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Nos vies pas leurs profits !

Pénuries de médicaments organisées : exproprions les labos pharmaceutiques qui jouent avec nos vies !

Alors que les pénuries de médicaments sont de plus en plus nombreuses, un reportage de « Complément d’enquête » met en lumière la responsabilité des grands groupes pharmaceutiques dans cette situation. Ces dernières profitent de la rareté du produit pour faire exploser les prix, allant jusqu’à créer des pénuries artificielles pour augmenter leurs profits. Une situation abjecte, révélant l’incapacité des capitalistes à gérer les problématiques de santé.

Olga Hagen

11 septembre 2021

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Crédits : Phanie / AFP

Un documentaire de « Complément d’enquête » diffusé ce jeudi 9 septembre 2021 révèle quatre ans d’enquête de la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne. Celle-ci démontre comment Aspen, l’entreprise pharmaceutique qui détenait le monopole de la commercialisation d’un médicament anticancéreux, a organisé volontairement la pénurie afin de faire exploser ses profits.

Quand une entreprise pharmaceutique organise des pénuries de médicaments

Apres quatre ans d’enquête, la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne met en lumière la stratégie du groupe au 83 millions d’euros de chiffre d’affaires à travers un mail intercepté d’un cadre de l’entreprise à ses commerciaux : "Les prix doivent être augmentés (...). C’est à prendre ou à laisser. (...) Si les ministères de la Santé, dans chaque pays, n’acceptent pas les nouveaux prix, on retire les médicaments de la liste des produits remboursables ou on arrête d’approvisionner. Aucune négociation possible. ». De telles révélations laissent peu de doute quant à l’honnêteté de l’entreprise pharmaceutique.

La même stratégie criminelle s’est avérée être appliquée en Italie, où des propos similaires étaient tenus dans une lettre adressée à l’agence de santé italienne : "C’est une priorité pour Aspen d’augmenter rapidement les prix de vente (...). Si aucune décision n’est prise dans la limite de temps indiquée (...) nous procéderons rapidement (...) à la suspension de la commercialisation des produits en Italie, à partir de janvier 2014.".Suite à cela, les prix ont augmentés subitement, allant de « 300%, 400%, jusqu’à 1 500% pour certains traitements. » raconte Andrea Pezzoli, le directeur de l’agence de santé italienne. Une situation absolument abjecte, en sachant que des vies dépendent de l’administration de ces traitements.

La stratégie de l’entreprise, qui a cherché à maximiser ses profits à tout prix, a eu des conséquences désastreuses sur la santé et la vie de milliers de personnes.

Une augmentation drastique des pénuries

Le nombre de signalements de pénuries de médicaments a en effet explosé au cours des 5 dernières années. En 2020, 2446 signalements ont été effectués, contre 405 en 2016 d’après l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM), soit six fois plus. De même, trois professionnels sur quatre ont constaté une aggravation effective des pénuries de médicaments en dix ans, d’après une enquête Ipsos.

Et cette augmentation ne concerne pas que la France, comme le souligne un conseiller technique chez France Assos Santé : « Quand on échange avec nos collègues des pays voisins, on voit qu’ils sont aussi très confrontés au sujet, c’est une impression qui est partagée." confirme Yann Mazens à Franceinfo. Une situation particulièrement inquiétante, d’autant que dans près d’un cas sur cinq (18 %), les laboratoires « ne proposent tout simplement aucune solution de substitution » d’après l’UFC-Que Choisir.

Dans un contexte où la crise sanitaire a cruellement souligné les failles de notre système sanitaire concernant l’approvisionnement en produits de santé, l’UFC dévoile une étude accablante sur l’étendue des pénuries de médicaments, ainsi que la responsabilité des laboratoires et des pouvoirs publics dans cette situation. 12 % des producteurs indiquent aux professionnels de diminuer la posologie. Et dans 30 % des situations, les industriels renvoient vers un autre médicament, une « solution » pouvant « entraîner des effets secondaires plus importants, ou nécessiter un temps d’adaptation à la nouvelle posologie, particulièrement pour les patients âgés ».

