Il n’y a pas de substitut au syndicalisme de combat

Quelques réflexions sur la défaite syndicale chez Amazon

Tatiana Cozzarelli

Quelques réflexions sur la défaite syndicale chez Amazon

Tatiana Cozzarelli

Le 9 avril, à Bessemer, ville de l’Alabama aux États-Unis, a eu lieu un référendum dans un entrepôt d’Amazon pour savoir si celui-ci allait se doter d’un syndicat. Cette tentative de syndicalisation a suscité un débat d’ampleur nationale et une campagne déloyale de la part d’Amazon. Le jour du vote, deux tiers des travailleurs se sont prononcés contre contre la création d’un syndicat. Dans cet article de Left Voice, nos camarades américains rappellent que cette défaite n’est pas seulement due à des erreurs tactiques, mais doit être imputée à un modèle syndical bureaucratique et hiérarchisé. Pour faire face à la force colossale d’Amazon, rien ne peut remplacer la puissance d’un mouvement combatif issu de la base.

L’effort de création d’un syndicat à Amazon-Bessemer regorgeait de potentiels. Il promettait la création d’un syndicat réunissant le mouvement Black Lives Matter et une lutte pour les droits des travailleurs, afin de s’attaquer à l’une des plus grandes et des plus odieuses entreprises du pays. Peut-être qu’un État du Sud déclencherait à nouveau un mouvement, comme en Virginie-Occidentale et dans l’Oklahoma, Etats qui ont donné le coup d’envoi du printemps syndical des enseignants.
Avec des camarades de Left Voice, j’ai décidé de me rendre à Bessemer, en Alabama, la semaine précédant la fin du scrutin. Alors que je me préparais à y aller, j’ai eu un sentiment étrange. Je n’arrêtais pas de regarder les interviews, mais je ne voyais que deux travailleurs d’Amazon passer en boucle, encore et encore et encore. Ils étaient d’excellents porte-parole, sans aucun doute. Mais où étaient les 5 698 autres travailleurs et travailleuses ?
Je sais à quoi ressemble une lutte dynamique des travailleurs. Il y a généralement des actions menées par de très nombreux salariés pleins de rage et prêts à parler de leur combat. Cela a été le cas lors de certaines des luttes ouvrières dont j’ai rendu compte ces dernières années : la grève de Hunts Point à New York, la grève des enseignants de l’Oklahoma et l’effort de syndicalisation du Hilton avant cela. Lorsque je vivais au Brésil, j’ai vu des travailleurs et des travailleuses mener des actions plus radicales encore, notamment une grève des chauffeurs de bus lors de laquelle ces derniers ont brisé les vitres des bus conduits par des briseurs de grève, et bloqué une grande autoroute. Que ces luttes soient très radicales ou non, l’ambiance dans laquelle toutes ces luttes se déroulent est la même : des travailleurs et des travailleuses remplis de haine de classe, convaincus de leur force dans la lutte ainsi que de leur solidarité les uns avec les autres.
Dans les semaines qui ont précédé mon arrivée en Alabama, j’ai envoyé un courriel au syndicat Retail, Wholesale, and Department Store Union (RWDSU) pour demander un entretien avec un travailleur. Aucune réponse. Alors que la grande presse obtenait des interviews, les médias indépendants ne semblaient pas en avoir. Même Jacobin n’en a pas eu. Où étaient les travailleurs ? Si ces derniers n’étaient pas mobilisés, cela ne présageait rien de bon pour le syndicat.
