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Tribune libre

Najat Vallaud-Belkacem soutient Valls... depuis deux ans déjà

13 déc. 2016 Par B. Girard Blog : Histoire, Ecole et Cie Le bruyant soutien apporté par Najat Vallaud-Belkacem à la candidature de Valls aux présidentielles n’est en rien une surprise ; que ce dernier reste dans l’histoire – s’il y reste – comme l’un des chefs de gouvernement les plus brutaux qu’on ait connus, l’école a déjà eu l’occasion de s’en rendre compte, utilisée comme terrain d’expérimentation d’un projet politique qui affiche sans complexe ses fantasmes identitaires.

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Soutenir Valls ... et l’injonction identitaire

 
On peut remonter à janvier 2015, dans les journées et les semaines qui ont suivi les premiers attentats terroristes. Une minute de silence chahutée dans quelques établissements ; la confirmation que les auteurs des attentats avaient bien été scolarisés en France : il n’en faut alors pas plus pour que l’école se retrouve sur le banc des accusés, pour que le procès du terrorisme ne tourne au procès de l’école. Face à une Assemblée nationale hystérique (13/01/2015), c’est Valls qui lance la charge – « à l’école, on a laissé passer trop de choses » - donnant ainsi le signal d’une lourde reprise en main idéologique que la ministre en titre est chargée de mettre en œuvre. A côté de mesures répressives (surveillance d’élèves suspectés de « radicalisation », dénonciation d’élèves à la police et aux parquets etc), cette reprise en main, d’emblée, se fixe comme objectif de renforcer un sentiment d’appartenance nationale, considéré comme la seule voie de salut. « Soyez davantage fiers d’être français, c’est vous qui représentez la France de demain  » : c’est le message lancé par Valls aux lycéens (20/01/2015), prélude à toute une série de mesures annoncées à grand renfort de publicité par une ministre dont la ligne de conduite semble déjà coller au plus près des préoccupations de son mentor.

De fait, dans les semaines et les mois qui suivent, la «  grande mobilisation pour les valeurs de la république  » lancée par l’éducation nationale, a tôt fait de tourner à la mobilisation patriotique, concrétisée par des injonctions à répétition en direction des élèves :

renforcement de l’apprentissage de la Marseillaise dans les programmes d’EMC (éducation morale et civique) de l’école primaire et mise en place d’une « année de la Marseillaise  », l’hymne national faisant dorénavant l’objet d’une « célébration  » dans les établissements scolaires (circulaire du 03/02/2016).

recentrage, imposé par le pouvoir politique, des programmes d’histoire sur le fait national. Une initiative dont Valls est l’un des (nombreux) inspirateurs (02/2015) : « il faut comprendre notre propre histoire, d’où nous venons, nos valeurs, notre identité. La France a été un immense pays parce qu’elle a toujours su parler de sa propre histoire. Oui, il faut apprendre à aimer, lucidement, mais à aimer, qui nous sommes et d’où nous venons.  » Le CSP (conseil supérieur des programmes) s’exécutant docilement, NVB pouvait alors deux mois plus tard (18/09/2015), lors de la présentation officielle des programmes, se féliciter de ce que l’histoire de France trouve «  au cœur de l’enseignement de l’école élémentaire » une place qu’elle n’avait d’ailleurs jamais perdue. De cette instrumentalisation de l’histoire qui n’est décidément pas l’apanage de l’extrême-droite, découle dorénavant l’obligation faite aux établissements « de définir précisément les modalités de participation active des élèves aux commémorations patriotiques (…)  »

parasitage de l’EMC par des considérations identitaires : « le sens républicain de la nation fait partie de l’enseignement, de même que le drapeau national, l’hymne national, la fête nationale ou encore la défense nationale. » (NVB devant la commission d’enquête sénatoriale, 05/2015).

renforcement de l’éducation à la défense, à travers le dernier protocole armée-école(20/05/2016) qui stipule : « L’éducation à la défense « vise à faire comprendre [aux élèves] que les militaires servent la Nation […]. Pour remplir pleinement ces missions, les militaires ont besoin du soutien de l’ensemble de la Nation. »

 Soutenir Valls : même le pire ?

 
Toutes ces mesures annoncées en rafale, indépendamment du fait qu’elles n’ont jamais fait l’objet d’un débat public, s’inscrivent dans un contexte qui n’est évidemment pas innocent, porté entre autres par un ancien Premier ministre qui n’a jamais fait mystère ni de sa philosophie de l’histoire ni de sa conception étriquée de la citoyenneté, abusivement confondue avec la nationalité. Avec beaucoup d’autres – et pas des plus recommandables – Valls inscrit son action politique dans le cadre d’une croisade contre un adversaire ciblé, un islam inséparable du terrorisme. « Nous ne pouvons pas perdre cette guerre parce que c’est au fond une guerre de civilisation. C’est notre société, notre civilisation, nos valeurs que nous défendons » (06/2015). Tant pis pour les gamins d’Alep qui n’appartiennent pas à la même civilisation que "la nôtre". Entre cette logique – celle de la guerre des civilisations – transcrite d’élucubrations pseudo scientifiques mais développée le plus officiellement du monde par le candidat à la présidentielle, et le renforcement des exigences « nationales » de l’éducation, la proximité n’est pas que de façade ; d’autant moins pour Valls que l’ennemi est déjà dans nos murs, dans nos écoles, avec ces « milliers de jeunes qui peuvent basculer dans la radicalisation (…) la menace, le danger sont au sein de notre société. » 

NVB fait donc le choix de soutenir la candidature de Valls : ce faisant, elle soutient également la fermeture des frontières – et ses conséquences : les milliers de migrants morts noyés en Méditerranée - les rafles d’étrangers, l’enfermement d’enfants dans les camps de rétention, les contrôles d’identité au faciès. Elle soutient, bien sûr, l’état d’urgence, les violences policières et la suspicion entretenue autour de toute une partie de la population. Elle soutient, finalement, la dérive d’un régime fondé sur la stigmatisation, la peur de l’autre, la surveillance généralisée, la brutalité. Une dérive que les cours obligatoires de morale et de citoyenneté, la célébration pathologique des « valeurs de la république », pourront un temps dissimuler. Enrôlée dans cette campagne, elle n’en demeure pas moins ministre, au mépris de la plus élémentaire déontologie, confondant sans scrupule deux registres différents : d’un côté, la responsabilité du service public d’éducation, qui exige un minimum de respect pour les élèves, leur famille et le personnel des établissements ; de l’autre le souci de sa propre carrière et le soutien à un politicien à la triste figure, aux engagements critiquables et aux valeurs douteuses.

Outre le fait que ces valeurs ont déjà largement imprégné son activité de ministre, se pose alors la question de sa légitimité présente : exiger des uns le respect d’une certaine neutralité («  agir en fonctionnaire responsable  », selon la terminologie en vigueur à l’EN) et s’en affranchir pour soi-même. Le civisme, c’est juste bon pour faire la leçon aux élèves.


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