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Asie du Sud-Est

Arme chimique et boucliers humains : au Myanmar, les habitants de Mindat fuient l’assaut des militaires

Dans l’ouest du pays, devenu un théâtre majeur de la résistance populaire armée face à la junte militaire, la répression sanglante de l’armée birmane pousse les opposants à fuir vers la jungle, dans des conditions inhumaines.

Hélène Angelou

25 mai 2021

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Depuis le coup d’État de février dernier, l’opposition à la junte militaire se poursuit au Myanmar. Le pays est secoué par d’importantes grèves, notamment dans le secteur clef qu’est le textile, et des manifestations massives, marquées par une forte présence de la jeunesse, révoltée contre le coup d’État. Ce mouvement de résistance à la dictature se combine aussi de plus en plus avec des actions armées. C’est notamment le cas dans les confins montagneux du pays, habités par les minorités ethniques souvent persécutées et ayant une tradition d’organisation en milices. La tendance à la résistance populaire armée a par ailleurs pris une nouvelle ampleur depuis la création par le Gouvernement d’Union nationale, rassemblant les opposants à la junte dans une alliance portée par la Ligue Nationale pour la Démocratie (partie de l’ancienne présidente Aung San Suu Kyi), de sa propre milice : la Force de Défense du Peuple (FDP). Résistance armée à laquelle se sont ralliées une partie importante des guérillas des minorités ethniques, dont la plus importante, l’Arakan Army.

Ces dernières semaines, l’ouest du pays et notamment la ville de Mindat est devenue un haut lieu des affrontements entre l’armée birmane et la résistance populaire armée. Située dans l’État de Chin, frontalier de l’Inde et du Bangladesh, cette petite ville a vu s’affronter aux militaires les armées ethniques locales, la Force de défense de Chin, probablement appuyée par l’Arakan Army, mais aussi les travailleurs et jeunes qui affluent de tout le pays.
Depuis, une répression brutale s’abat contre la population. La ville a en effet été prise par l’armée et est aujourd’hui occupée, au prix d’un lourd bilan humain, d’une répression sanglante à l’égard des civils, utilisés comme boucliers humains et d’importantes destructions.

Face aux risques de représailles et devant l’ampleur de la répression, les opposants et les populations ont été contraintes de fuir la ville et se réfugier dans la jungle, comme le révèle le média birman Khit Thit Media.

D’après les témoignages relayés auprès de l’agence de presse allemande, 10 000 à 15 000 habitants ont dû quitté leur maison et se trouvent aujourd’hui piégés dans la jungle, dans des conditions inhumaine, manquant de vivres, de soins et sans aucun abris.

Les militaires lancent ces derniers jours de nouvelles offensives armées, pourchassant les opposants dans la jungle, et certains témoins font l’hypothèse d’un usage d’armes chimiques.

Ces offensives se multiplient également dans l’État du Kayin, autre région de résistance populaire armée, qui fait l’objet ces dernières heures d’une offensive meurtrière de l’armée birmane, attaquant les villages en représailles->https://www.myanmar-now.org/en/news/juntas-forces-attack-civilians-in-kayah-state-in-retaliation-for-local-resistance]. A travers le pays, de nombreuses manifestations ont eu lieu en soutien à Mindat.

Si l’approfondissement du conflit s’accompagne d’une intensification des violences de la junte à l’égard de la population birmane, le mouvement populaire trouve aujourd’hui un nouveau souffle par l’alliance avec les armées ethniques locales. Cette union dans un mouvement populaire multiethnique pourrait rebattre les cartes politiques. En effet s’il affirme aujourd’hui son soutien au gouvernement d’unité nationale, dirigé par l’ancien parti au pouvoir, pourtant complice des exactions et persécutions contre les minorités locales, son indépendance vis à vis des partis de gouvernement est une donne cruciale dans la possibilité de voir émerger une direction alternative et concurrente à la direction bourgeoise libérale incarnée par Aung San Suu Kyi.


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