Dès mon arrivée, j’ai fait du porte-à-porte avec des membres de Democratic Socialists of America (DSA) et de Socialist Alternative. J’ai été impressionnée – ce n’est pas tous les jours qu’un syndicat permet à des gauchistes d’organiser leur démarchage. J’ai vu beaucoup de soutien dans la communauté, en particulier la communauté noire.
Mais je n’ai vu aucun travailleur faire du démarchage.
Le lendemain, je suis allée à la porte de l’entrepôt Amazon. Nous sommes restés dehors et avons brandi des pancartes en solidarité avec le syndicat. J’ai remarqué la rapidité avec laquelle les feux de circulation changeaient, rendant difficile de traverser la rue et certainement de parler aux travailleurs. Après tout, Amazon avait demandé à la ville de modifier l’heure des feux de circulation, un exemple absurde de la manière dont l’État « gère les affaires communes de toute la bourgeoisie », comme l’ont dit Marx et Engels dans Le Manifeste du Parti Communiste. D’après loi, nous n’avions le droit d’être que trois personnes par trottoir. J’ai remarqué que les flics tournaient autour de l’entrepôt. Le lendemain, certains de mes camarades de Left Voice ont été harcelés par la police pour avoir marché sur l’herbe devant Amazon. Il s’avère qu’Amazon a engagé des flics en civil pour patrouiller dans l’établissement.
Il y a beaucoup de répression, ai-je pensé. Comment cela se passe-t-il à l’intérieur de l’entrepôt ? Et aussi, où sont les travailleurs ? Ne devraient-ils pas être ici, dans une démonstration de force ? J’ai demandé à l’un des membres du personnel qui m’a répondu que la stratégie explicite du RWDSU était de ne pas mettre beaucoup de travailleurs sur le devant de la scène. Après tout, Amazon peut renvoyer quelqu’un ou exercer des représailles.
C’est peut-être vrai. Peut-être que les dirigeants veulent être plus discrets. Parfois, il faut s’organiser en secret, surtout quand il y a tant de répression. Peut-être qu’il y a des travailleurs qui démarchent auprès des autres travailleurs pour le syndicat. Peut-être qu’il y a des réunions secrètes sur Zoom par équipe avec des centaines, voire des milliers de travailleurs. Peut-être que la base est mobilisée dans les coulisses. Mais je me souviens de mon camarade qui a syndiqué sur son propre lieu de travail et qui disait : « La chose la plus importante avant un vote syndical est que la colère contre les patrons soit plus forte que la peur ». Le RWDSU considérait la peur comme naturelle et s’organisait autour de cette peur. Le syndicat semblait s’organiser pour simplement se faufiler, et non pour mobiliser les travailleurs et les travailleuses afin qu’ils se dressent ensemble contre les patrons, et luttent ensemble. En fait, c’est le contraire de ce qu’a dit l’employé du RWDSU qui est souvent vrai : plus il y a de manifestations publiques, moins il est probable que le patron puisse exercer des représailles.

