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Comment faire du neuf avec du vieux

Nouvelles grenades, répression des journalistes : le « schéma du maintien de l’ordre » de Darmanin

Ce jeudi, Gérald Darmanin a publié un « nouveau schéma du maintien de l'ordre ». L'objectif étant de redorer le blason de la police écorné par les dernières mobilisations, et de se préparer aux futurs explosions sociales. Au menu : des nouvelles grenades, et des mesures contre la presse et les manifestants.

Prune Fabre

18 septembre 2020

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Crédit Photo : AFP

Le ministère de l’intérieur a publié, jeudi 17 septembre, le nouveau « schéma national du maintien de l’ordre ». Cette nouvelle doctrine s’accompagne d’un renforcement important des forces de répression, tant du point de vue des effectifs avec 300 postes de gendarmes mobiles à la clef, mais aussi par le matériel qui leur sera alloué. A savoir 300 véhicules neufs, sept engins lanceurs d’eau, 270 véhicules de reconnaissances, cent camions, 130 véhicules de commandement et dix porte-drones que gendarmes et policiers devront se partager. C’est-à-dire un véritable arsenal pour réprimer toujours plus.

LBD : un « superviseur » pour mieux réprimer

Le lanceur de balle de défense, décrié notamment pendant le mouvement des Gilets jaunes, est également concerné par ces changements. Selon le ministre, l’usage du LBD sera en effet désormais « assorti d’un superviseur pour mieux évaluer la situation d’ensemble et désigner l’objectif ». Cette annonce ne concerne que les groupes de sécurité publique et les brigades de répression de l’action violente (BRAV), composées majoritairement des brigades anti criminalité (BAC). Tandis que les CRS et les gendarmes mobiles porteurs de LBD sont censés être déjà soumis à la présence d’un superviseur ils ne sont donc pas concernés par ce changement.

Mais superviseur ou non, il ne fait aucun doute que l’usage du LBD continuera de blesser gravement si ce n’est tuer à vue dans les manifestations et les quartiers populaires, l’impunité policière étant ancrée dans l’institution comme le montre le déni de justice que subissent les victimes de violences policières. Un changement qui ne tient qu’à la volonté du gouvernement de relégitimer son appareil répressif après la remise en cause des violences policières par le mouvement des Gilets jaunes, et plus dernièrement par la mobilisation massive contre le racisme d’État.

La grenade GM2L : une arme de guerre classée A2

Cette nouvelle doctrine se vante également du remplacement depuis septembre du modèle de grenade à main (GMD) par un nouveau modèle réputé moins dangereux, la grenade à éclats non létaux (GENL). Le texte rappelle aussi que depuis janvier la grenade GLI-F4 a été abandonnée au profit de la grenade GM2L, « qui ne contient pas d’explosifs ». Mais qu’en est-il réellement ? 
La mule du pape a publié un comparatif de ces deux grenades.

En effet depuis début 2020 les grenades GLI-F4 ont remplacées les GM2L. Le gouvernement a motivé ce changement par le souci d’utiliser des grenades soi-disant moins dangereuses, car ne se déclenchant plus par l’intermédiaire d’un élément explosif comme la TNT, et ne générant pas d’éclats pouvant blesser. Mais en réalité la grenade GM2L reste une arme de guerre classée A2, extrêmement violente, et contrairement au discours officiel, potentiellement blessante et proche de la GLI-F4.

Toujours selon La mule du pape, c’est suite à l’explosion d’une de ces grenades à quelques mètres de lui qu’en novembre 2019, lors de l’anniversaire des Gilets jaunes, le journaliste indépendant Julien Moreau a été très grièvement blessé au visage. Le journal pointe qu’il n’y a pas de différences majeures entre la grenade GMD et la GENL : « l’effet sonore reste au-dessus du seuil de douleur et des dommages à vie pour le tympan, la vitesse de projection des plots souffre d’une petite réduction, mais pas significative, etc. Le point à relever concerne l’énergie cinétique. Néanmoins, pour ce qui concerne la GENL, il apparaît que recevoir un plot représentant une force cinétique de 3.6 kg à 1m de distance, sur des parties du corps aussi vulnérables que les yeux, la gorge, les testicules, etc, semble pouvoir produire des dégâts comparables aux 80 joules de la GMD (sans doute exprimés sur une large distance) ».

Les journalistes sommés de ne pas couvrir la répression

Le nouveau schéma consacre également un point aux journalistes : « Il importe à cet égard de rappeler que le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après sommation ne comporte aucune exception, y compris au profit des journalistes ou de membres d’associations. Dès lors qu’ils sont au cœur d’un attroupement, ils doivent comme n’importe quel citoyen obtempérer aux injonctions des représentants des forces de l’ordre en se positionnant en dehors des manifestants appelés à se disperser. »

Celui-ci s’articule en effet avec la promesses de nouvelles sommations plus « plus explicites et totalement modernisées ». Le gouvernement tente ainsi de se laver les mains face aux accusations d’atteintes à la liberté de la presse notamment documentées par David Dufresnes, qui a recensé 117 cas de journalistes empêchés de travailler par les forces de répression depuis un an et demi. Ou encore l’interpellation ce samedi de trois journalistes dont Gaspard Glanz qui rapporte s’être fait effacer ses images lors de sa détention. Mais le subterfuge ne trompe pas. Cécile Coudriou, présidente d’Amnesty International France pointe ainsi dans un communiqué : « On ne s’engage pas dans une approche de désescalade en présentant de nouvelles grenades et en maintenant l’usage du LBD, pas plus qu’on n’établit un dialogue en modifiant les sommations à l’adresse des manifestants ».

C’est donc un signal politique que le gouvernement envoie avec ce nouveau « schéma national du maintien de l’ordre ». Loin d’un changement de doctrine, le pouvoir se trouve dans la nécessité de se préparer aux potentielles explosions sociales à venir dans un contexte de crise économique et sanitaire inédit. A travers ces annonces, Gerald Darmanin n’en est pas moins dans la continuité de Castaner, tout en essayant de donner de une nouvelle légitimité à l’insitution policière dont l’image a été durement écorné lors des dernières mobilisations. Usant de la rhétorique des « casseurs » « infiltrés », se voulant « plus ferme avec les auteurs de violences », ces annonces marquent avant tout un renforcement du dispositif répressif dans le cadre de l’offensive sécuritaire du gouvernement sur le terrain de l’extrême-droite, illustrée par la sortie de Gérald Darmanin sur « l’ensauvagement de la société ». Une offensive autoritaire teintée d’islamophobie à l’instar du projet de loi « contre les séparatismes » qui vise avant tout les musulmans ou supposés musulmans, sans faire l’économie de généraliser la désignation des « ennemis de la République » à toutes celles et ceux qui se sont opposé à Macron et son monde ces derniers mois et années.
L’ensemble des organisations de gauche et d’extrême-gauche devraient donc faire front pour organiser la riposte, et refuser de s’associer à un tel projet.


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