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Colère dans l'Education Nationale

« On ne tolère plus que Macron joue avec nos vies » Marion, enseignante dans le 93

Marion enseignante dans le 93, revient sur l'allocution de Macron et la fermeture des écoles. Elle nous raconte la colère et la lassitude de se retrouver au même point qu'il y a un an, avec de nombreux morts en plus sans moyens supplémentaires malgré les alertes adressées au gouvernement depuis des mois, notamment par la mobilisation et la grève.

1er avril 2021

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Mercredi lors de son allocution, Macron a principalement annoncé la fermeture des écoles, collèges et lycées. Cette décision arrive alors que la troisième vague est déjà bien avancée, et que les écoles ont vu les classes fermer, les élèves et les profs tomber malades et les cas contacts se multiplier. Nous avons interviewé Marion, enseignante en collège dans le 93.

Révolution Permanente Macron a annoncé ce mercredi le passage en distanciel, de l’enseignement primaire et secondaire. Macron le présente comme une évidence mais quelle est la réalité sur le terrain ? Comment tes collègues et toi avez reçu la nouvelle ?

Marion Avec colère. On a vraiment l’impression d’être reparti un an en arrière. On est au même point que l’an dernier, c’est à dire que du jour au lendemain on nous impose le distanciel. Sauf que cette fois-ci il y avait des mois pour anticiper, que nous on s’est battu pour ne pas arriver à cette situation, pour l’anticiper. Et que là on est dans une situation d’angoisse, à devoir passer dès la semaine prochaine en distanciel avec un jour férié et les vacances, ce qui nous empêche de réorganiser les emplois du temps. On va être obligés de suivre les actuels emploi du temps, alors même qu’on a très bien vu pendant le premier confinement que c’est ce qui ne marchait pas. Suivre les emplois du temps normaux, être connecté de 8h à 16h avec une heure par matière, faire autant d’heure en présentiel qu’en distanciel, c’est exactement ce qui a favorisé le décrochage chez les élèves.

Il y a des élèves qui n’ont pas les moyens d’avoir du matériel informatique, et ça crée énormément d’inégalité et de décrochage. Il y a des tablettes ou des outils qui sont prêtés, mais il faut voir que dans le 93 certains n’ont pas les moyens de manger alors certainement pas celui de s’acheter un ordinateur, ni celui d’imprimer. Ça c’est dans les familles de nos élèves, mais même pour nous côtés profs on a reçu une prime informatique de 150euros : avec ça tu t’achètes un clavier, pas un ordinateur.

Et puis là où on aurait aimé adapter les emplois du temps, mettre en place des suivis individualisés, ils ont préféré avancer les vacances et nous prendre de court. Nous on est dans ce qu’on appelle une « progression pédagogique » et là on se retrouve coupé au milieu de nos séquences d’apprentissage à devoir passer en distanciel, ce qui est complètement impossible. La base de l’apprentissage ça reste l’échange entre le prof et l’élève, ce qu’on ne peut pas maintenir désormais alors même qu’on aurait pu éviter cette situation !!

RP Le gouvernement assurait que la fermeture des écoles était une mesure « extrême, de dernier recours » mais quelles ont été les conséquences de sa gestion sanitaire dans les écoles ?

Marion Ils ont refusé d’adapter l’éducation sous crise pandémique, c’est ça la réalité. Ils ont refusé tout ce qu’on revendiquait dès novembre, c’est-à-dire, des demi-groupes, des embauches, des réquisitions de lieu, etc. Il y a beaucoup de choses qu’on aurait pu faire en lien avec les secteurs de la culture. Tout ça le gouvernement a refusé de l’envisager, ils ont préféré nous emmener dans le mur. Ce qu’ils appellent l’« exception française » c’est la sauvegarde de l’économie jusqu’au bout, c’est la logique des profits et de l’économie avant la santé.

Mais aujourd’hui Blanquer est désavoué, on n’en peut plus, tout le week-end ça a été #BlanquerDémission, #BlanquerOut, #BlanquerATerre et il ne prend plus la parole à part pour se targuer de l’exception française. Mais nous on a vu la crise s’accélérer et s’accentuer. On a vu les élèves tomber malade, en cours on les a vu malades, alors même qu’il n’y a toujours pas d’infirmière scolaire, rien. Ils n’ont mis aucuns moyens depuis le début de la crise. Même parfois pour les gels hydroalcooliques ou les masques on a dû prendre sur les crédits pédagogiques. Là où d’habitude on paye des voyages scolaires ou des livres, on doit prendre en charge les conséquences de l’épidémie dans les écoles, et l’absence totale de moyens qui y est allouée.

Et c’est consciemment qu’ils ne donnent aucuns moyens. Ils ont peur que si dans la période on décroche le moindre budget supplémentaire ou le fonctionnement en demi-groupes, qu’on veuille le garder. C’est pour ça qu’à la fois ils sont aussi fébriles et ne veulent rien donner, mais que dans le même temps ils poursuivent leurs réformes, qu’on attend 1 800 suppressions de postes dans le secondaire. Pour la rentrée scolaire prochaine, leur projet c’est de blinder les classes, d’exploser les seuils, et de casser l’éducation prioritaire. Alors la priorité qu’ils prétendent donner à l’éducation on voit bien qu’elle est parfaitement hypocrite quand en pleine pandémie ils poursuivent les réformes, sacrifient la pédagogie et suppriment des postes.

RP Macron a déjà fixé les dates de la reprise. Mais il n’a pas dit un mot sur les conditions. Vous avez discuté de ça ?

Marion Nous, avec les collègues, on est déjà entrain de discuter du fait qu’on ne veut pas d’une reprise à taux plein, à la « normale ». On veut que quelle que soit la situation dans quatre semaines on puisse décider et choisir les modalités de la reprises. On veut comme en novembre, des demi-groupes, pour que les jauges ne soient pas saturées. On ne veut pas que dans l’école d’après fermeture on retourne droit dans le mur tous les six mois comme a fait le gouvernement jusque là, avec à chaque fois de trop nombreux morts. On ne veut pas d’une rentrée comme s’il n’y avait pas de pandémie, et pour ne pas revivre cette situation on pense déjà il faut qu’on soit vacciné. On est nombreux à penser que c’est un impératif, une nécessité pour faire cours.

Mais pour vacciner les profs il va falloir se mobiliser pour contraindre le gouvernement à changer de politique. Parce que pour le moment ils n’arrivent même pas à vacciner les personnes sensibles et les personnes âgées, alors on a du mal à croire que dans quatre semaines tous les profs seront vaccinés. Alors ça veut dire changer de stratégie : c’est à dire avoir plus de capacité de vaccination et donc libérer et supprimer les brevets, mais aussi réquisitionner des chaînes de production pour en produire plus et embaucher massivement pour assurer cette production. A part avec cette solution, il ne pourra pas y avoir de reprise correcte. Là le gouvernement joue la stratégie de la montre, pour ne pas toucher aux profits, mais c’est avec la vie de nos élèves et les nôtres qu’ils jouent, et ça on ne peut plus le tolérer.

Propos recueillis par Philomène Rozan


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