C’est particulièrement vrai avec tout le soutien national et avec tous les travailleurs qui se sont rendus en Alabama : ne devraient-ils pas parler aux travailleurs d’Amazon ? Un camarade infirmier s’était rendu à Bessemer quelques semaines auparavant, pour être solidaire. Il n’a été présenté à aucun travailleur. Pourquoi le syndicat n’a-t-il pas joué un rôle actif pour établir des liens entre les travailleurs essentiels ? Pourquoi n’a-t-il pas créé des mobilisations d’autres travailleurs et travailleuses de la base du RWDSU, et des travailleurs et travailleuses d’Amazon à Bessemer pour qu’ils soient solidaires, discutent et s’engagent dans des actions ensemble ? Savoir que des travailleurs de tout le pays sont à leurs côtés renforcerait la lutte.
Il était vraiment difficile de trouver des travailleurs d’Amazon à qui parler.
J’ai demandé à parler à des travailleurs d’Amazon : les gens m’ont dirigé vers le syndicat, et le syndicat donnait des réponses évasives. Nous ne voulions pas seulement entendre les leaders. Nous voulions aussi entendre la base du mouvement. Mais nous n’avons pu joindre ni l’un ni l’autre.
Peut-être qu’on pourrait aller au fastfood Waffle House, près de l’entrepôt Amazon, et y rester toute la journée ? Peut-être que de cette façon, nous rencontrerions des travailleurs ? C’est ce que nous avons failli faire. Mais un ami a réussi à nous mettre en contact avec un membre de sa famille qui sort avec un travailleur d’Amazon. Victoire. Et puis une militante que nous avons rencontrée à Birmingham avait une amie, une militante qui travaille chez Amazon – Frances Wallace. Nous avons programmé des entretiens.
Plus tard, il a été annoncé que Bernie Sanders venait en ville. Une partie de moi était surprise que l’événement ait lieu à Birmingham, à environ 30 minutes de l’entrepôt de Bessemer. Mais comme tout le monde semble avoir une voiture en Alabama, ce n’était peut-être pas un gros problème. Mes camarades et moi pensions qu’il y aurait sûrement beaucoup de travailleurs à cet événement.
Mais lorsque nous nous sommes rendus à l’événement, il y avait surtout une foule énorme de journalistes, de gens de Our Revolution [1], de Democratic Socialists of Americ et de Socialist Alternative. Il n’y avait qu’une douzaine de travailleurs. Après les discours, nous nous sommes précipités pour essayer de parler à certains des travailleurs, qui ont été rapidement emmenés par les dirigeants syndicaux pour une réunion avec Sanders. Je me suis fait engueuler par un journaliste qui parlait à un autre travailleur. Apparemment, elle voulait une “exclusivité”. C’était ma première expérience de compétition pour un reportage sur le terrain. Et c’était d’autant plus compétitif qu’il y avait beaucoup plus de reporters que de travailleurs.
En fait, du point de vue de la presse, il semblait y avoir une normalisation du fait que les travailleurs n’étaient pas les visages du mouvement. Des employés et même des membres de Our Revolution ont fini en couverture du New York Times. Allez vérifier – la plupart des illustrations de la campagne de syndicalisation d’Amazon à Bessemer ne montrent pas réellement des travailleurs d’Amazon.
Enfin, nous avons pu parler à deux travailleurs d’Amazon. Tous les deux ont voté pour au syndicat, mais aucun n’a eu de contact avec le syndicat autre que par des SMS. Ils n’ont pas non plus eu de visite à domicile ou de discussion en tête-à-tête avec certains des principaux dirigeants. Ils n’étaient pas au courant de ce que faisait le syndicat, à part le fait de se tenir devant l’entrepôt.
Nous avons parlé avec Frances, qui est en arrêt maladie et qui milite dans le mouvement Black Lives Matter. Elle a été arrêtée par la police près d’une douzaine de fois et est une militante qui s’identifie comme révolutionnaire. Elle a 20 ans et est une leader née. Parmi les quelque 1 000 travailleurs qui ont voté pour le syndicat, il doit y avoir une douzaine de travailleurs comme Frances qui auraient pu s’engager dans une campagne plus militante.
Notre deuxième interview s’est faite dans l’anonymat. Cette personne et son partenaire sont venus en voiture de Bessemer jusqu’à notre Airbnb. Son partenaire est favorable au syndicat et à une démarche plus ouverte : c’est la raison pour laquelle il a accepté l’interview. Pendant que le partenaire surveillait les enfants dans la voiture, le travailleur d’Amazon s’est assis avec nous pour discuter. Il/elle a choisi d’être complètement anonyme. Son partenaire a rechigné et protesté, mais il/elle ont dit : « J’ai des enfants, vous savez. Je ne peux pas faire n’importe quoi. » La peur des représailles est réelle.
Je demande à Frances et à l’employé anonyme d’Amazon s’ils peuvent nous mettre en contact avec des collègues de travail. Mais ils ne connaissent pas leurs collègues. Entre les restrictions liées au Covid et le turnover des employés, ils ne se connaissent pas. La différence est frappante avec les mineurs qui se sont mis en grève à peine une semaine plus tard. L’un des mineurs que nous avons interrogés a déclaré : « Nous avons fait le dîner du réveillon sous terre, le dîner de Noël sous terre, mes amis et moi, mes frères et moi. » Les conditions de travail brutales dans la mine les mettent dans une situation de proximité physique. Dans le passé, cela a créé un mouvement combatif de mineurs. Au contraire, les conditions de travail brutales chez Amazon séparent les travailleurs et les travailleuses les uns des autres.
Et même le dernier jour du vote, les gens étaient encore très éloignés les uns des autres.

