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Ni baroud d’honneur, ni « dialogue social » : après un 1er mai historique, il faut un plan de bataille !

Malgré la promulgation de la loi, ce 1er mai a marqué un rebond de la mobilisation contre la réforme des retraites. Mais alors que la colère se maintient, l'intersyndicale se refuse toujours à tirer le moindre bilan. Tout en semant des espoirs sur le terrain institutionnel, elle se prépare à renouer avec le « dialogue social » avec Macron. Face à cette impasse, il nous faut imposer une autre stratégie.

Nathan Deas

1er mai 2023

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Ni baroud d'honneur, ni « dialogue social » : après un 1er mai historique, il faut un plan de bataille !

Crédit photos : Révolution Permanente

Malgré la promulgation de la loi, ce 1er mai en forme de treizième rendez-vous de mobilisation contre la réforme des retraites a été massif. Avec 2,3 millions de manifestants selon la CGT (782 000 manifestants selon le ministère de l’Intérieur) dans toute la France, les manifestations de ce lundi se placent au second rang des 1er mai les plus importants de ces 30 dernières années. Juste derrière le 1er mai 2002 dans l’entre-deux tours d’une élection présidentielle qui avait vu l’extrême-droite arriver au second tour pour la première fois. Sans atteindre pour autant les pics du mouvement, la mobilisation a été une nouvelle fois importante dans les villes moyennes et petites comme en témoignent les 310 manifestations et rassemblements dans toute la France. On comptait par exemple 18 000 manifestants au Havre, selon la CGT, 12 000 à Saint-Nazaire, plus de 5000 à Saint-Brieuc, … A Paris, avec près de 550 000 manifestants comptabilisés par la CGT (112 000 selon l’Intérieur), la journée aura été l’une des plus importantes depuis le début de la bataille des retraites.

Une mobilisation historique : les travailleurs veulent continuer le combat !

Une mobilisation qui témoigne une fois de plus de la profondeur de l’opposition à la réforme des retraites et d’une colère qui se maintient face au coup de force du gouvernement. Une « profondeur » d’autant plus inédite que le texte sur les retraites a déjà été promulgué et que ce lundi constituait la 13ème journée d’un mouvement entamé il y a plus de trois mois. Alors que le gouvernement espérait un « baroud d’honneur » pour enfin tourner la page des retraites, il lui faudra se faire une raison : après les casserolades des dernières semaines, le combat contre les retraites montre qu’il n’a pas dit son dernier mot.

D’autant qu’au-delà des chiffres, la détermination à faire plier Macron est toujours forte dans les cortèges. A Nantes, Anne, chargée d’accueil dans un centre social, confie au Monde espérer que cette manifestation du 1er Mai n’est pas un « baroud d’honneur ». « On a l’espoir de tout faire péter » dit-elle. A Saint Omer, dans le Pas-de-Calais, le son de cloche est identique.« « Beaucoup dans le cortège sont loin d’être résignés. Je suis dehors pour plein de raisons, pour l’écologie, l’inflation, le pouvoir d’achat qui baisse », explique Mylène, 39 ans, éducatrice spécialisée […] Alors, non, le mouvement « n’est pas terminé du tout » rapporte Libération, citant de nombreux témoignages dans le même sens.

A Paris, cet état d’esprit s’est notamment exprimé dans l’important cortège interprofessionnel appelé par le Réseau pour la grève générale. Plus d’un millier de travailleurs et d’étudiants y ont chanté leur volonté de donner un « second souffle au mouvement », critiquant au passage la stratégie de l’intersyndicale. « Aujourd’hui la seule stratégie qu’on nous propose, c’est une stratégie de la défaite, d’enterrer la mobilisation après le 1er mai. On veut porter dans la rue, une alternative à ce que propose l’intersyndicale. Le seul moyen qu’on a de gagner, c’est de préparer la grève générale. » explique Christian Porta, travailleur dans l’agroalimentaire, venu de Metz pour l’occasion avec une délégation de plus de 80 personnes.

Une colère à laquelle le gouvernement a à nouveau répondu par la répression. Après avoir mobilisé des drones pour surveiller les manifestations dans différentes villes, la police a été à l’offensive dans les cortèges partout en France, gazant et chargeant les manifestants. A Nantes, un d’entre eux a eu la main arrachée en début d’après-midi suite à l’explosion d’une grenade policière, à Paris on comptait déjà 68 interpellations à 18 heures, 49 à Lyon, 23 à Bordeaux, au moins 16 à Toulouse.

