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Ouverture du procès des Balkany

Qui sont les époux Balkany, les plus célèbres politiciens mafieux de France ?

Cela faisait plusieurs années qu’on attendait ça. Le procès des Balkany a commencé ce lundi sans la patronne, hospitalisée. Patrick et Isabelle comparaissent, aux côtés de leur fils et de trois autres personnes, pour une affaire de fraude fiscale et de corruption. Retour sur ce couple qui a marqué la politique française par leurs nombreuses citations dans différentes affaires judiciaires.

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Patrick Balkany, fils d’un immigré juif hongrois déporté. Gyula Balkány a fait fortune après guerre en revendant le matériel de l’armée américaine trop lourd à rapatrier et en ouvrant un magasin de prêt à porter féminin. Isabelle Balkany, né Smadja, est la fille d’un commerçant tunisien qui a fait fortune dans l’import-export et le caoutchouc. Ils se rencontrent en 1976. Isabelle sera première adjointe de son mari et sera également vice-présidente du Conseil général des Hauts-de-Seine et conseillère générale des Hauts-de-Seine. C’est le début des Bonny and Clyde de la politique française.

Après son parachutage comme candidat RPR aux législatives à Auxerre en 1978 et sa défaite, Patrick Balkany a été envoyé à Levallois-Perret en 1983 pour prendre la municipalité des mains du PCF qui occupait la mairie depuis 1965. Cette fois, c’est la bonne, l’ancien acteur prend la mairie et y restera jusqu’en 1995, défait par le candidat chiraquien, lui qui s’était rangé du côté de Balladur. Ça sera le début des ennuis pour le couple.

L’affaire de la COGEDIM

En 1990, éclate l’affaire de la COGEDIM. C’est le plus gros système de fausses factures connu en France, environ 400 millions de francs (61 millions d’euros). Cette affaire qui concerne toute l’Île-de-France, fait de Levallois-Perret l’épicentre du scandale. Pour plusieurs chantiers, dont celui de la ZAC Front-de-Seine à Levallois, les entreprises sous-traitantes surfacturent certaines prestations qui sont payées par le promoteur immobilier COGEDIM. L’argent ensuite disparaissait. Tout le monde y voyait une affaire de financement occulte du RPR. Pourtant, le juge n’est jamais allé dans ce sens. Quand bien même à cette époque Le Canard Enchaîné révélait de nombreuses coïncidences allant dans ce sens. Le journal a mis en cause le couple Balkany qui aurait acheté un duplex de 500m² à moitié prix à la COGEDIM. Carino Cesco, patron d’une entreprise de démolition, CTMT, était passé aux aveux, affirmant avoir surfacturé ses prestations à la COGEDIM, notamment sur le chantier de la ZAC de Levallois-Perret, la mairie ayant accordé 90 000 m² de droits à construire au groupe. Encore aujourd’hui la zone d’aménagement concertée est au centre des affaires des Balkany. En effet, la justice enquête sur la Semarelp, une société d’aménagement immobilier, qui est présidée par… Isabelle Balkany. Une procédure est ouverte pour prise illégale d’intérêts, abus de biens sociaux et favoritisme. Le procès de la COGEDIM ne fera pas de mal à la classe politique puisque mis à part des entrepreneurs seul un élu a été condamné. Cette fois les Balkany sont passés à travers.

Quatre en plus tard, les époux Balkany échappent de peu à la condamnation dans une autre affaire de financement occulte, l’affaire des HLM des Hauts-de-Seine.