Des médicaments de substitution qui peuvent causer des drames terribles. C’est le cas de Michel Kerhom, décédé à la suite d’une rupture de stock de la molécule que produisait Apsen, industrie pharmaceutique citée ci-dessus. Sous chimiothérapie pour combattre son cancer, les médecins annoncent à Michel qu’il manque une molécule et que celle-ci se trouve en rupture d’approvisionnement. Ils la remplacent donc par un autre médicament. Quelques jours plus tard, lui et deux autres patients victimes du même traitement décèdent. "Je ne peux pas supporter l’idée que mon mari soit décédé parce qu’il y avait une rupture d’approvisionnement" dénonce Claudette, la femme de Michel Kerhom… Un témoignage dramatique, et d’autant plus difficile à entendre lorsque l’on sait qu’il s’agit en réalité d’une pénurie organisée volontairement par Apsen pour faire augmenter les prix.

Les capitalistes ne peuvent pas s’occuper de notre santé !

Ces pénuries, orchestrées par les entreprises pharmaceutiques, mettent en lumière toute l’absurdité de la gestion capitaliste de la santé, tandis que la recherche du profit empêche de soigner la population.

L’UFC-Que Choisir souligne que les pénuries de médicaments de manière générale ne touchent que rarement les molécules récentes et onéreuses. Sur la liste des 140 médicaments signalés en rupture de stock et en tension d’approvisionnement par l’ANSM au 15 juillet 2020, les médicaments indisponibles sont prioritairement des produits anciens (les trois quarts sont commercialisés depuis plus de vingt ans) et peu coûteux (les trois quarts coûtant moins de 25 euros, et un quart moins de 4 euros)… de quoi faire baisser l’intérêt des industries pharmaceutiques à produire ces traitements. Ainsi, sur le plan de la sécurisation de l’approvisionnement, les industriels font là encore le choix de garantir la production des médicaments rentables au détriment des plus vieux et des moins chers, qui restent évidemment toujours indispensables aux usagers.

Enfin, les pénuries sont dues également à d’autres facteurs. D’abord, la production en flux tendu pour économiser les stocks est aujourd’hui généralisée dans les entreprises pharmaceutiques, faisant du moindre incident sur la chaîne de production un facteur de paralysie. Ce phénomène est devenu récurrent après les nombreuses délocalisations, principalement en Chine ou en Inde, et à cause de la sous-traitance qui les accompagne. Le début de la crise du Coronavirus l’a tristement illustré : la Chine étant confinée et ses chaines de production à l’arrêt, ainsi les soignants se sont trouvés face à la pénurie de multiples produits de santé.

De plus, certaines pénuries s’expliquent par le fait que les laboratoires peuvent faire le choix de servir en priorité les marchés les plus rémunérateurs : si la France n’en fait plus partie par exemple, il est probable qu’une pénurie apparaisse. Enfin, en France, l’Assurance maladie a choisi de baisser le prix des médicaments génériques (dont le brevet est tombé dans le domaine public, au bout de vingt ans) pour mieux financer les nouveaux médicaments, plus onéreux. En réaction, les industries pharmaceutiques n’hésitent pas à arrêter soudainement les fabrications qui ne leur sont plus rentables.

Pour une socialisation de l’industrie pharmaceutique et la recherche

Toutes ces explications de l’augmentation drastique des pénuries sont d’ordre économiques, et non sanitaires. Or, il n’est plus possible de laisser les capitalistes gérer un aspect de notre vie aussi importants que celui de la santé. Car quand eux pensent profits, ce sont nos vies qui sont directement en danger.

Avec la crise sanitaire, ces éléments ont été d’autant plus mis en lumière. Les grands groupes pharmaceutiques n’ont pas hésité à appliquer les pires politiques, comme Pfizer, qui a profité de la pandémie et de la demande de vaccins pour augmenter ses tarifs et tirer le maximum de profits, passant le prix de la dose de vaccin de 12 à pratiquement 20€.

Il faut aujourd’hui exiger l’expropriation des grandes sociétés pharmaceutiques et des principaux laboratoires. Les progrès scientifiques en matière de santé doivent servir à tous et fonctionner sous le contrôle de leurs salariés, qui ont les mêmes intérêts que la population et sont les plus amènes de pouvoir répondre à ses besoins. De plus, on ne peut plus accepter que les grands groupes capitalistes aient la charge des politiques de santé publique. Ces questions doivent être gérées par la population, qui est la première touchée par ces décisions. Enfin, il est urgent de faire passer les brevets dans le domaine public, notamment ceux concernant le Covid-19 en cette période : cela permettra de produire en masse et à prix coûtant des vaccins et traitements pour tous les pays, et non seulement les puissances impérialistes. En pleine pandémie mondiale, après les pénuries que l’on a pu observer partout à travers le monde, de masques, de respirateurs ou de vaccins, ces revendications s’avèrent être d’autant plus vitales.


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