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Mouvement étudiant

Nantes. Retour sur le mouvement de l’école du travail social, bloquée pendant une semaine

A Nantes, l’école de formation aux métiers du travail social a été bloquée pendant une semaine par les étudiant·e·s pour rejoindre la bataille contre la réforme des retraites. Assemblées générales, auto-organisation, caisse de grève, participation aux blocages et aux manifestations : retour sur une semaine chaude dans cette école peu habituée aux conflits sociaux.

Correspondant-e Nantes

28 mars 2023

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Nantes. Retour sur le mouvement de l'école du travail social, bloquée pendant une semaine

Crédits photo : page Facebook du syndicat solidaires étudiant.e.s ARIFTS

Vendredi 17 mars, des étudiant·e·s de l’école ont pris l’initiative de convoquer une Assemblée Générale suite à l’utilisation du 49.3 par le gouvernement. La manifestation de la veille a été énergique et fortement réprimée à Nantes. Les violences sexuelles de policiers sur des étudiantes au cours d’une nasse en début de semaine ont aussi marqué les esprits. La quasi-totalité des étudiant·e·s présent·e·s ont répondu à l’appel et l’assemblée générale réunit près de 200 personnes. La discussion est calme mais la détermination est claire : la simple participation aux journées de grève proposées par l’intersyndicale nationale ne paraît pas à la hauteur des évènements. Manquer les cours peut cependant entraîner des conséquences financières et disciplinaires : faire annuler tous les cours constitue une solution pour permettre une mobilisation collective. L’assemblée générale étudiante vote presque unanimement en faveur du blocage.

Une banderole de la section syndicale Solidaires Étudiant·e·s est accrochée sur le bâtiment, tables et chaises sont sorties pour fermer les accès. L’enthousiasme collectif résonne en chanson : « grève générale, totale, étudiants travailleurs, tous ensemble on est forts, tous ensemble on leur fait peur  ». Une organisation par commissions est improvisée : prise de contact avec la presse, préparation d’une banderole et d’affiches, rédaction d’un communiqué, création d’un canal de communication interne... Des salarié·e·s d’une association qui devait tenir une réunion de travail dans l’enceinte de l’école se voient refuser l’entrée : certain·e·s ne se privent pas d’exprimer leur soutien à l’action des étudiant·e·s. Une nouvelle assemblée générale se tient en fin de journée, le blocage est reconduit à l’unanimité.

Lundi 20 mars. Des étudiant·e·s en stage la semaine précédente reviennent à l’école, les avis sont partagés quand au blocage : certain·e·s ont envie de participer à la bataille contre la réforme des retraites, d’autres demandent à pouvoir aller en cours. L’assemblée générale a lieu dans la foulée, le ton est parfois houleux, mais une grande majorité vote pour la reconduction. Une journaliste de la presse locale vient faire des interviews pour un article qui paraîtra le lendemain. L’après-midi, des liens se tissent entre étudiant·e·s mobilisé·e·s, les discussions dépassent le cadre de la réforme des retraites : on parle des conditions de vie et d’étude, des conditions de travail dans le social, de la répression policière, des discriminations sexistes... Les informations sur les blocages tenus par les agents de collecte des déchets et de la régie de l’eau circulent. Les syndicats CGT et CFDT des formateurs de l’école écrivent un communiqué demandant à la direction de l’école de prendre position contre le projet de casse des retraites et contre la dégradation des conditions de travail dans le secteur social.

Mardi 21 mars. Une partie des étudiant·e·s participe à l’opération « ville morte » organisée par l’Assemblée Générale de lutte de Nantes qui crée des bouchons énormes dans l’agglomération. Une autre partie des étudiant·e·s reste à l’école, pour continuer le blocage. Dans le cours de la matinée, des membres du collectif « travail social en lutte 44 » viennent discuter et exprimer leur soutien. La direction de l’école vient à la rencontre avec les étudiant·e·s mobilisé·e·s : le blocage des cours et du bâtiment ne lui plaît pas particulièrement. Les étudiant·e·s expriment les raisons de leur mobilisation, expliquent la nécessité de bloquer pour s’investir, puis rappellent que c’est l’assemblée générale qui décidera de la suite des évènements. Celle-ci, réunie en début d’après-midi, fait à nouveau la part belle aux discussions concernant le blocage des cours : le débat reste conflictuel mais les arguments des uns et des autres sont entendus. La situation des étudiant·e·s en apprentissage et en contrat de professionnalisation est évoquée : certain·e·s doivent retourner sur leur lieu de travail quand les cours n’ont pas lieu, d’autres choisissent de faire grève mais s’exposent alors la diminution d’un salaire déjà bien maigre. L’assemblée générale vote aux deux tiers en faveur de la reconduction du blocage pour 24h. Une délégation se rend à l’assemblée générale des étudiant·e·s de l’école d’architecture de Nantes, bloquée depuis plusieurs jours. Une marche aux flambeaux a lieu le soir à l’initiative de l’intersyndicale locale, des étudiant·e·s participent à cette manifestation marquée par des violences policières.