L’affaire des HLM des Hauts-de-Seine

Pour obtenir des marchés, des chefs d’entreprises donnaient des dessous de table à l’office des HLM des Hauts-de-Seine. L’argent aurait permis le financement du RPR. L’affaire éclate en 1994. Cette affaire est liée à celle des HLM de Paris. Un témoin sous couvert d’anonymat déclare au juge Halphen que « l’argent recueilli par Francis Poullain grâce aux fausses factures aurait bénéficié à plusieurs hommes politiques du RPR. Ces hommes politiques seraient : Charles Pasqua, Michel Giraud, Michel Roussin, Robert Pandraud, Patrick Balkany. » Ce dernier est mis en examen, d’autant plus qu’il était le président de l’office des HLM des Hauts-de-Seine. Didier Schuller, proche de Balkany et directeur de l’office fuit dans les Caraïbes. En 2005, celui-ci est condamné à 1 an de prison ferme en appel. Patrick Balkany, quant à lui, est relaxé, faute de preuves. Didier Schuller depuis explique qu’il a « payé pour un système et quelques hommes : Jacques Chirac, Charles Pasqua et Patrick Balkany ».

Emplois fictifs à Levallois-Perret et première condamnation pour les Balkany

Le couple Balkany pourrait être le symbole des pratiques du RPR.

Après avoir perdu la mairie contre le candidat chiraquien, Olivier de Chazeaux, la police enquête sur un soupçon d’emplois fictifs. Trois employés municipaux seraient payés par la mairie pour travail au domicile des Balkany. Depuis presque 10 ans ils étaient payé pour être la nounou, la femme de ménage et le maître d’hôtel au service du couple. Ils sont tous deux condamnés à quinze mois de prison avec sursis pour « prise illégale d’intérêts ». Patrick prend également deux ans d’inéligibilité et une amende de 200 000 francs alors qu’Isabelle a une amende de 770 000 francs. La justice soupçonne actuellement le couple Balkany de toujours utiliser pour son compte personnel des employés de la mairie. Un policier municipal serait notamment leur chauffeur personnel.

L’exil aux Antilles et montage financier

Après cette condamnation, Patrick Balkany décide de partir à Saint-Marin où il habite une luxueuse villa, la fameuse villa Pamplemousse. Pour sa défense, le couple Balkany explique qu’ils ne sont que locataires. Cependant le faible loyer fait tiquer les enquêteurs. Alors qu’ils enquêtent sur les HLM des Hauts-de-Seine, ils découvrent qu’entre 1989 et 1991, Patrick Balkany a vendu ses parts de l’entreprise familiale alors que celle-ci bat de l’aile. Il les vend pour 4,7 millions d’euros à une société immatriculée dans le paradis fiscal qu’est le Liechtenstein. Or le loyer de la Villa est versé à une agence qui ne semble pas avoir rétroversé l’argent au propriétaire de la villa, une agence basée également au Liechtenstein. En 2002, après son retour à la mairie de Levallois-Perret, la villa est vendue pour 3,5 millions de dollars. Or en août 2002, deux millions d’euros ont été virés sur un compte off-shore appartenant à une société écran, Belec Etablissement, appartenant à Patrick Balkany. Isabelle Balkany a avoué en 2016 que la Villa lui appartenait et Patrick être le bénéficiaire du compte off-shore.

Pour ce qui est de l’immobilier, les Balkany font office de spécialistes. En effet, ils ont déclaré au fisc que le moulin de Giverny valait 148 000 euros, ne la rendant pas imposable. Or cette propriété de 4 hectares est évaluée à plus de 4 millions d’euros, ce qui la rend de fait imposable. Le couple semble être propriétaire du Riad Dar Gyucy, au Maroc, acheté en 2009 plus de 5,8 millions d’euros, dont 2,5 millions sous la table. Libération explique que cette opération a été « réalisée grâce au savoir faire de l’avocat Arnaud Claude, ancien associé de Nicolas Sarkozy et mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale ». Cette fois, le fils Balkany est mêlé à l’affaire.
Comme nous l’avons écrit en mars de l’année dernière, Alexandre Balkany loue à l’année ce somptueux palace et le prête parfois à papa et maman. Or, ce petit pied-à-terre a été acheté en janvier 2010 par une société panaméenne au porteur, Hayridge, dont l’ayant droit est Jean-Pierre Aubry, l’ancien bras droit de Patrick Balkany à la mairie de Levallois. Les fonds qui ont permis l’achat, le versement d’un dessous de table et les travaux proviennent d’un compte à Singapour détenu par une autre société panaméenne au porteur, Himola, contrôlée par ce même Aubry. Deux hommes d’affaires proches de Balkany ont alimenté le compte Himola. Georges Forrest, richissime industriel minier du Katanga, y a versé 5 millions de dollars. Mohamed Al-Jaber, un milliardaire saoudien un temps candidat à un projet immobilier de plus d’un milliard à Levallois y a également mis de sa poche.

