairement l’arrêt de l’étude de la Défense dans les programmes scolaires. Il faut s’opposer à cet endoctrinement des élèves et à l’obligation des enseignants d’enseigner ces valeurs réactionnaires. Notre morale, c’est de dénoncer cette politique interventionniste et guerrière de la France impérialiste en Afrique et au Moyen-Orient, pas de les cautionner, ni d’endoctriner nos élèves pour y adhérer ! Nous devons aussi nous opposer à toute criminalisation de l’opposition de la jeunesse face aux gouvernements qui appliquent les mêmes recettes néolibérales depuis des années qui conduisent les jeunes générations dans le mur.


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