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Quand le désespoir déborde...

Quimper : cinq agriculteurs en garde à vue après une manifestation spontanée

« S’il y a trop de chômeurs, y’aura du désordre. Il faudra des policiers pour maintenir l’ordre. Hitler le disait déjà « un chômeur c’est pas rentable, un soldat ça coûte moins cher et c’est bien plus raisonnable » Gilles Servat chanteur et poète breton. Léo Serge

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Ce jeudi 11 février, peu avant minuit, une vingtaine de tracteurs et environ 50 manifestants sont entrés dans la ville de Quimper et se sont dirigés vers la Chambre d’agriculture. Ils ont amoncelé un important tas de paille, de fumier, de pneus et de déchets juste devant l’entrée de la chambre d’agriculture. Les manifestants, ne se réclamaient d’aucun syndicat agricole, et ont entrepris de mettre le feu à ce tas. Les CRS sont alors intervenus pour mettre fin à la manifestation et pour permettre l’extinction du feu. Selon la préfecture, l’entrée du bâtiment est « bien dégradée ». La cible est symbolique, il ne s’agit pas seulement de viser l’État mais aussi ses bras droits organisés dans la filière, les gros agriculteurs propriétaires qui collaborent et dirigent les syndicats agricoles.

Au cours de la répression, cinq tracteurs ont été saisis et cinq agriculteurs ont été placés en garde à vue. C’est une première dans une manifestation agricole depuis fort longtemps. On voit que dans ce cas le gouvernement n’hésite pas à réprimer, comme pour tous les autres mouvements sociaux. Plutôt que de chercher à apporter des solutions aux causes de cette colère qui se manifeste par des suicides, des faillites, le gouvernement préfère réprimer.

Le président de la Chambre d’agriculture André Sergent, véritable représentant de la grosse paysannerie plutôt que de défendre ces agriculteurs désespérés, déclare au média : « Ils ont détruit le hall d’entrée ». Ce « syndicaliste » était en réunion dans la soirée de jeudi avec d’autres agriculteurs à Brest.

Depuis plus d’un an la crise agricole est particulièrement aiguë en Bretagne, où se concentrent les élevages porcins et laitiers dont les prix se sont effondrés. La grande distribution, principale débouché, achète en effet bien en dessous du prix de revient des agriculteurs – c’est à dire du prix pour équilibrer dépenses et recettes.

Sergent est bien obligé de reconnaître que la situation sur le terrain n’est plus maîtrisée par les syndicats agricoles de droite, qui défendent avant tout les intérêts des gros agriculteurs et de leurs alliés gouvernementaux et de la grande distribution : « Je sais, en tant qu’agriculteur, que c’est extrêmement tendu sur le terrain, qu’on a des situations de détresse complète dans nos campagnes, beaucoup n’entendent plus rien ». Les agriculteurs partent sans aucun mot d’ordre syndical, sans revendication claire.

Un tel débordement des syndicats par leur base est relativement inédit. Il laisse des opportunités au mouvement ouvrier pour essayer de toucher l’esprit et le cœur des paysans qui luttent pour leur survie.

La FNSEA – principal syndicat agricole, de droite, a trahi une fois de trop : elle s’est empressée de prendre en main les négociations avec le ministère, de ramener les revendications des éleveurs sur le terrain des « charges » et des « contraintes », de s’entendre avec le ministre de l’agriculteur Stéphane Le Foll pour mettre en avant la « compétitivité ». De fait, ces négociations ont enterré l’idée d’un prix minimum, notamment pour le porc. Ce sont les principaux transformateurs, le privé Bigard et la coopérative Cooperl, qui ont refusé d’augmenter leur prix d’achat. Non seulement le gouvernement a capitulé, mais les « représentants officiels » ont donné un coup de poignard dans le dos : le 24 septembre, la section porcine de l’Union des producteurs bretons annonçait qu’elle renonçait à la revendication de 1,40 euro au kilo « pour préserver l’existence du marché du porc breton ». Seule la coordination paysanne – un autre syndicat de droite – continue à défendre l’idée d’un prix minimum, attirant à soit une partie des « troupes » de la FNSEA.

Prendre pour cible les viandes importées (alors que la France exporte autant qu’elle importe), c’est dresser les uns contre les autres les agriculteurs modestes des différents pays. Tant que les revendications en resteront aux fausses solutions à l’intérieur d’un système qui joue systématiquement contre eux, les agriculteurs, dans cette période de crise économique aiguë, ne pourront trouver de solution à leur expropriation inéluctable par les plus aisés d’entre eux.

Opposer les agriculteurs des différents pays, c’est bien ce que les industriels et les gros capitalistes recherchent. Les usines à viande, à œufs et à lait, que veulent imposer les groupes industriels, reposent sur des élevages hors sol, avec des aliments composés venus de loin et une production qui voyage beaucoup : elles exigent des capitaux importants et peuvent être délocalisées. En raison de cette menace, les revenus des agriculteurs, comme ceux des autres salariés, sont pressurés vers le bas.

La course au gigantisme industriel amène inexorablement les plus modestes, c’est à dire la grande majorité des agriculteurs, à la faillite, à l’augmentation de l’auto-exploitation pour le bénéfice d’autrui. Une partie des éleveurs comprend qu’un prix garanti passe obligatoirement par la maîtrise de la production. Aucune réforme sérieuse du modèle agricole actuel ne pourra se faire dans le cadre du capitalisme. Face aux fausses solutions nationales et au protectionnisme, que véhicule l’extrême droite nationaliste, il faut mettre en avant la seule solution progressiste : une refonte complète des filières, sous contrôle d’une agriculture paysanne, des travailleurs de l’agro-industrie et des consommateurs.

La rédaction de Révolution Permanente se solidarise avec tous les travailleurs qui luttent pour leur survie. Elle estime qu’ils doivent être soutenus. Aussi les 5 agriculteurs en garde à vue doivent être libérés et non pas traînés en justice pour avoir abîmé une entrée d’un syndicat qui au lieu de les défendre, les trahis. La lutte contre les syndicats bureaucratiques et jaunes doit être une priorité dans toutes les branches. Liberté pour les 5 gardés à vue de Quimper !


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