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Enquête de Médiapart

Pénurie cachée, mensonge... Véritable scandale d’État autour des masques

Une enquête de Médiapart révèle la gestion catastrophique des stocks de masques au sommet de l'État. Pénurie cachée, mensonges... Retour sur un véritable scandale d'État qui a coûté la santé, et parfois la vie, aux soignants et à l'ensemble de la population.

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Crédits photo : AFP

Yann Philippin, Antton Rouget et Marine Turchi ont enquêté pour le journal Médiapart, pendant plusieurs semaines, sur la gestion gouvernementale du stocks de masques, question autour de laquelle le débat sur la gestion de la crise sanitaire se cristallise souvent. Les résultats de l’enquête, parue jeudi, sont plus que clairs : l’État est responsable de la pénurie de masques que l’on connaît aujourd’hui. Pire, pour cacher cette pénurie, ce dernier a diffusé des consignes sanitaires mensongères.

Mensonge d’État sur la pénurie de masques

Le premier élément que l’enquête met en lumière est le suivant : l’État n’était pas préparé à l’épidémie. Le coronavirus se transmet par les gouttelettes porteuses du virus, par la toux, la parole, ou la respiration. La première recommandation médicale est donc de généraliser le port du masque “chirurgical”, qui permet d’éviter la transmission dans la population ainsi que le port de masques FFP2 et FFP3, qui permettent de filtrer les gouttelettes, chez les soignants.

Problème : la France, une des premières puissance industrielle mondiale, n’a aucun stock de masques FFP, et à peine 80 millions de masques chirurgicaux. En effet, comme nous l’écrivions il y a quelques semaines, en 2013, Marisol Touraine, ministre de la Santé du gouvernement Hollande, supprime les stocks stratégiques de masques de l’État, considérant que c’est aux entreprises d’assurer la sécurité de leurs employés.

Et pendant que le gouvernement s’empêtre dans les procédures pour en commander de nouveaux, il adapte ses directives sanitaires à la pénurie, et explique, de manière mensongère, que le port du masque est inutile. Argument qui ne convainc légitimement pas une grande partie de la population, qui se rue sur les stocks en pharmacie. Ce qui a eu pour effet d’accentuer la pénurie de masques pour le personnel soignant : non seulement il n’y a pas de FFP, mais il n’y a plus de masques chirurgicaux (qui offrent une protection minime) non plus.

La morale ici n’est pas : “les Français sont des cons”, ou “c’est irresponsable”, comme aiment à le répéter les éditorialistes bourgeois. Non : la véritable responsabilité dans cette crise sanitaire repose sur un gouvernement non préparé, qui ment afin de cacher ses responsabilités, n’hésitant pas à mettre en danger l’ensemble de la population.

Lorsque le gouvernement prend la décision de commander des masques supplémentaires, il est trop tard. La course aux masques est déjà lancée, et tous les pays sont sur le coup. La situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, avec une augmentation considérable du nombre de contaminés, de décès, n’était pas inévitable. Elle est le résultat en dernière instance de l’impréparation criminelle au sommet de l’État, qui a dénigré les solutions probantes pour freiner l’épidémie, à savoir le dépistage massif et le port de masques généralisé, pour masquer ses propres manquements.

Le grand capital grand gagnant

Évidemment, si la doctrine officielle du gouvernement est le confinement général, le patronat peut toujours exiger de ses employés qu’ils se déplacent pour venir travailler, et ce même dans des secteurs non-essentiels. C’est le cas des usines PSA par exemple, ou d’usines de la sous-traitance d’Airbus. En période d’épidémie, il est manifestement crucial de fabriquer des avions qui ne volent pas et des voitures qui ne se vendent pas... Le gouvernement et les patrons privilégient leurs profits à la vie et à la santé de leurs travailleurs. En Italie, la production non-essentielle n’a été stoppée qu’au dernier moment, sous la pression des travailleurs, et devant le nombre de morts qui montait en flèche. Combien de morts encore pour que le gouvernement français lui emboîte le pas ?

Ces travailleurs qui triment pour remplir les poches de leurs patrons, c’est autant de masques, de gants et d’équipement de protection qui n’iront pas au soignants. Comme l’écrit Médiapart, “« La distribution des masques privilégie toujours les soignants et les personnes les plus fragiles », répétait, samedi 28 mars, le ministre Olivier Véran. C’est exact, mais « privilégier » ne signifie pas « réserver ». S’il a été fortement réduit, le gouvernement n’a jamais coupé l’approvisionnement des entreprises, au nom de sa politique consistant à préserver autant que possible l’activité économique.

La politique de maintien de la production non-essentielle participe donc non seulement à la propagation du virus, en forçant les gens à aller travailler, à prendre les transports, etc, mais elle participe également à la saturation du marché des masques. Chaque masque utilisé par une entreprise non-essentielle aurait pu servir à protéger un soignant. Rien qu’à Paris, on dénombre déjà plus de 1200 travailleurs de la santé infectés par le Covid-19. Et la tendance ne peut que s’accentuer, car les lieux de production non essentielle, fraîchement équipés en masques, reprennent de plus en plus leurs activités.

Pire encore, certaines entreprises auraient bénéficié d’un statut privilégié dans l’attribution de masques : Airbus a notamment était initialement classée comme entreprise prioritaire, au même titre que les secteurs de l’énergie et de l’alimentaire, juste en dessous du secteur de la santé. Selon l’enquête, cela concerne plusieurs milliers de masques mobilisés non pas pour sauver des vies, mais pour construire des avions…

Comment comprendre aujourd’hui que des soignants soient obligés de coudre des masques eux-mêmes pour tenter de s’équiper correctement ? Comment comprendre que les hôpitaux en viennent à faire des appels aux dons sur internet pour protéger leurs personnels et leurs patients ? Comment comprendre qu’aujourd’hui, les entreprises non-essentielles comme Airbus continuent de tourner, et accentuent ainsi la propagation du virus et la pénurie de masques ?

Aujourd’hui plus que jamais, exigeons l’arrêt de la production non essentielle et la réquisition des masques des entreprises pour les soignants ! Pour que notre santé ne dépende pas des choix budgétaires des gouvernements, il est urgent de réquisitionner les entreprises qui produisent des équipements médicaux, et de les placer sous le contrôle des travailleurs et des soignants !

Nos vies, pas leurs profits !


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