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La lutte paie

« On a gagné ! » : les grévistes du service néonatal de Saint-Denis victorieuses après 42 jours de lutte

Depuis plus d’un mois, les infirmières du service de néonatalogie de Saint-Denis sont en grève pour des augmentations de salaire et pour de meilleures conditions de travail. Face au mépris et aux pressions de la direction, les travailleuses du service ont gagné sur la majorité de leurs revendications !

Lisa Mage

14 février 2023

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[Crédits photo : SUD Delafontaine]

Mercredi 8 février, la grève des travailleuses du service de néonatalogie de l’hôpital Delafontaine s’est soldée par une victoire des infirmières ! Après 42 jours de lutte acharnée, les infirmières du service, en grève pour des embauches et leurs conditions de travail, ont gagné sur l’immense majorité de leurs revendications. A savoir, le respect des ratios entre les nouveau-nées et les infirmières, la création de 10 postes d’auxiliaires de puériculture – revendication exigée depuis 2021. De plus, les grévistes ont obtenu la diminution et la réorganisation de la charge de travail, le paiement des heures supplémentaires à 100% et jusqu’à juillet, mais aussi la mise en place de réunions mensuelles, en lien avec la direction, et l’acquisition de matériel logistique tel qu’un pneumatique reliant le service directement au laboratoire. La seule revendication qui reste un angle mort dans la politique de l’hôpital, à savoir la stagiairisation, est une revendication qui ne pourra être obtenue qu’à l’échelle de l’hôpital et pour cela, Paula*, infirmière dans le service, explique que « pour la stagiairisation des précaires, il faudrait que tout l’hôpital se mettent en grève »

Pression et combine de la part de la direction : une situation qui s’aggravait au service néonatal de Saint-Denis

Cette grève, qui durait depuis plus d’un mois, se tenait dans un contexte tendu avec la direction, Paula nous raconte : « La direction avait accentué la pression […] On a subi des remarques désobligeantes, des changements de planning à la dernière minute, des cadres qui viennent dans le service pour nous mettre la pression […] On nous disait qu’on se plaignait pour rien, qu’on pourrait faire des efforts. Alors que ça fait deux ans qu’on fait des efforts en changeant tout le temps notre planning, en n’ayant pas de vie ». En effet, comme le précisait une collègue de Paula pour un de nos article, la situation devenait intenable : « On y arrive plus, les collèges craquent tous les jours ». « On nous culpabilise on nous dit qu’on ne pense pas au bébé, qu’on ne pense pas aux parents, alors que si on fait ça, c’est justement pour eux, c’est pas pour la gloire qu’on est là, la situation n’est plus vivable, on fait ça pour nos patients », développe ainsi Paula.

Elle raconte le traitement déplorable que subissent ces travailleuses essentielles, qui se battent au quotidien pour sauver des bébés, alors que la situation était devenue telle que le service de réanimation néonatale de Saint-Denis était en jeu : « On aime vraiment notre métier. On fait tout pour nous dégoûter, mais nous on fait ça pour les bébés, on en est arrivé à un tel stade que Saint-Denis aurait pu perdre sa seule maternité de qualification 3, ça devenait dangereux, on ne peut pas travailler comme ça ».
Elle raconte la réaction de la direction face à leurs revendications : « Le 1 er février, on a eu un rendez-vous avec l’ARS de Saint-Denis, on leur a exposé les raisons de notre grève, nos conditions de travail. Mais l’ARS et la direction se relancent la balle, on nous dit que ça ne dépend pas d’eux » déplore-t-elle. Ainsi, tous leurs recours légaux semble être des impasses, ce qui n’étonne pas les grévistes dans un contexte plus générale de casse des services publics : « Pour les augmentations de salaires, l’ARS nous a dit avoir fait remonter un dossier, mais toujours rien, on nous dit que ça dépend de l’Etat, et vu la conjoncture actuelle ça va pas être facile », explique Paula.

