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Répression

Procès de Taha Bouhafs, interpellé lorsqu’il couvrait la mobilisation des travailleurs sans papiers de Chronopost

Ce mardi matin, le journaliste indépendant Taha Bouhafs était convoqué au tribunal de grande instance de Créteil à la suite de son interpellation par des agents de la BAC alors qu’il couvrait la mobilisation des travailleurs sans-papiers de Chronopost à Alfortville, le 11 juin 2019. A la suite de cette interpellation lui ayant valu vingt-quatre heures de garde à vue et dix jours d’ITT, il est accusé d’outrage et rébellion contre personne dépositaire de la l’autorité publique.

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 Crédit photo : Capture d’écran / Le Parisien 

Une justice aux ordres

Dans cette affaire, Taha Bouhafs et son avocat Arié Alimi dénoncent des irrégularités de procédures qui démontrent l’absence d’indépendance de la justice vis-à-vis du pouvoir exécutif. Après son interpellation violente par un policier, contre qui Taha Bouhafs a porté plainte, son téléphone a été mis sous scellé et conservé pendant plus de 8 mois, avant de lui être restitué ce matin. Ce téléphone portable contient la vidéo de son interpellation du 11 juin ainsi que de l’agression par Alexandre Benalla d’un manifestant place de la Constrescarpe le 1er mai 2018. Pendant plusieurs mois, il avait demandé sa restitution. Celle-ci avait été approuvée par le juge en audience de restitution il y a quelques mois de cela, sans pour autant que le greffe accepte de le lui remettre.

Lors de l’audience, M. Arié Alimi, son avocat, a demandé un renvoi. Ce notamment parce qu’il considère que son client, sans téléphone portable, n’a pas eu l’occasion de préparer convenablement sa défense, mais également parce que l’enquête IGPN demandée par Taha Bouhafs est encore en cours. En effet, ce dernier a porté plainte contre le policier qui l’avait interpellé. M. Alimi a dénoncé la mauvaise foi du parquet et avait par ailleurs demandé le dépaysement de l’affaire. Le procès a été reporté au 3 juillet 2020 et la vidéo sera finalement insérée au dossier.

L’affaire Taha Bouhafs, un symbole de la dégradation des droits des journalistes

Pour Arié Alimi, le rendu de ce procès relève de deux enjeux très forts, celui de la liberté de la presse ainsi que de l’indépendance de la justice : « C’est important pour tous les journalistes parce que cette décision, elle va déterminer la façon dont tous les journalistes vont être traités en tant que victimes de violences policières et d’interpellation abusives. C’est un moment démocratique important, c’est vraiment un moment où l’État de droit peut vaciller, parce que le pouvoir ne souhaite pas d’image, ne souhaite pas que les journalistes puissent travailler correctement et si la justice est instrumentalisée par l’exécutif et par les policiers pour empêcher les journalistes de travailler correctement, ils vont faire ce qu’ils voudront dans l’ombre. »

Depuis 2016, une nouvelle séquence s’est ouverte, au cours de laquelle la répression s’est extrêmement accentuée. Aujourd’hui, elle touche les journalistes et particulièrement une nouvelle génération qui s’est donnée pour mission de documenter ces violences policières, mais également la répression judiciaire : Rémy Buisine, Jean Segura, Gaspard Glanz ou encore Marie, étudiante en Journalisme à l’ESJ de Lille. Tous ont été arrêtés ou violentés dans l’exercice de leur activité. Selon le collectif Reporters en colère, ce seraient plus de 200 journalistes qui auraient été blessés depuis le début de l’année 2019.

Taha Bouhafs, un journaliste qui a choisi son camp

Taha Bouhafs fait partie de cette génération de journalistes. Il a été accusé de ne pas être un « vrai journaliste » parce que militant. Ce mardi matin, dans les prises de paroles, s’exprimait cette idée qu’il n’y avait pas d’un côté les « vrais journalistes » et de l’autre les militants ; plutôt celles et ceux qui militent du côté du pouvoir, des idées dominantes, de la classe dominante et celles et ceux qui sont un « contre-pouvoir », qui sont du côté des opprimés et des exploités.

Taha Bouhafs est aujourd’hui souvent présent aux côtés des travailleurs pour rendre visible leur lutte. Très engagé dans la lutte antiraciste, il s’est également mobilisé pour documenter les violences policières. Selon un travailleur de Chronopost, présent au rassemblement, « la présence massive de la police et son interpellation violente montrent bien que son travail gène, empêcher Taha de filmer est une façon d’occulter et une façon d’empêcher l’occupation des travailleurs sans papiers d’être connue, d’être vue, l’État est en train de passer par-dessus ses lois… l’État n’est pas prêt à se fâcher avec son bras armé dans la période dans laquelle nous vivons ; mais nous demandons que la justice lui soit rendue ».

Ainsi, ce mardi matin, beaucoup de secteurs victimes de cette répression étaient présents pour le soutenir et rappeler l’importance de l’existence des journalistes indépendants autant pour documenter ce que les grands médias ont mis du temps à montrer ainsi que les luttes et les conditions de travail de ceux qu’on ne voit jamais : les machinistes de la RATP, les travailleurs réunis au sein de l’inter pro du 92, Mahamadou Camara du collectif Vérité et justice pour Gaye Camara, assassiné par la police en 2018, etc.

Un acharnement judiciaire et policier

Ce n’est pas la première fois que Taha est victime de répression. Le 1er mai 2019, alors qu’il filme une charge policière, des policiers lui arrachent son téléphone et le jettent par terre. La veille, il avait reçu une convocation pour diffamation à la suite d’un tweet concernant l’implication de la police dans la mort de Adam et Fatih, jeunes d’un issus d’un quartier populaire de Grenoble. Il subit régulièrement des pressions des syndicats de police tel que la section 94 du syndicat Alliance, qui avait écrit dans un Tweet « Haine anti-flics : Taha Bouhafs a la rage », après qu’il ait révélé l’identité du policier qui l’avait agressé. Aujourd’hui, les policiers du 94 étaient présents en masse au procès. Taha Bouhafs a dénoncé une nouvelle forme d’intimidation notamment parce plusieurs portaient leur arme de service.

Aujourd’hui, le procureur a dû admettre à demi-mots que la rétention du téléphone portable était bien une irrégularité. Mais ce dénouement n’a pu être permis que par un travail sans relâche de son avocat et surtout l’instauration d’un rapport de force politique et médiatique.

Pour décrire cet acharnement policier et judiciaire, Taha Bouhafs déclare à Révolution Permanente : « cela devient de plus en plus compliqué de bosser en tant que journaliste à contre-courant, d’opposition. C’est les mêmes dynamiques qui s’exercent sur les syndicalistes, les militants. Quoi que tu fasses, qui que tu sois, quelle que soit ta profession, si tu es en opposition d’une façon ou d’une autre avec le macronisme, tu vas forcément ramasser d’une façon ou d’une autre. »

Sur Twitter, Taha a publié dans la journée que son procès est reporté au 3 juillet et qu’il a pu récupérer la vidéo de son interpellation, qu’il qualifie d’’édifiante".


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