Une analyse post-mortem

Après l’échec cuisant du syndicat dans le décompte des voix, le président du syndicat, Stuart Applebaum, continue de donner une vision positive de l’effort de syndicalisation. Il a tort. C’est une défaite, et c’est un revers très médiatisé pour le mouvement syndical dans son ensemble. Cela ne signifie pas que le mouvement ouvrier est écrasé pour toujours, ou que les travailleurs d’Amazon ne seront jamais syndiqués. Mais il faut appeler un chat un chat.
Il ne faut cependant pas normaliser ou sous-estimer l’arsenal de mécanismes légaux et illégaux dont les travailleurs ont été victimes. Après tout, c’est en ayant un flux permanent de travailleurs non syndiqués qu’Amazon, comme Walmart, est devenue l’une des plus grandes et des plus riches entreprises des États-Unis. C’est un élément central de leur modèle de travail, de la façon dont ils extraient la plus-value des travailleurs. C’est ce qui a fait d’elles les entreprises les plus riches du monde.
Il est vraiment dégueulasse que l’homme le plus riche du monde et la deuxième plus grande entreprise des États-Unis aient des travailleurs qui pissent dans des bouteilles, qui travaillent dans la chaleur de l’Alabama sans même un ventilateur, qui brisent leur corps pour les profits de Jeff Bezos. C’est dystopique d’entendre Amazon dire que « les vies des Noirs comptent » [2] alors que des travailleurs noirs détruisent leur corps pour les profits de Bezos ; c’est un éclairage des plus répugnants d’entendre le Wall Street Journal dire que les travailleurs aiment leurs conditions de travail et qu’ils ne voient simplement pas la nécessité d’un syndicat.
Se syndiquer est en réalité si difficile en raison de lois du travail incroyablement restrictives. C’est le résultat direct de décennies de Démocrates et de Républicains qui ont adopté et maintenu des lois antisyndicales. Ces lois sont adoptées sans résistance et sapent les syndicats et les efforts de syndicalisation depuis des décennies. Ceci est le résultat direct du fait que les directions syndicales sont liées au Parti Démocrate. Ces lois ont été accompagnées d’une forte offensive idéologique contre les syndicats, offensive qui traite les organisations de travailleurs comme si elles n’étaient guère plus que la somme de leurs directions bureaucratiques, et qui diabolise l’organisation collective de la force de travail. C’est en grande partie le résultat du lien réalisé entre le mouvement ouvrier et l’État par le biais du National Labor Relations Act (NLRA). Comme l’explique James Hoff dans Left Voice, l’impact de la NLRA a été « la création d’un cadre légaliste qui a amené les travailleurs et les syndicats dans le giron du maintien de la production capitaliste… Parce que la poursuite de l’existence des syndicats était devenue une question essentiellement législative, les ressortissants syndicaux et leurs directions bureaucratiques ont commencé à consacrer des quantités incalculables d’énergie, d’argent et d’efforts idéologiques au lobbying et au soutien des politiciens impérialistes du Parti démocrate pour maintenir et accroître les droits légaux des syndicats ». Le cadre légaliste de la NLRA et de la loi Taft-Hartley qui l’a amendée a affaibli le mouvement ouvrier et, en ajoutant des niveaux incalculables de bureaucratisation au processus de syndicalisation, a finalement rendu plus difficile la formation de syndicats par les travailleurs.

Comme le dit Charlie Post, le NLRA a « supervisé, et souvent facilité, l’effondrement presque total du syndicalisme dans le secteur privé, et les législateurs d’État de tout le pays ont lancé une nouvelle offensive contre le dernier bastion du syndicalisme aux États-Unis – le secteur public ».
Alors que Biden veut être le président le plus pro-syndical de l’histoire, il ne peut cacher ni son propre passé néolibéral, ni celui de son parti. L’année dernière, ça a vraiment tourné au vinaigre – des gens sont sortis brûler des postes de police et des gens de droite ont essayé de prendre d’assaut le Capitole. Alors que les syndicats ont perdu en taille et en influence, des secteurs de la classe ouvrière ont déserté le Parti Démocrate, soit en ne votant pas, soit en votant pour Donald Trump. Le néolibéralisme a créé une polarisation entre la gauche et la droite et Biden considère que son travail est de créer un nouveau centre. Et quel meilleur moyen d’y parvenir que des syndicats dirigés par le haut qui ramènent les gens vers le Parti Démocrate et apprivoisent les éléments les plus radicaux du mouvement ouvrier ? Bien sûr, il ne devrait pas en être ainsi, mais c’est pourtant ce que les syndicats ont fait au cours des dernières décennies.