De plus, la direction avait mis en place des combines afin de pénaliser les grévistes. Ainsi « Suite à un jour où, on était gravement en sous-effectif, la direction a mis en place un délestage, c’est à dire une cessation d’activité, mais sur tout l’hôpital du côté maternité. Et, comme on est les derniers maillons de la chaîne, on avait très peu de bébés, pendant près de 10 jours on est restés à moins de dix bébés, ce qui a engendré une assignation de 4 infirmières, et tout ça de manière officieuse ». La direction cherche ainsi à précariser encore plus ces travailleurs essentiels afin de les pousser à arrêter la grève : « En grève, on est assigné en fonction de la charge de travail, donc en fonction du nombre de bébé dont on a la charge. Ils ont donc fait appel à des intérimaires et des vacataires pour nous remplacer, il y a des infirmières et des AP qui on été renvoyé chez elles avec retrait de salaire » développe Paula. « C’est à partir de ce moment-là qu’on a mis en place une caisse de grève car on s’est rendu compte qu’une grève douce n’était plus possible. Là on touche à nos salaires, il faut qu’on s’organise entre-nous pour pouvoir continuer la grève ».

Et cela démontre une chose selon les grévistes, c’est que les revendications sur les ratios sont parfaitement applicables : « Depuis la grève, on voit bien que les ratios sont tenables. A cause des assignations, on avait moins de 10 bébés dans le service, c’est du jamais vu, quand ils veulent ils peuvent le faire, mais moins d’entrées veut dire moins d’argent et ce n’est donc pas dans leur intérêt de respecter les ratios légaux »

Une sortie de conflit la tête haute

Cette victoire des travailleuses du service de néonatalogie ne s’est pas obtenue sans peine. Paula raconte que les grévistes : « avaient décidé à la deuxième réunion qu’on nous envoie un protocole de sortie de grève pour pouvoir se positionner, mais on a représenté un autre protocole réécrit car nos revendications avaient été carrément ignorées ». Dans un contexte de négociations tendues, les grévistes n’ont pas lâché leurs revendications : « Lors de la réunion, le 2 février, on a beaucoup argumenté sur le respect des ratios, ils ont fait des modifications sur places, on a aussi réussi à avoir des majorations à 100% et de manière rétroactive comme on l’avait demandé. On a aussi obtenu l’embauche d’AP, soit 4 de jour et 2 de nuit, mais on n’a pas réussi à avoir la stagiarisation. Leur argument étant que les AP et les AS ne sont pas un métier en voie de disparition et qu’il n’y a donc aucune raison d’être attractif puisqu’il n’y a pas de difficulté à l’embauche ». Une logique purement marchande qui ignore consciemment le bien être des patients et des infirmières.

Au sortir de la troisième réunion, l’état d’esprit des grévistes été déjà déterminé à obtenir leurs revendications, Paula s’exprimait ainsi : « Si jamais il n’accepte pas ce protocole, on continuera la grève et pourquoi pas même approfondir le mouvement en organisant un rassemblement devant l’hôpital ou sur la place de Saint-Denis par exemple ». Face aux perspectives du durcissement du mouvement, la direction s’est montrée beaucoup plus encline à la discussion : « Ils ont avancé sur nos revendications parce qu’ils en avaient marre, ils savaient qu’on allait pas lâcher. On est médiatisé, on a la caisse de grève, ils peuvent nous retirer notre salaire, on s’en fiche… On va tenir ! »

Bien que ce conflit se soit soldé par une victoire sur la majorité des revendications, l’état de délabrement du service hospitalier et les multiples offensives à venir restent bien présentes. Fortes de cette victoire, la conscience reste que seule la lutte paie : « Maintenant, on sait comment ça fonctionne, si la direction ne tient pas ses engagements, on hésitera pas à se battre. ». Notamment concernant l’embauche des AP, pour laquelle Paula affirme qu’ : « il faudrait une grève généralisée sur l’ensemble du centre hospitalier avec tout le personnel, c’est la politique de l’hôpital de ne pas stagiairiser. Pour ces embauches, il faudrait se battre collectivement ».

Dans un contexte plus global d’offensives contre le monde du travail, à commencer par l’actuelle réforme de retraites, les travailleurs du secteur sont bien placés pour savoir à quel point un report de l’âge légal de départ est mortifère. Selon Paula, « Par rapport à la réforme des retraites, on est en plein dans le sujet, on ne peut pas tenir jusqu’à 67 ans, à un moment donné, c’est notre vie ou la leur ».

La victoire des infirmières de Saint-Denis montre en tout cas que le seul moyen d’obtenir des avancées sur la question des salaires, des conditions de travail et même de la retraite, est de s’organiser collectivement et de lutter par la grève. Le communiqué de sortie de grève conclut ainsi : « Nous savons que la lutte continue au quotidien pour imposer de bonnes conditions de travail et de soins ».


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