Mercredi 22 mars. Un blocage est organisé par les élèves du lycée Jean Perrin, à un kilomètre de là : des étudiant·e·s s’y rendent pour discuter et apporter leur soutien. Une partie des personnes présentes à l’école font un point sur la répression dans les manifestations et échangent les conseils juridiques pour y faire face. Une autre partie réfléchit à une forme de mobilisation alternative au blocage : l’intérêt de bloquer est souligné par tou·te·s, mais les tensions dans les assemblées générales conduisent à vouloir expérimenter une autre forme de mobilisation. Une réunion est provoquée avec la direction de l’école pour demander la mise à disposition permanente d’une salle et la levée d’assiduité pour les étudiant·e·s qui souhaitent se mobiliser. L’après midi, un documentaire sur la lutte des femmes de ménage d’Onet est projeté et une discussion a lieu avec des militantes du collectif « féministes révolutionnaires » venues exprimer leur soutien. L’assemblée générale qui se tient à 18h est plus sereine, des étudiant·e·s en apprentissage expriment les conséquences financières de leur engagement, la direction est interpelée sur la possibilité de les soutenir mais ne donne pas suite. La demande d’avoir une salle et une levée d’assiduité formulée le midi n’a pour le moment pas reçu de réponse, le blocage de l’école constitue donc la principale perspective pour poursuivre la mobilisation. Le vote est unanime pour bloquer jeudi, jour de manifestation nationale. Les deux tiers de l’assemblée générale votent pour bloquer également le vendredi. La création d’une caisse de grève est décidée pour soutenir les étudiant·e·s en apprentissage et en contrat de professionnalisation qui subissent des pertes de salaire.

Jeudi 23 mars. Des étudiant·e·s sont présent·e·s devant le tribunal judiciaire de Nantes à 8h30 pour soutenir les postier.e.s assigné.e.s en justice par leur entreprise pour le blocage du centre de tri, d’autres se rendent à l’école pour poursuivre le blocage. Le rendez-vous est donné au départ de la manifestation nantaise à 10h30 : le cortège des étudiant·e·s de l’école se rassemble derrière sa banderole et sort les pancartes préparées la veille. La caisse de grève qui avait commencé à se remplir le matin devant le tribunal circule dans la manifestation. Les dons sont nombreux, les encouragements également. La manifestation est particulièrement massive, avec une forte présence de la jeunesse. En fin d’après-midi, un message est transmis aux étudiant·e·s mobilisé·e·s : la direction de l’école formule une proposition en réponse aux demandes formulées la veille. Une assemblée générale est donc convoquée pour vendredi en vue de prendre position sur cette proposition et décider de la poursuite ou non du blocage des cours.

Vendredi 24 mars. Les discussions de la matinée concernent les modalités de gestion de la caisse de grève et les perspectives pour la suite de la mobilisation. La caisse de grève a connu un bon succès la veille, elle permettra de faire face à une partie des pertes de salaire. L’envie est exprimée de continuer à la faire circuler pour pouvoir porter la solidarité financière le plus haut possible. Les discussions concernant la suite de la mobilisation donnent à entendre plusieurs points de vue : certain·e·s pensent que le maintien du blocage est nécessaire pour continuer à participer de manière efficace aux batailles en cours, d’autres pensent que le fait d’avoir une salle et de pouvoir se libérer des contraintes de cours permettra de se dégager des tensions générées par le maintien du blocage. L’assemblée générale se tient le midi, les trois quarts des personnes présentes votent en faveur d’une levée du blocage pour la semaine à venir et d’une acceptation de la proposition de la direction. En fin d’assemblée générale, des étudiant·e·s prennent la parole pour exprimer l’évènement qu’a constitué dans leur vie cette entrée dans la mobilisation. Le bilan est clair : la mobilisation contre la réforme des retraites a permis de tisser des liens humains, d’avoir des échanges politiques, de faire l’expérience de l’auto-organisation et de la solidarité, de rencontrer des personnes impliquées dans les luttes sociales et d’être dans l’action à leurs côtés.

L’entrée du mouvement étudiant dans la bataille contre la réforme des retraites constitue clairement un des éléments essentiels de la semaine passée. La première semaine de mobilisation à l’école de travail social de Nantes donne à voir comment la période actuelle peut constituer une école de la lutte des classes. Les aspirations formulées par les étudiant·e·s ont débordé dès le premier jour les revendications purement sectorielles qui caractérisent souvent les combats des travailleurs sociaux : il s’agit de changer de système, pas de préserver l’existant. Les liens tissés avec des secteurs du monde du travail au cours de cette première semaine font écho à la mobilisation de nombreux étudiant.e.s avec des travailleur.euse.s du réseau pour la grève générale contre les réquisitions sur la raffinerie de Normandie : une jonction étudiant·e·s-travailleurs·euses qui a tout d’explosive !


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