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Rapport Spinetta

Qui est Jean-Cyril Spinetta, l’homme qui veut détruire la SNCF et le statut de cheminot ?

Le rapport Spinetta est tombé et préconise, comme on s'y attendait, le démantèlement de la SNCF afin de l'ouvrir à la concurrence et d’en finir avec le statut de cheminot. Mais qui est donc Spinetta, cet homme sensé rendre un rapport objectif sur la SNCF ? "Un tueur dans les affaires" au service du patronat.

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Crédits photo : vu sur bfmbusiness.bfmtv.com

Jean-Cyril Spinetta est tout droit sorti de l’École Nationale d’Administration. Comme la quasi totalité des personnes passées par cette école d’élite, il n’a fait qu’œuvrer pour les dominants et a travaillé dans les plus grandes entreprises de l’hexagone. Sur les bancs de l’ENA, de la promotion « Charles de Gaulle », il a pu fréquenter Alain Juppé ou Dominique Perben, entre autres.

Quelques recherches sur Spinetta révèlent que les moments où il a fait partie du conseil d’administration d’une société correspondent presque toujours à des périodes de licenciements massifs

PDG de la privatisation d’Air France

De Septembre 1997 à décembre 2008, il a été Président-directeur général du Groupe Air France. Il a été le principal organisateur de la privatisation partielle de la société, puis du rapprochement avec KLM, qui va finir de privatiser Air France. Tout le long de son mandat, il tentera de casser les conquêtes sociales des personnels.

Il se retrouve au cœur d’un des plus virulents conflits entre la direction et ses pilotes depuis 1971. A la veille de la coupe du monde, les pilotes d’Air France se sont mis en grève, 75 à 90% des vols sont annulés. Les raisons ? Jean-Cyril Spinetta, alors PDG de la compagnie, estime qu’une économie de 500 millions de francs sur les rémunérations des pilotes est indispensable à la santé financière d’Air France ; pour ce faire, la direction demande un échange « salaires contre actions », et veut mettre en place une double échelle des salaires pour les pilotes nouvellement embauchés.

Sur TF1, Christian Paris, le porte-parole du SNPL, venu répondre à Jean-Claude Gayssot, ministre des Transports, expliquait à l’époque que « Cela fait dix ans qu’on fait des sacrifices et que l’entreprise est en restructuration. Aujourd’hui, le redressement est acquis et nous trouvons que le moment est bien mal choisi pour demander aux PNT de réduire de deux mois leur salaire annuel. Nous sommes pour que l’entreprise achète pour 40 milliards de francs d’avions nouveaux, pour rentabiliser les troisième et quatrième pistes de Roissy. Mais pas d’accord pour que tout cela soit financé sur la baisse de nos salaires, ce qui n’est qu’une méthode pour rendre la compagnie plus attractive à la veille de l’ouverture du capital. »

En effet, pour l’année 1996-1997, le Groupe Air France dégage un bénéfice de 394 millions de francs soit environ 60 millions d’euros. La seule compagnie Air France dégage un bénéfice net de 211 millions de francs soit 32 millions d’euros. Trois ans plus tard, Jean-Cyril Spinetta poussera une nouvelle fois les pilotes à faire grève.

En 2002, à la veille de la fusion avec KLM, six syndicats appellent à faire grève pour réclamer une augmentation globale des salaires de 10 %, alors que la compagnie aérienne préparait sa privatisation complète. Entre les 6 et 9 septembre, plus de la moitié des vols ont été annulés.

En novembre 2008, soit un mois avant le départ de Spinetta, les pilotes se remettent en grève pour protester contre le projet de report de l’âge maximal de départ à la retraite des pilotes, de 60 à 65 ans. Ils obtiendront partiellement gain de cause et conserveront la possibilité de cesser leur activité à 60 ans. Seuls ceux qui le souhaitent poursuivront leur carrière entre 60 et 65 ans.

Spinetta est chargé de la restructuration du groupe, après le rachat du hollandais KLM en 2003. Alors que la direction annonçait qu’il n’y aurait pas de suppression d’emplois avec cette fusion, grâce notamment à desinvestissements de l’État, entre 2003 et 2012, ce sont plus de 6 000 postes qui ont été supprimés.

Spinetta a donc été pendant sa présidence du groupe le principale responsable de la casse d’Air France à travers la suppression de milliers de postes et la destructions des conquêtes sociales. Et, tel un mercenaire au service du patronat, il ne va pas s’arrêter là.

Des plans de licenciements massifs chez Alcatel et Areva

En 2007, Spinetta fait partie du conseil d’administration d’Alcatel-Lucent et prépare un vaste plan de licenciements. Le groupe supprimera 12 500 emplois sur ses 79 000 salariés. En 2008, il est le 41ème patron le mieux payé de France avec 1,5 M€.