Il n’y a pas de substitut à la classe ouvrière

La vérité est que les travailleurs d’Amazon ont été absents notablement de la lutte pour la syndicalisation de leur entrepôt. Les milliers de travailleurs de l’entrepôt – ou même une avant-garde de quelques centaines – n’ont tout simplement pas été mobilisés de manière notable. Jane McAlevey en a rédigé une analyse post-mortem très partagée dans The Nation. Mais dans celle-ci, il semble qu’il s’agisse d’une liste de problèmes tactiques – comme si le syndicat avait simplement oublié de mobiliser les travailleurs. Je pense que le problème est plus profond.
Le syndicalisme de services est devenu le modèle depuis l’après-Seconde Guerre mondiale : il s’est alors agi de créer des syndicats orientés vers la prestation de services aux travailleurs. Les travailleurs sont, au mieux, des clients. Les syndicats, d’une part, fournissent des services et, d’autre part, disent aux travailleurs que leur pouvoir ne réside pas dans leur capacité à faire grève, mais dans leur capacité à voter pour les Démocrates. En cela, les syndicats sont devenus une aile du Parti Démocrate – utilisant de vastes ressources pour lier le destin de la classe ouvrière aux Démocrates. C’est ce que Mike Davis appelle le « mariage stérile entre les syndicats américains et le Parti Démocrate ». Dans son ouvrage Prisoners of the American Dream, il explique : « L’utilisation du syndicalisme industriel pour rénover les mécanismes de collecte de voix du Parti Démocrate a été une relation instrumentale efficace dans une seule direction ». Nous savons tous de quelle direction il s’agit. Cela s’accompagne d’un abandon radical de presque toute forme d’action militante – puisqu’il s’agit d’aller vers le Parti Démocrate, le militantisme n’est plus de mise.
Les syndicats ont construit une armée de permanents ; beaucoup d’entre eux souhaitent réellement jouer un rôle dans le mouvement syndical et veulent donner du pouvoir à la base. Mais au lieu de cela, ils se retrouvent surchargés de travail et coincés à organiser les travailleurs pour qu’ils fassent du démarchage pour les Démocrates. L’un de mes camarades m’a raconté que le syndicat UNITE HERE avait licencié une grande partie de sa main-d’œuvre syndiquée pendant la pandémie. Le syndicat n’a pas consacré de ressources à la lutte contre ces licenciements. Au lieu de cela, il a envoyé des travailleurs par avion dans d’autres États pour faire campagne pour Biden.
Ce mariage stérile entre les travailleurs et le Parti Démocrate est illustré par la campagne de syndicalisation d’Amazon. Elle a remplacé le rôle central des travailleurs de la base par des Démocrates connus. Une fois de plus, le RWDSU a tenté d’enseigner aux travailleurs et aux travailleuses la même leçon : leur pouvoir serait du côté des Démocrates, avec Joe Biden ou Stacey Abrams [3]. C’était explicite, avec les innombrables signes de Stacey Abrams montrant les muscles et disant aux travailleurs de voter “oui” à un piquet de grève sans travailleurs. Mais il s’agit d’une stratégie perdante pour les travailleurs. C’est une stratégie perdante dès le départ. Mais ce n’est pas une défaite pour les Démocrates, qui peuvent maintenant prétendre qu’ils sont du côté de la classe ouvrière dans une lutte syndicale immensément populaire.
Bien sûr, les dirigeants syndicaux le savent. L’article de McAlevey est un manuel de syndicalisation. Et pourtant, la direction du RWDSU ne s’est pas organisée de cette façon. Peut-être est-ce parce que la main-d’œuvre noire organisée, combative, n’est pas si facile à maîtriser. Ce que nous savons, c’est que c’est une stratégie qui a perdu à maintes reprises – et continuer à l’utiliser contre la campagne antisyndicale sophistiquée d’Amazon ne fait que préparer la défaite.
Si vous lisez Jacobin, à l’exception de certains articles, vous penserez que la solution n’est pas de mobiliser davantage la base, mais que c’est la loi PRO [4]. Là encore, il s’agit d’une conclusion problématique, qui n’est pas basée sur le développement de la lutte des classes ou l’auto-organisation d’une classe ouvrière combative, et qui ne pose pas la perspective ou l’organisation pour surmonter les limites étroites de la NLRB qui lie le mouvement ouvrier à l’État. Pire, DSA appelle à voter pour les démocrates progressistes qui soutiennent la loi PRO – une fois de plus dans le mariage stérile des démocrates avec le mouvement ouvrier.
Mais pour gagner, il n’y a tout simplement pas de substitut à la classe ouvrière.

Article original paru sur Left Voice

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NOTES DE BAS DE PAGE

[1Organisation politique de soutien à Bernie Sanders (NdT)

[2Traduction littérale de « Black lives matter (NdT).

[3Élue démocrate mobilisée pour l’accès au vote dans les communautés Noires du Sud (NdT).

[4Loi qui, entre autres, facilite la création de syndicats et interdit aux employeurs d’intervenir lors des élections professionnelles. Elle a été votée à la Chambre des députés, mais risque de ne pas passer au Sénat.
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