Balkany se défend en expliquant que le Riad appartient à Al-Jabber, or celui-ci n’y a jamais mis les pieds, contrairement à notre bon Patrick, qui l’a visité avant son achat et a discuté de son prix avec le propriétaire. Libération explique que « pour prouver leur bonne foi, les époux sont allés jusqu’à transmettre à la justice des contrats de location fournis par leurs fils Alexandre. Des contrats « fictifs », selon les magistrats, uniquement destinés à « dissimuler à l’administration fiscale ce bien immobilier et d’échapper ainsi à l’impôt de solidarité sur la fortune ».

Levallois-Perret : entre gestion dramatique des finances et détournement de fond

Déjà en 1995, Levallois-Perret était empêtré dans des affaires douteuses d’un point de vue financier. Quatre associations et une société satellite de la commune auraient permis de détourner des fonds publics. Comme l’explique Franceinfo, les magistrats « découvrent que l’Institut municipal des sports possède un compte bancaire occulte sur lequel sept millions de francs ont transité en trois ans. De nombreux retraits en liquide auraient servi à payer "au noir" les boxeurs qui venaient combattre à Levallois pour le plus grand plaisir du maire, grand amateur de boxe. Mais certaines sommes semblent avoir disparu. On sait juste que Patrick Balkany disposait de la signature sur ce compte bancaire ».

La magistrate explique que le « système de détournements de fonds massifs, qui profitaient à des proches de Patrick Balkany nommés par lui à des postes clés ». Elle a été mise sous protection policière après des menaces. Patrick lui même l’aurait menacée lors d’une audition. Pendant l’investigation son domicile a été cambriolé plusieurs fois et « sa voiture dégradée alors qu’elle travaillait à Levallois » explique Franceinfo.

Le journal explique que lorsqu’Olivier de Chazeaux était à la mairie le préfet l’a convoqué pour lui signifier que les comptes étaient dans le rouge et qu’il avait le choix entre une mise sous tutelle ou mettre en place un plan de redressement. Ce dernier a opté pour la seconde solution, avec notamment une hausse des impôts. Lors de son mandat, la dette a baissé, mais quand les Balkany sont revenus la dette de la ville est repartie à la hausse. Levallois-Perret étant à ce jour la ville la plus endettée de France. Franceinfo met en avant que la Cour des comptes a régulièrement pointé sa gestion « opaque ».

Les années 2010 : on reprend les bonnes vieilles méthodes

Patrick Balkany a créé son micro-parti : le Rassemblement pour Levallois (RPL). D’après la cellule investigation de Radio France, entre 2010 à 2014, le RPL a reçu environ 240 000 euros en chèques supérieurs à 1 000 euros. Ces sommes viennent quasiment toutes de dirigeants de sociétés qui ont gagné des marchés publics à Levallois. Franceinfo explique que parmi eux, on retrouve « le patron d’une entreprise de nettoyage, des responsables de sociétés de promotion immobilière qui mènent des chantiers à Levallois, le dirigeant d’une entreprise de démolition régulièrement sollicitée par la commune ou les deux actionnaires d’un groupe de maisons de retraite implanté à Levallois ». L’exemple le plus flagrant est la Sepur qui conserve son marché du nettoyage des rues en 2010. « Huit mois plus tard, cinq dirigeants de la société font tous le même chèque de 1 500 euros au profit du RPL à quelques jours d’intervalle ».

