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Des centaines de milliers dans la rue

Pourquoi la mobilisation en Algérie donne des sueurs froides à Macron

L'annonce de la candidature de Bouteflika pour un cinquième mandat a mis le feu aux poudres en Algérie. Ce sont des centaines de milliers d'Algériens qui sont aujourd'hui dans la rue. Une situation qui donne des sueurs froides aux classes dominantes françaises et à Macron.

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Depuis quelques jours, l’Algérie vit au rythme d’une mobilisation de masse, suite à l’annonce de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à l’élection présidentielle. Briguant un cinquième mandat, le dirigeant algérien, qui fêtera le 2 mars prochain son 82ème anniversaires, se voit systématiquement réélu avec un score flirtant les 80% dans des élections qui semblent tout aussi systématiquement truquées.

Maintenir la stabilité en Algérie : un enjeu économique central pour l’impérialisme français

Ancienne colonie française, l’Algérie garde une importance stratégique centrale pour les classes dominantes hexagonale. En effet, les accords de partenariats économiques et diplomatiques sont multiples entre les deux pays. En 2016, le journal Le Point détaillait les grandes lignes de ces multiples échanges. Sur le plan strictement économique, 500 entreprises françaises sont implantées en Algérie. En 2014, 6,4 milliards d’euros des exportations françaises se dirigeaient vers l’Algérie, dans un cadre global de 10,5 milliards d’échanges entre les deux pays, tandis que la France était le premier investisseur direct étranger, hors hydrocarbures, en Algérie avec 2,15 milliards de stock IDE (Investissement direct étranger). Plus encore, c’est dans des secteurs stratégiques de l’économie française que les liens restent fort, comme dans l’automobile avec l’exemple de l’entreprise Renault, souvent cité comme cas d’école des bonnes relations économiques entre Paris et Alger.

Si l’Algérie reste un pays d’investissement privilégié pour la France, comme au temps de la colonisation « officielle », il est aussi une source d’importation. Ainsi, l’Algérie est l’un des principaux fournisseurs de la France en énergie, avec notamment 10% du gaz importé. C’est à la lumière de ces chiffres que l’on comprend pourquoi les classes dominantes françaises, depuis l’indépendance de 1962, a toujours consacré une énergie particulière à la stabilité politique et économique de l’Algérie. Une considération passant allégrement au dessus de la question du degré de « démocratie » du régime, dans la pure tradition du colonialisme français.

L’Algérie, source principale d’inquiétude pour Emmanuel Macron ?

Ce 24 février 2019, le quotidien français Le Nouvel Obs publiait un article au titre révélateur : L’Algérie, le cauchemar de Macron. Le journaliste Vincent Jouvert y dévoile une « confidence » faites début février par un haut fonctionnaire français, central dans le dispositif macronien. A la question « qu’est-ce qui inquiète le plus Emmanuel Macron ? », ce dernier répond : « Le cauchemar du président de la République, c’est l’Algérie. C’était aussi celui de ses prédécesseurs. Les plus hautes autorités de l’Etat sont terrifiées par la perspective d’une grave déstabilisation de notre ancienne colonie après la mort de Bouteflika ». Difficile d’être plus clair.

Cette confidence, si elle peut surprendre au premier coup d’oeil alors que Macron fait face à un mouvement social d’ampleur depuis novembre avec le mouvement des Gilets Jaunes, n’est pourtant pas surréaliste. Elle témoigne du caractère profondément colonial du capitalisme français, qui s’est mué sous des formes « modernes » avec l’indépendance, et peut prendre des formes très concrètes en terme de défense des intérêts économiques et politiques de l’impérialisme français. Lors des révolutions arabes de 2011, Michèle Alliot-Marie, alors ministre des affaires étrangères de Nicolas Sarkozy, avait ainsi proposé l’envoi de troupes françaises en Tunisie, colonie française jusqu’en 1956, pour aider au maintien de l’ordre devant l’Assemblée Nationale, mettant en avant le « savoir faire » à la française sur ce terrain. Une sortie qui avait provoqué une vive polémique, alors que le président-dictateur d’alors Ben Ali massacrait dans le sang l’insurrection tunisienne. A l’époque, cette prise de position avait alors déclenchée une crise politique conjoncturelle pour l’exécutif, qui forcera Michèle Alliot-Marie à présenter sa démission à Nicolas Sarkozy le 27 février 2011.

Si la contestation sociale et politique actuelle en Algérie est à un degré, pour l’heure, inférieur à la situation insurrectionnel des révolutions arabes de 2011, on comprend pourquoi l’Élysée scrute avec attention et inquiétude la situation. En effet, 8 ans après, il est clair qu’une amplification de la mobilisation en Algérie pourrait relancer l’engrenage, forcer la main de Macron sur le terrain de l’intervention directe, et ainsi exposer un Jupiter aujourd’hui affaibli à une nouvelle crise politique d’ampleur. Sans oublier que, en France lors de l’acte XV des Gilets Jaunes et le lendemain place de la République, un début de mouvement de soutien à la mobilisation algérienne a commencé à se matérialiser. Entre la sauvegarde des enjeux économiques de l’impérialisme français, les potentielles secousses que pourrait avoir, y compris sur l’ensemble du Maghreb/Machreck, l’amplification de la mobilisation en Algérie et les potentialité en terme de mobilisation en soutien à ce soulèvement populaire en France, il est sûr que l’Algérie a de quoi donner des maux de têtes à Emmanuel Macron.


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