Impasse stratégique : l’intersyndicale veut renouer le dialogue avec Macron et sème des illusions institutionnelles

La colère qui continue de s’exprimer remet en avant la nécessité d’un plan de bataille à la hauteur de la situation, après deux semaines d’interruption par l’intersyndicale de la mobilisation interprofessionnelle. Or, dans ce contexte, l’intersyndicale ne dessine comme perspective qu’une potentielle date de mobilisation pour faire pression sur les débats parlementaires du 8 juin prochain. « Nous avons des perspectives claires puisque le 8 juin prochain, l’abrogation de cette réforme va pouvoir être votée, avec la proposition de loi du groupe LIOT qui sera examinée à l’Assemblée nationale et qui vise à supprimer la retraite à 64 ans » a déclaré en ce sens Sophie Binet de la CGT, avant le départ du cortège parisien, après avoir évoqué la veille la perspective de la validation d’une nouvelle proposition de RIP par le Conseil Constitutionnel ce mercredi.

Une logique qui s’inscrit de façon assumée dans la même stratégie de pression que celle qui s’est déployée depuis le 19 janvier. Ainsi, la dirigeante de la CGT a appelé lundi « les députés à prendre leurs responsabilités et à permettre ainsi une sortie de crise », affirmant que « la motion de censure on a été à 9 voix près et là on n’est pas sur les mêmes règles de majorité. » Après des mois à essuyer échec sur échec à l’Assemblée, au Sénat ou au Conseil constitutionnel, l’intersyndicale se refuse toujours à tirer le moindre bilan et propose de répéter cette stratégie avec un calendrier encore plus espacé encore.

Une impasse d’autant plus grave qu’en parallèle, les dirigeants confédéraux souhaitent la reprise du « dialogue social ». Ce lundi matin, Laurent Berger a ainsi expliqué que l’espoir de faire reculer le gouvernement n’empêcherait pas la CFDT d’« agir sur d’autres problématiques », c’est-à-dire de retourner à la table des négociations avec le gouvernement.De son côté, la direction de la CGT soumet son retour à l’Élysée à la décision de l’intersyndicale qui se réunira mardi, mais a d’ores et déjà annoncé qu’elle était disposée à renouer avec le « dialogue social », à condition de « parler des salaires ».

L’intersyndicale maintient l’impasse stratégique tout en tendant la main à Macron : il faut un plan de bataille !

L’attitude de l’intersyndicale mêlant dates isolées pariant sur une illusoire perspective institutionnelle pour faire reculer Macron et reprise du « dialogue social » conduit à faire de la mobilisation de ce lundi un « baroud d’honneur » du mouvement, en attendant son épuisement pendant les vacances. Une perspective en décalage avec la colère par en bas, qui exige un autre plan de bataille. D’autant que le camp d’en face s’organise. Tandis que Macron compte poursuivre ses attaques, en commençant par s’en prendre aux plus précaires, Marine Le Pen espère capitaliser sur la colère et cherche à se poser en opposante numéro 1 au gouvernement avec son meeting au Havre.

Face à ces deux projets réactionnaires, le mouvement de masse doit se doter d’un programme et d’une stratégie pour affronter les mois à venir. La mobilisation historique de ce lundi, mais aussi la multiplication de grèves reconductibles pour les salaires ces dernières semaines, du côté des travailleuses du textile de Vertbaudet ou des éboueurs du Sivom, montrent que la colère est là. Une autre stratégie est possible et nécessaire pour qu’elle soit enfin victorieuse.

En ce sens, la construction d’un plan de bataille qui mette au centre la perspective de la généralisation de la grève pour durcir le rapport de forces avec Macron doit être la priorité des prochaines semaines. Pour aller dans cette direction, il est indispensable que les travailleurs et les syndicats de base, quelles que soient leurs étiquettes, commencent à prendre leurs affaires en main, comme insistaient les manifestants depuis le cortège parisien du Réseau pour la grève générale ce lundi : « il n’est pas question d’aller autour d’une table discuter avec le gouvernement comme veut le faire l’intersyndicale. Dès la semaine prochaine on doit se retrouver pour penser un plan de bataille à la base. C’est ce qu’on essaye de faire avec le Réseau pour la grève générale, il faut le généraliser et le faire partout ».


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