Un train de vie princier

Les époux Balkany n’ont jamais manqué d’argent. De fait leur train de vie en est représentatif même en tant que maire et première adjointe. Lors que la police vient perquisitionner le moulin de Giverny, ils découvrent des billets de 500 euros dans les poches de peignoir. Isabelle Balkany avait pour habitude de se rendre au supermarché et d’aller voir la patronne pour échanger ses billets de 500 en petites coupures. Les juges du pôle financier y ont découvert des toiles de maître qui vaudraient selon les experts « plusieurs millions d’euros ». Il semblerait que les époux Balkany aient oublié de les déclarer à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Une déclaration pourtant obligatoire pour les œuvres estimées à plus de 10 000 euros.

En 2015, d’après Libération, le maire de Levallois et sa femme posséderaient « au moins trois 4 x 4 », estimés entre 35 000 et 72 000 euros chacun. Sur sa déclaration de patrimoine, il n’a déclaré qu’une mini Audi au nom de sa femme. Patrick Balkany ne déclare que 85 000 euros de revenus annuels, or le journal révèle que « ses seules dépenses liées à des emplois à domicile tournent autour de 120 000 euros ». Entre 2010 et 2011, il aurait dépensé 24 500 euros en espèces auprès d’une agence de voyage afin de se rendre à Marrakech.

D’autres procès pour les Balkany ?

Si le "gang" Balkany passe en procès pour une affaire de fraude fiscale et de corruption. Ils pourraient également être jugés dans d’autres affaires. Une enquête a été ouverte pour détournement de fonds publics en 2014. Il s’agit d’un contrat de 192 000 euros passé entre Levallois et la société Bygmalion. L’agence a été créée en 2008 par deux proches de Jean-François Copé. Ils auraient surfacturé des prestations à l’UMP. Libération révèle que sur les 18 millions d’euros de prestations facturées à l’UMP, certaines n’auraient jamais eu lieu. L’avocat de Bygmalion confirme l’émission de 10 millions d’euros de fausses factures à la demande de l’UMP. Le Monde explique que le but été de masquer le dépassement de frais de campagne de Sarkozy pour les présidentielles de 2012. Médiapart estime que le montant pourrait s’élever à 17 millions. La justice se questionne donc sur la réalité des prestations offertes par Bygmalion à la mairie de Levallois.

La justice enquête également sur des soupçons de favoritisme pour un marché de reconstruction et d’entretien d’un collège de Courbevoie en 2008, alors qu’Isabelle Balkany était vice-présidente du département chargée des collèges. Cette dernière est inquiétée dans deux enquêtes sur la gestion de la société Semarelp dont elle est présidente, au sujet des bords de Seine. D’après l’association des contribuables de Levallois, « rien que l’affaire des tours du bord de Seine, ça a dû coûter 100 millions d’euros à la ville ». On retrouve dans cette affaire le cheikh saoudien Al Jaber qui a trempé dans l’affaire du Riad Dar Gyucy. Il devait construire deux tours jumelles de 164 mètres de hauteur mais elles n’ont jamais vu le jour puisqu’il n’a jamais versé le moindre centime à la ville.

Le jugement des Balkany ne doit pas être seulement leur procès. On l’a vu, la plus part de leurs pratiques l’ont été à l’échelle de leur parti, le RPR puis l’UMP, et plus généralement à l’image de toute la clique de politiciens professionnels dont ils font partie. Les deux plus grands bandits de la politique française sont sur le banc des accusés mais ne sont pas encore condamnés. On l’a également vu, ils arrivent toujours à s’en sortir d’une manière ou d’une autre à l’image des politiciens corrompus comme Sarkozy et Coppé qui ont été blanchis dans l’affaire Bygmalion, de même que Tibérie dans les affaires des HLM de Paris. La justice n’hésite pas à condamner à de la prison une personne qui vole un fromage dans un super marché ou bien un Gilet Jaune qui vient manifester. C’est par contre beaucoup plus compliqué lorsqu’ils s’attaquent à ceux qu’ils défendent habituellement. Il semblerait tout de même que ça soit très mal engagé pour les Balkany et s’ils sont condamnés, il ne faut en aucun cas s’attendre à ce que les politiques cessent leurs pratiques frauduleuses.

Crédits photo : LIONEL BONAVENTURE AFP


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