En 2009, il est nommé président du conseil de surveillance d’Areva jusqu’en 2013, où il va côtoyer Édouard Philippe, directeur des affaires publiques d’Areva entre 2007 et 2010, et l’un des responsables du scandale d’Uramin. Il participe activement à la vente de la division Transmission et Distribution du groupe à Alstom et Schneider pour 4,090 milliards d’euros. Il organise le licenciement de plus de 2 900 salariés dont près de la moitié en France. Le 11 décembre 2012, l’Observatoire du nucléaire accuse Areva de corruption ; mais le groupe arrive à faire condamner l’Observatoire pour diffamation. En tant que président du conseil de surveillance d’Areva, Spinetta était en première ligne dans cette affaire.

La Poste et GDF Suez : tour de chauffe avant la SNCF

Jusqu’en 2008, Spinetta siège au conseil d’administration de La Poste, qui connaîtra une fuite en avant vers la privatisation. C’est à cette époque que La Poste développe sa branche bancaire, et que la branche courrier est ouverte à la concurrence. En 2010, La Poste devient une société anonyme. La ressemblance entre l’évolution de La Poste et les projets du rapport Spinetta sur la SNCF est frappante. La fin du statut de cheminot fait écho aux restructurations de La Poste, qui compte aujourd’hui moins de 50% de fonctionnaires ; de même, l’ouverture à la concurrence et le passage en société anonyme, le tout accompagné de suppressions d’emplois sont autant de mesures prises à La Poste que l’on retrouve aujourd’hui dans le rapport. Spinetta était également au conseil d’administration de GDF Suez, qui a connu la même évolution : en 2004, le groupe GDF passe en société anonyme, puis fusionne en 2008 avec Suez, et, comme ce fut le cas pour Air France et KLM, cela provoque la privatisation de l’entreprise. Comme pour Air France, la direction avait soutenu qu’il n’y aurait pas de suppressions de postes, mais depuis, plusieurs vagues de licenciement ont eu lieu et GDF Suez (devenue Engie) continue de licencier.
Selon RFI, Spinetta est considéré « comme un tueur dans les affaires » ; on constate que cette réputation est largement méritée.

Une enquête pour malversations financières

Jean-Cyril Spinetta a évité de justesse une mise en examen pour « blanchiment de fonds en bande organisée, travail dissimulé, complicité de corruption passive, de trafic d’influence et d’abus de biens sociaux ». Les faits remontent à l’époque où il était PDG du Groupe Air France. Après le 11 septembre 2001, la compagnie fait appel à une société de sécurité privée, Pretory. Un contrat très lucratif pour cette société, pourtant inconnue dans ce secteur.

Dans les colonnes du Monde, Jean-Paul Baduel, avocat du collectif UTA, actionnaire minoritaire d’Air France et partie civile, explique que ce sont « 42,5 millions d’euros ont été versés par Air France à Pretory en seize mois, entre septembre 2001 et mars 2003 et une bonne partie de cet argent s’est évaporée ».

Air France est le principal client de Pretory, chargé de la sécurité du patrimoine de la compagnie aérienne, et de la protection de… Spinetta.

L’enquête a été lancée après que la cellule contre le blanchiment d’argent ait tiré a sonnette d’alarme sur des flux financiers suspects à la hauteur de 10 millions d’euros liés à Pretory. En poussant les recherches, les enquêteurs ont constaté que l’essentiel des salaires étaient payés illégalement par des sous-traitants domiciliés dans des paradis fiscaux en économisant sur les charges sociales et fiscales. Les bénéfices retirés étaient empochés par les dirigeants de Pretory.

Le rapport avec Air France ? C’est Joël Cathala, directeur de la sûreté d’Air France et ancien policier de la Police de l’air et des frontières, qui aurait été à l’origine du choix de la société. Or ce dernier est un ami de longue date de Jacques Gaussens, fondateur et président de Pretory, et a été le témoin de mariage de deux des actionnaires de la société. C’est bien évidemment Spinetta qui a dû signer le contrat et donner son aval à cette petite affaire.

Spinetta est donc au service du patronat depuis 20 ans. Il a été le chef d’orchestre de la privatisation d’Air France, puis s’est mis au service de grandes entreprises de l’hexagone comme Alcatel ou Areva pour préparer des plans de licenciements à grande échelle. Fort de son expérience à Air France, il a initié la privatisation et l’ouverture à la concurrence de La Poste et de GDF Suez, pour le plus grand bonheur des actionnaires et le plus grand malheur des fonctionnaires et salariés. Le rapport Spinetta commandé par l’État n’a pas d’autre but que de faire appliquer à la SNCF ce qui a été fait à Air France, à La Poste ou à GDF Suez. Si Spinetta ne connaît rien au rail, il s’y connait très bien en casse du service public et en licenciements ,et c’est bien ce que veut ce gouvernement qui a comme cible privilégiée les fonctionnaires et le service public.


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