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Violences d'État

« On m’a dit ’si tu retournes en manif, t’es mort’ » : témoignage de deux interpellés du 1er mai

« J’ai fait une sorte d’amnésie du choc de l’arrestation. J’avais le corps couvert de contusions et de coupures. » Marcus et Saada ont été violemment interpellés dans la manifestation du 1er mai à Paris. Nous publions ci-dessous leur témoignage dans le cadre de la campagne contre la répression lancée par Le Poing Levé.

Le Poing Levé

23 mai 2023

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« On m'a dit 'si tu retournes en manif, t'es mort' » : témoignage de deux interpellés du 1er mai

Crédits photo : diegoparra

Ce témoignage a été recueilli dans le cadre de la campagne anti-répression menée par le collectif jeune de Révolution Permanente, Le Poing Levé. Pour y participer également et témoigner, vous pouvez remplir ce formulaire.

Le Poing Levé : Bonjour, merci de nous accorder votre témoignage. Pouvez-vous commencer par vous présenter et nous dire si vous vous étiez déjà mobilisés contre la réforme des retraites avant votre arrestation ?

Je m’appelle Marcus*, j’ai 32 ans, au lycée j’ai participé aux mobilisations contre le CPE et depuis je suis sorti dans la rue pendant les Gilets Jaunes. Mis à part quelques gaz ou nasses habituelles, je n’avais jamais subi la répression et n’avais jamais été interpellé en manifestation.

Je m’appelle Saada*, j’ai 32 ans et je suis étudiante à Paris 8 en littérature.

Pouvez-vous nous expliquer comment s’est déroulée votre arrestation le 1er mai ?

[Marcus] Nous étions à Nation, à la fin du parcours de la manifestation, ils ont commencé à nasser toute la place, c’était plus possible de sortir. Nous étions assis sur un banc, ils ont fait une demi charge qui nous a placés entre une ligne de CRS et une ligne de la BRAV-M. La BRAV-M ont attrapé Saada et l’ont secouée. J’ai voulu m’interposer pour qu’ils la relâchent, après un échange de coups, le gars m’a gazé directement dans la bouche, ça ressemblait plus à de la gelée. Pour ne pas avaler, j’ai tout de suite recraché. A partir de là, ils m’ont exfiltré du groupe en me traînant sur le sol, Saada a essayé de me retenir donc ils l’ont embarquée aussi.

Ils m’ont plaqué au sol, j’ai eu droit aux genoux sur la gorge, je ne pouvais plus respirer. C’est grâce aux cris de Saada, qui ont attiré des gens qui ont commencé à filmer, que le policier a relâché la pression et que j’ai pu respirer à nouveau. J’avais les tempes en sang.

[Saada] Ils étaient à 4 pour me transporter alors que je fais 1m60 et 40kg. Ils m’ont mis une capuche et un masque pour faire croire que je m’étais masquée. On est restés plus de 2h cachés derrière les camions, ils faisaient des blagues ultra déplacées pour nous énerver. Ils blaguaient sur le manifestant de Saint-Soline qui était dans le coma ou sur Théo. Y’en avait un qui avait un tatouage facho dans le cou, une croix de Lorraine en feu. Ils avaient beaucoup de propos sexistes pour me provoquer et trouver des raisons de m’avoir arrêtée.

Comment s’est passée la garde-à-vue ?

[Marcus] Après plus de 2h coincés derrière les camions de CRS, ils nous ont emmenés à Saint-Denis, mais il y avait trop de monde donc on est allés à Bobigny. Ils m’ont mis dans une cellule tout au fond, avec des vitres blindées. C’était hyper vétuste, ils ne nous donnaient pas à manger, il fallait limite que je défonce la porte pour qu’ils m’entendent. Ils ont refusé plusieurs fois que j’aille aux toilettes, je n’ai eu aucun kit d’hygiène.

J’ai une carte d’handicapé psychique et j’avais une ordonnance sur moi. Quand le médecin est venu, il n’a pas regardé si j’avais des blessures, il ne savait même pas pourquoi j’était là. Il est revenu beaucoup plus tard avec un simple calmant, ce qui n’a rien à voir avec les médicaments dont j’avais besoin dans mon traitement.

[Saada] Leur but était de nous fatiguer, il ne m’ont pas donné à manger le matin en disant que je l’avais refusé. J’étais dans une cellule plus proche de l’entrée avec seulement du grillage, j’ai dû dormir sans couverture. Ils m’ont donné des calmants, et quand j’arrivais à m’endormir, ils venaient me réveiller pour me faire signer des papiers.

C’était coup de pression sur coup de pression, ils faisaient beaucoup de chantage pour qu’on ne prenne pas d’avocat, qu’on donne nos numéros de téléphone. Ils ne m’ont d’ailleurs pas rendu mon téléphone.

Savez-vous si des charges sont retenues contre vous ?

[Marcus] Oui, j’ai un procès en novembre pour « violences sur agent représentant de l’Etat », pour « refus d’obtempérer » et pour « tentative de porter atteinte à l’intégrité physique d’un représentant de l’Etat ». J’ai gardé le silence pratiquement tout le long de la GAV.

[Saada] Moi j’ai un procès en août pour « violence en réunion dans le cadre d’une manifestation non autorisée ».

Comment vous sentez-vous après cette garde à vue ? Votre rapport à la police a-t-il changé ?

[Marcus] Ca n’a fait que confirmer ce que je savais déjà, mais j’ai quand même été impressionné par le niveau de violence qui a été utilisé, que ça soit physique ou verbale, pendant l’arrestation. Les deux heures qui ont suivi l’arrestation, on était menottés dehors et il y a eu beaucoup de tentatives d’intimidation. Je ne m’attendais pas à ce niveau de violence, ils ont été plus que sur-violents. On m’a dit « si tu retournes en manif, t’es mort ».

[Saada] J’ai fait une sorte d’amnésie du choc de l’arrestation donc je ne me souviens pas de tout. J’avais le corps couvert de contusions et de coupures. Mais ça m’a surtout donné encore plus la rage, sur le moment j’avais peur, mais ce qui reste c’est la rage contre la police, contre l’État et la violence systémique. Ils utilisent la peur pour qu’on ne retourne pas en manif, comme ça ils pourront dire que les gens ne veulent plus se mobiliser et que le mouvement est fini.

*Les prénoms ont été modifiés

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